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Désormais, la douane peut directement saisir à  la frontière les produits contrefaits

La mesure est en vigueur depuis la mi-février.
Le Maroc importe plus qu’il ne fabrique de produits contrefaits.

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L’étau se resserre autour des contrefacteurs. Une nouvelle mesure, contenue dans la loi 31-05, est en application depuis la mi-février. Si, jusqu’à présent, l’intervention douanière n’était possible que sur décision judiciaire, la loi permet désormais à la Douane d’opérer aux frontières la saisie des marchandises contrefaites.

La douane, en raison du caractère transfrontalier de la contrefaçon, peut ainsi intervenir sur demande de saisie du propriétaire de la marque au Maroc ou du bénéficiaire d’un droit exclusif d’exploitation, les marchandises soupçonnées d’être des contrefaçons portant atteinte aux droits du propriétaire. Suite à cette demande, l’Administration des douanes procède à la suspension de la mise en libre circulation des marchandises jusqu’à ce que l’action en justice aboutisse. Elle peut ausssi suspendre d’office la marchandise importée, exportée ou en transit qu’elle détermine ou soupçonne d’être contrefaite.

Contraints par ses engagements internationaux envers l’OMC et les accords de libre-échange, notamment avec les Etats-Unis, le Maroc part en guerre contre la contrefaçon. Tous les acteurs impliqués dans cette lutte, notamment le ministère du Commerce et de l’Industrie, l’Office marocain de la propriété industrielle et commerciale (OMPIC) ainsi que l’administration, allient leurs efforts pour une large campagne de sensibilisation des entreprises marocaines à l’importance de cette autre mesure visant la protection des marques marocaines et étrangères présentes au Maroc. Il n’est donc pas étonnant que l’on ait choisi la contrefaçon comme thème pour l’édition 2006, de la Journée mondiale des droits du consommateur. «Le choix de ce thème n’est pas fortuit car le phénomène ne cesse de s’accentuer et demeure inquiétant, du fait que ses champs sont vastes et touchent tous les secteurs économiques. Sans compter que ses conséquences sont souvent désastreuses en terme d’emploi et de sécurité sanitaire», dit-on au ministère du Commerce et de l’industrie.
L’institution de la saisie aux frontières, déjà appliquée par divers pays dont la France et les USA, permet ainsi au Maroc, selon l’OMPIC, de se mettre au niveau des législations étrangères.

Ce qui amène à s’interroger sur l’ampleur de la contrefaçon au Maroc : que représente-t-elle ? Quels secteurs touche-t-elle ?
Difficile d’établir une estimation pour le Maroc. Ni le ministère du Commerce et de l’industrie, ni l’OMPIC et encore moins l’Administration des douanes ne disposent de statistiques permettant d’en mesurer l’impact économique. Au niveau mondial, il est également difficile de cerner avec précision le phénomène, mais selon des études de l’OCDE (Organisation pour la coopération et le développement économique), le poids de la contrefaçon représente aujourd’hui 7% du commerce mondial. Soit un manque à gagner de l’ordre de 300 milliards d’euros (3 300 milliards de DH). Les pertes d’emplois avoisineraient, elles, les 200 000 annuellement.

Jouets, montres, articles de maroquinerie, accessoires, vêtements, médicaments, cartes de crédit, CD , logiciel…, aucune branche d’activité ne semble épargnée par les contrefacteurs. Les produits contrefaits sont largement distribués dans le monde, mais la production est en grande partie localisée en Asie du Sud-est, la Chine en particulier. Le groupe Bic en fait les frais : ses produits vendus au Maroc (stylos, briquets…) subissent la concurrence de la contrefaçon chinoise. Le phénomène va en s’amplifiant, ce qui fait dire aux responsables du groupe Bic que «la contrefaçon relève du terrorisme industriel, le vol de millions d’heures de travail et d’investissement technologique». Au Maroc, le groupe a procédé à des saisies par voie judiciaire en 2004 et 2005. Elles ont permis la confiscation de 1,9 million de faux briquets à molette Bic. Le groupe a également intenté des actions en justice contre des importateurs et grossistes.

Au Maroc, le phénomène de la contrefaçon n’est pas nouveau et connaît, selon le ministère du Commerce et de l’industrie, depuis 20 ans un développement important lié à la croissance des échanges internationaux, à l’importance des délocalisations et l’accroissement des écarts de développement qui rendent les produits contrefaits plus attractifs parce que moins chers. Selon les dernières statistiques disponibles, qui datent de 2003, 41 décisions judiciaires ont été rendues par les diverses juridictions du pays. La plupart de ces décisions se rapportent, selon l’OMPIC, à des litiges opposant des marques à des commerçants avec quelques exceptions concernant les autres titres de la propriété industrielle.

Les médicaments sont encore préservés au Maroc
Les secteurs les plus touchés au Maroc sont le textile, le cuir, les accessoires électriques, les produits électroménagers, les pièces détachées pour véhicules, les produits cosmétiques, agroalimentaires, les jouets et les produits d’entretien. Certains spécialistes de la question tiennent à préciser que, contrairement à certains pays d’Afrique, un secteur échappe encore à la contrefaçon au Maroc, celui des médicaments. En effet, dans certains pays, les produits pharmaceutiques contrefaits représentent environ 30% du marché. Dans ces pays-là, la contrefaçon est le fait d’entreprises structurées qui se spécialisent dans ce créneau sous l’œil indifférent sinon complice des autorités. Par contre, au Maroc, la contrefaçon est plutôt artisanale et représente une activité de survie pour les familles démunies. Le pays n’est pas tant contrefacteur qu’importateur de produits contrefaits.

Ingelec et la contrefaçon

Ily a huit mois, Ingelec, fabricant de produits électriques, a pu bloquer, grâce à une procédure judiciaire en référé, un container d’articles contrefaits. L’entreprise n’en est pas à sa première opération du genre et elle a intenté plusieurs actions en justice contre des commerçants. Car ses produits sont souvent copiés par les pays asiatiques, «et principalement par les Chinois. Ils sont vendus sur le marché local, mais surtout sur les marchés africains, nos principaux clients à l’export», indique un responsable de l’entreprise. Il ajoute que cette concurrence aux produits certifiés NM et conformes aux normes européennes et françaises fabriqués par Ingelec s’est traduite durant ces dernières années par une importante baisse des exportations sur l’Afrique. Au point que l’entreprise a organisé des actions de sensibilisation dans certains pays, notamment le Sénégal. Outre la baisse du chiffre d’affaires export, l’entreprise a dû arrêter la production de produits facilement copiables pour lutter contre la contrefaçon. Ingelec a également adopté une stratégie de vigilance puisqu’elle a procédé à l’enregistrement à l’OMPIC de l’ensemble de ses produits et designs. Elle a également lancé un programme pour la protection des brevets concernant ses solutions techniques.

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