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Des projections avec un niveau élevé d’incertitudes

L’inflation devrait atteindre 4,7% en 2022 et la croissance 0,7%. Ce dernier chiffre ne tient pas compte des récentes précipitations. La croissance pourrait atteindre 2 à 2,5%. Le taux directeur est maintenu à 1,5%. L’exposition des banques sur la Russie ne devrait pas être conséquente.

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Le Maroc a, à peine, commencé à sortir la tête de l’eau, suite aux effets de la crise sanitaire, et voilà que le vent a encore une fois mal tourné. Augmentation de l’inflation, ralentissement de la croissance, creusement du déficit budgétaire et du compte courant… tout y passe. En effet, l’économie nationale est confrontée à un important déficit pluviométrique, auquel s’ajoutent de fortes pressions inflationnistes, d’origine externe, liées à la flambée des prix des produits énergétiques et alimentaires et la hausse de l’inflation chez les principaux partenaires économiques. Il faut dire que le conflit entre la Russie et l’Ukraine y est pour beaucoup dans les perturbations économiques dans plusieurs pays. Dans ces conditions, l’inflation poursuit son accélération entamée en 2021. Après un taux de 1,4% en 2021, elle devrait ressortir à 4,7% en 2022 avant de revenir à 1,9% en 2023. De son côté, la croissance qui aurait enregistré un rebond de 7,3% en 2021, après une contraction de 6,3% en 2020, devrait connaître une nette décélération à 0,7% en 2022 (tenant compte d’une récolte céréalière autour de 25 millions de quintaux (MQx), alors qu’elle était de 103 MQx en 2021), avant de s’accélérer à 4,6% en 2023. Abdellatif Jouahri, gouverneur de Bank Al- Maghrib, précise, lors du 1er conseil de cette année: «Ces projections sont entourées d’incertitudes plus élevées que celles imposées par la pandémie. Elles ne prennent pas en compte, non plus, les dernières précipitations pluviométriques et leurs effets sur les cultures printanières». Si elles sont sauvées, une croissance de plus de 2% serait réalisée. Mais, au cas où, par exemple, les sanctions contre la Russie se matérialisent par un embargo sur les produits énergétiques, ce sont toutes les prévisions qui seront modifiées. D’où le haut niveau d’incertitudes. Ce qui revient à dire que la situation pourrait se renverser à n’importe quel moment. Pour cela, le gouverneur continuera d’assurer un suivi étroit de l’évolution de la conjoncture économique et financière.

Dans ces conditions, pour le moins perturbées, BAM a décidé de maintenir son taux directeur inchangé à 1,5%, en raison de deux facteurs essentiels. Le 1er tient au retour prévu de l’inflation à des niveaux modérés en 2023 et le second à la poursuite du soutien par BAM de l’activité économique et l’atténuation de l’impact de l’environnement international défavorable. Cependant, «un relèvement du taux directeur n’est pas à exclure, si l’inflation reste élevée en 2023», signale M.Jouahri.

Lors de cette conférence, le gouverneur a rassuré sur le degré d’exposition des banques marocaines sur la Russie. Selon lui : «BAM n’y est pas du tout exposée. En revanche, un travail de récolte du mouvement global des banques est en cours, et dans tous les cas, il ne doit pas porter sur un montant conséquent». Il se veut rassurant également du côté du financement des nouveaux besoins budgétaires, dont les charges de compensation, le programme de soutien au secteur touristique et de transport. A ce titre, les financements innovants et les recettes de monopole devraient jouer donc un rôle important. Si le gouvernement a prévu de porter les premiers à 20 milliards de DH, contre 12 milliards initialement, le 2e levier, lui, devra apporter un montant de 4,5 milliards de DH au budget de l’Etat, grâce, entre autres, aux recettes générées par l’OCP qui tire profit de la hausse des cours sur le marché international.

Par ailleurs, le passage à une autre phase de flexibilité des changes n’est toujours pas à l’ordre du jour, quand bien même le FMI reste convaincu que les conditions sont réunies pour faire du taux de change un outil de politique monétaire. Le gouverneur, de son côté, ne souhaite activer ce passage que lorsque les TPE, qui constituent 90% du tissu économique marocain, auront les reins solides pour franchir cette étape, en matière d’assimilation de risques de change, des instruments de couverture…

Au final, une autre ligne de précaution de liquidité n’est pas à écarter. Le besoin ne se faisait certes pas sentir dans des conditions où les équilibres macroéconomiques sont maintenus. Cela dit, la situation que traverse le pays actuellement pourrait le pousser à renégocier une autre LPL, dont la vocation est d’agir comme un coussin de sécurité, dès lors que la conjoncture mondiale montre des signes de dégradation.