Affaires
Des mines à la plateforme de Jorf Lasfar : comment l’OCP organise la chaîne de valeur
Des procédés modernes seront utilisés pour transporter le phosphate des mines à Jorf Lasfar. La phase de séchage sera éliminée. A partir des laveries, le minerai sera propulsé par des turbines sur une vingtaine de kilomètres pour arriver à la crête de la pente avant de descendre vers la mer située à 800 m au-dessous du niveau de la ville de Khouribga.

La mise en œuvre de la stratégie de développement de la production du groupe OCP avance sur de bonnes bases. L’objectif est de porter la production minière de 28 millions de tonnes à 55 millions de tonnes et celle des engrais de 3,6 millions de tonnes à 10 millions. Le tout à l’horizon 2020. Bien entendu, cela a un coût, et pas des moindres. Le groupe investira 115 milliards de DH dans ce programme qui va consolider son rang de leader mondial.
Si on augmente la production, c’est parce qu’il y a à la fois une croissance constante de la demande et une disponibilité de la ressource qui est le minerai, puisque les réserves du Maroc sont évaluées à 500 ans, au rythme d’extraction actuel. Mais un investissement aussi colossal doit intégrer les progrès les plus récents aussi bien dans le mode de transport, l’économie d’énergie mais aussi l’optimisation dans le processus de valorisation et enfin dans la protection de l’environnement. Et justement, l’OCP qui n’exploitait pas, jusque-là, les couches pauvres en minerai a appris à le faire par un procédé issu de la recherche et développement du groupe car le phosphate marocain a des spécificités propres. Il fallait donc commencer par faire des études pour savoir ce qui se fait de mieux dans le monde. Le procédé d’acheminement qui répond à tous ces impératifs et qui est à la pointe du progrès est le transport par pipe, expérimenté en Amérique du Sud comme au Brésil et qui a connu des développements ultérieurs qui garantissent aujourd’hui une exploitation sur au moins 40 ans au départ, et dont la longévité a été largement améliorée.
Des économies d’énergie et d’eau considérables seront réalisées
Après la longue préparation, le projet est entré dans sa phase de réalisation et le pipeline pour transporter le minerai de la station de tête à Khouribga jusqu’à Jorf Lasfar où il peut être transformé en acide phosphorique et en engrais devra être livré en 2013.
Le projet comporte d’autres chaînons sans lesquels rien ne pourrait se faire. La chaîne de valeur comprend en effet l’extraction de la ressource là où il y a les mines (c’est-à-dire à Khouribga et région), le passage par les laveries qui doivent être reliées à la station de tête avant son acheminement vers Jorf Lasfar. Cette station de tête va coûter 675 MDH. Mais au niveau de chaque laverie, point de départ de la ressource, il faut aussi des petites stations pour que le système puisse être opérationnel.
Aujourd’hui, le pipeline est réalisé sur environ 120 km, sur un total de conduites de 235 km dont 48 km de raccordement aux laveries.
En fait, le pipeline va permettre de simplifier l’ensemble du processus de transport qui nécessitait l’utilisation de camions, mais surtout du train, qui revenait 30 à 40% plus cher. Mais cela va aussi réduire le temps de production puisque toute l’opération de séchage, auparavant incontournable, va passer à la trappe. En effet, le minerai, en passant par le pipe à travers d’abord des stations de départ au niveau des laveries va être pris en charge par la station de tête qui l’acheminera vers Jorf Lasfar. Comment cela ? D’abord, le choix du site de cette station a fait l’objet d’une étude minutieuse. Ensuite, parce que, une fois arrivé à ce nœud, le minerai, sous forme de pulpes issues des laveries, sera propulsé par des turbines sur une vingtaine de kilomètres pour arriver au sommet de la pente. La suite, elle, se fera de manière gravitaire. La région de Khouribga étant située à 800 mètres d’altitude, le transport ayant pour point d’arrivée le niveau de la mer à Jorf Lasfar, aucun procédé consommateur d’énergie ne sera nécessaire pour la suite de l’opération.
On le voit bien, l’opération de séchage est tout simplement jetée aux oubliettes grâce aux procédés modernes, expérimentés au Brésil puis enrichis au fil des années et importés au Maroc. De plus, le procédé permet des économies d’eau et participe à la réduction des émanations polluantes du minerai traité auparavant à ciel ouvert.
Le groupe doit par ailleurs ouvrir trois nouvelles mines et construire une station d’épuration des eaux usées qui permettra de traiter 5 millions de m3 d’eau, un système d’adduction pour raccorder les laveries au barrage d’Aït Messaoud et une unité de dessalement d’eau de mer à Jorf Lasfar.
Naturellement, l’OCP utilise ses propres ressources pour financer tout ce projet, mais emprunte également sur le marché et auprès des partenaires financiers étrangers. Le groupe a déjà levé deux milliards de DH sur le marché obligataire et 200 millions d’euros (2,2 milliards de DH) auprès de la Banque européenne d’investissement, en plus de 240 MDH accordés par l’Agence française de développement (AFD).
