SUIVEZ-NOUS

Affaires

Des logements, des logements… mais les équipements ne suivent toujours pas

Le taux de réalisation des équipements publics est à  peine de 15%. A Rabat, Tanger et Marrakech, les exemples d’ensembles immobiliers déjà  habités et dépourvus d’équipements sont légion.

Publié le


Mis à jour le

En dépit d’une mobilisation depuis plusieurs mois et une attention en haut lieu, le taux de réalisation des équipements publics des projets d’habitat reste très faible. A l’issue des 4 premiers mois de l’année, il stagnait toujours à 15%, soit le même niveau qu’en 2009 et chute même à 10% pour certaines catégories d’équipements, d’après des données recueillies auprès de la Direction de l’urbanisme au ministère de l’habitat. On y précise que ce taux déjà très bas aurait pu se dégrader si ce n’était «les équipements réalisés dans le cadre de l’Initiative nationale de développement humain (INDH) et les terrains de sport créés sur les derniers mois».
Il faut rappeler que pour éviter que les nouvelles unités de logement social à 250 000 DH ne viennent à leur tour creuser ce déficit, la question de l’équipement public dans ces nouveaux ensembles a été propulsée au rang de priorité. S’en était suivie une réunion tenue en janvier dernier par Zoulikha Nasri, conseillère du Souverain, avec les responsables concernés, dont 7 membres du gouvernement. Car, qui dit équipements publics dit hôpitaux, mosquées, écoles, dispensaires, mais également les routes, etc. Il avait alors été décidé d’installer un comité interministériel pour veiller à la coordination en amont des projets de logements sociaux. Ce comité s’est réuni plusieurs fois, selon un de ses membres, et l’on attend maintenant ses apports sur le terrain. L’enjeu est en tous cas considérable. «Près de 100 000 nouvelles unités à 250 000 DH sont actuellement en construction dans tout le Maroc. A raison de cinq occupants par logement et considérant un cycle de production d’un an, c’est bien pour un demi-million de Marocains qu’il faut aménager des espaces de vie efficaces d’ici 2012», résume-t-on au ministère de l’habitat.

Les ministères et collectivités locales confrontés au manque de terrains et de ressources

Pour venir à bout du problème, le comité interministériel pourra en tout cas faire l’économie de la phase de diagnostic. Car les facteurs qui maintiennent pour l’heure le taux de réalisation des équipements publics à son bas niveau sont bien connus et se résument en trois points.    
En premier lieu vient la difficulté pour les ministères, les organismes publics mais également les collectivités de mobiliser le foncier et les budgets nécessaires dans le cadre des plans d’aménagement. Certes, les promoteurs immobiliers s’impliquent de plus en plus dans la réalisation de ces équipements pour valoriser leurs produits, mais cet effort reste insuffisant pour réduire le déficit.
Le deuxième facteur qui justifie le faible taux d’équipement est le déphasage du rythme de réalisation par rapport à la croissance démographique. Cela tient au fait que l’évaluation des besoins se base sur des données qui ne sont pas fiables. Il ressort des procédures relatées par des agences urbaines contactées, qu’on a davantage tendance à recourir aux grilles normatives qui produisent des projections figées plutôt qu’aux enquêtes de terrain.
Le troisième facteur renvoie à l’absence de mise en œuvre des documents d’urbanisme. Contre cela, il faut «bannir le recours à la dérogation en matière d’urbanisme qui touche les équipements publics et l’examen au cas par cas des grands projets urbains en l’absence d’une vision stratégique de développement durable», tranche-t-on à l’Agence urbaine de Marrakech.

Beaucoup de retard dans les nouvelles villes

Comme a pu le constater La Vie éco en contactant plusieurs agences urbaines dans différentes villes, le phénomène ne touche pas uniquement les cités ou quartiers existants, les villes nouvelles en sont également affectées. De fait, l’appellation de cités- dortoirs qu’on colle habituellement à ces villes nouvelles paraît à peine exagérée. Pour s’en convaincre, la ville nouvelle de Tamesna à Rabat cumule un tel retard en matière d’équipements publics que toute la ville ne compte pas un seul poste de police alors que la norme en prévoit un dans un rayon d’un kilomètre et demi et un deuxième tous les 2,25 km (voir encadré). Les habitants de cette ville nouvelle ne sont pas mieux desservis s’agissant d’autres catégories d’équipements. L’ensemble immobilier R+4 Annour, qui y est développé par Addoha, s’étend sur 73 hectares, pour 227 immeubles, 4 200 logements (soit au bas mot 16 800 habitants) et… zéro équipement public. Avec tout cela Rabat fait figure d’élève modèle à l’échelle nationale avec un taux de réalisation des équipements publics de 28%.
Tanger affiche ce même taux relativement correct mais n’en abrite pas moins plusieurs exemples aberrants. Deux projets situés dans la périphérie immédiate de la ville en apportent la preuve. Le projet Bab Al Andalous, développé par le groupe Jamaï, habité dès 2007 et regroupant 3 082 unités, ne dispose pas à ce jour de lycée, d’école, de mosquée et de centre de santé prévus. Pour une taille deux fois plus grande, l’ensemble Al Irfane souffre d’un manque d’infrastructures aussi importants. Le collège et deux des 4 écoles prévues initialement viennent tout juste d’être autorisés ce début d’année…Cet ensemble est pourtant habité depuis 5 ans.
A Marrakech, le cas du quartier M’Hamid est des plus parlants. Celui-ci a connu un développement urbain déstructuré sous l’effet d’une forte croissance de sa population, ce qui l’apparente d’ailleurs plus à un ensemble de grands secteurs de logements (selon les termes de l’Agence urbaine de la ville). En tout et pour tout, la zone ne dispose que d’un seul centre de santé qui, pour ne rien arranger, doit aussi couvrir une grande partie des besoins de la population du quartier Askejour et des communes Saada et Tassoultante. Et preuve que l’inadéquation peut aussi intervenir par l’excès, le quartier M’Hamid abrite 34 garderies… Autant d’erreurs qu’il ne faut pas reproduire.