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Des résultats au-delà des espérances grâce à l’effondrement des prix du pétrole

Le déficit du compte courant de la balance des paiements devrait ainsi s’établir en 2016 à 1% du PIB au lieu de 2% prévu par le gouvernement. Les activités non agricoles n’ont pas vraiment profité de ce contexte favorable.

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Les comptes extérieurs du Maroc devraient continuer de se redresser en 2016, mais de manière encore plus spectaculaire que prévu. Alors que le gouvernement, dans le cadre de la préparation de la loi de finances 2016, table sur un déficit du compte courant de la balance des paiements de 2% du PIB, Bank Al-Maghrib (BAM), lui, ramène cette prévision à…1% du PIB lors de son conseil du 22 décembre 2015. C’est que les hypothèses de l’un et de l’autre sont différentes, en particulier sur le prix moyen du pétrole en 2016. Pour l’Exécutif, qui s’aligne sur les prévisions des différentes institutions internationales spécialisées, notamment le FMI, le prix moyen du pétrole devrait se situer à 61 dollars sur l’ensemble de l’année 2016. BAM, en revanche, émet l’hypothèse que ce prix ne dépasserait pas 51,4 dollars le baril en moyenne sur l’année, au lieu de 52,5 dollars en 2015. Bien entendu, de nombreux autres facteurs influent sur la balance commerciale et, au-delà, sur la balance des paiements dans sa partie haute, mais le prix de l’énergie est plus décisif pour un pays importateur net de cette matière. Quelle est la situation aujourd’hui – qui n’est plus tout à fait la même que celle qui prévalait au moment de la préparation de la loi de finances – et surtout, quelles sont les perspectives d’évolution des cours de l’or noir en 2016 ? A fin décembre 2015, le prix du baril de Brent, référence des achats marocains de pétrole, se négociait à moins de 37 dollars. Il perd 36,2% par rapport à son niveau de fin décembre 2014.

L’OPEP veut évincer les producteurs non conventionnels du marché

Pour 2016, la situation ne devrait guère s’améliorer, à en croire les prévisions de l’agence internationale de l’énergie (AIE), pour laquelle le marché resterait encore saturé au moins jusqu’à la fin de l’année. Et même au-delà de 2016, l’AIE ne voit pas que les prix puissent remonter à environ 80 dollars le baril (le prix jugé rémunérateur pour les producteurs) avant 2020. Et l’AIE n’est pas la seule à être pessimiste sur l’évolution des cours du pétrole. De nombreux autres analystes le sont aussi, et il y en a même parmi eux qui prédisent, pour le moyen terme, un prix autour de 30 dollars, voire en deçà.

Le retour, bientôt, de l’Iran sur les marchés après la levée des sanctions occidentales consécutivement à l’accord sur le nucléaire signé avec les grandes puissances, la persistance de l’Arabie saoudite à faire du volume pour compenser la baisse des prix, la faiblesse de la demande, notamment chinoise, voilà autant de facteurs qui, en théorie du moins, ne militent pas en faveur d’une remontée des cours pour bientôt. Mais, de la même manière que tous ceux qui avaient prédit, il y a quelques années, un prix du baril atteignant les 200 dollars, se sont lourdement trompés, il n’est pas exclu que les prévisions à la baisse formulées ici et là aujourd’hui ne soient pas, elles aussi, démenties. C’est dire que dans un domaine aussi volatil que celui des prix du pétrole, l’humilité devrait rester de mise.

Cette précaution prise, il faut quand même rappeler que l’Organisation des pays exportateurs de pétrole (OPEP), qui naguère jouait en quelque sorte un rôle de régulateur du marché pétrolier, n’est plus tout à fait aujourd’hui dans cette logique. Lors de sa réunion semestrielle du 4 décembre 2015 à Vienne, les douze membres du cartel se sont quittés sans fixer de plafond de production, lequel était fixé auparavant à 30 millions de barils/jour, mais largement dépassé au moins depuis un an. En réalité, cette politique est inaugurée depuis la réunion de l’OPEP fin novembre 2014. Malgré la chute des prix amorcée dès l’été de cette année, et alors que les observateurs s’attendaient à une réaction de l’organisation conforme à sa ligne traditionnelle, celle d’une baisse de la production pour stabiliser les prix, la surprise a été grande de constater qu’il n’en était rien. Bien au contraire : sous la férule de l’Arabie Saoudite, les membres de l’OPEP avaient décidé de maintenir tel quel le niveau de production, et certains ont même consenti des baisses de prix. Pour certains analystes, cette option n’avait pas seulement pour objectif de maintenir, voire d’augmenter les parts de marché, mais aussi, et peut-être surtout, d’évincer les concurrents non conventionnels. Le calcul aurait été de pousser à une baisse des prix telle que l’exploitation du pétrole de schiste, où l’on a massivement investi aux Etats-Unis notamment, ne soit plus économiquement rentable. Après quoi, et de façon tout à fait normale, les prix se remettraient à grimper. Et si, entre-temps, cette option pouvait, géostratégiquement parlant, affecter certains gros producteurs de pétrole non membres de l’OPEP, pourquoi s’en priver ! Cette stratégie de l’OPEP, si c’en est une, n’a produit aucun résultat pour le moment ; sauf celui de laminer les finances publiques de ses membres, y compris de l’Arabie Saoudite dont le Budget en 2015 a été déficitaire de 98 milliards de dollars au lieu d’un déficit prévu à 38 milliards de dollars. Il est bien vrai cependant que Ryad dispose d’un matelas de plus de 700 milliards de dollars de réserves, ce qui relativise quelque peu le niveau de son déficit.

Cela étant, sur le moyen terme, il n’est pas exclu, il est même probable pour certains, que l’on assiste à une remontée des prix qui serait précisément la conséquence d’une baisse de la production de pétrole de schiste, très intensive en capital. Toute la question est de savoir quand.

En attendant, l’économie marocaine en tire grand avantage ; sur le plan de sa balance commerciale aussi bien que sur celui de la consommation des produits pétroliers. Le paradoxe de la situation est que cet effondrement des prix du pétrole n’a pas vraiment profité aux activités non agricoles dont la valeur ajoutée (et non pas le PIB) peine à renouer avec les niveaux enregistrés par le passé. Mais comment pouvait-il en être autrement dans un contexte où les partenaires européens ne sont pas encore sortis de l’ornière, malgré…la baisse des prix du pétrole !