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Des banques proposent indûment des produits d’assurance automobile

Plusieurs banques essaient d’orienter leurs clients vers leurs filiales ou partenaires dans l’assurance. L’ACAPS indique qu’il s’agit de la souscription pour compte de tiers qui, aujourd’hui, n’est pas assimilée à de l’intermédiation. Un projet de loi censé clarifier les prérogatives de chacun est déposé chez le SGG depuis 2015.

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Contrat de travail 2

Dans une course aux parts de marché, tout est permis ! Cela semble coller parfaitement à l’assurance. Des banques de la place ayant des filiales ou des partenaires dans l’assurance proposent une couverture automobile à leur clientèle assurée chez les compagnies concurrentes, alors que la loi 17-99 portant Code des assurances les autorise à vendre exclusivement l’assurance de personnes, l’assistance et l’assurance-crédit. D’après notre enquête recoupée par les déclarations de professionnels, le phénomène prend de l’ampleur. «Cela se fait depuis quelques années déjà, mais avec plus d’agressivité durant ces derniers mois, accentuée par la rude concurrence que connaît le marché», affirme une source très proche du secteur. Un courtier avance que les banques et assurances, pour prendre des parts de marché, se laissent convaincre qu’il est légitime de recruter les clients peu importe le canal. Pour ratisser large, elles capitalisent de cette manière, en plus des réseaux d’agents et de courtiers, sur un réseau de centaines d’agences réparties sur l’ensemble du territoire.

Un paiement fractionné, pourtant interdit, est aussi proposé

Concrètement, des conseillers de clientèle et des directeurs d’agences reçoivent des clients assurés chez les compagnies concurrentes (autres que celle de la banque) pour les convaincre à assurer leurs véhicules auprès de leur compagnie d’assurance. Une demande de devis est envoyée à l’assureur qui présente son offre (généralement moins chère ou alignée sur le prix de la concurrence). Le client est ensuite informé des conditions de la couverture et invité, en cas d’accord, à procéder au paiement avec une possibilité de fractionnement sur 3 ou 4 mensualités.

En agissant de la sorte, les banques invoquent le fait que le contrat d’assurance est fait par le courtier captif, c’est-à-dire la société de courtage de la banque (la majorité en ont) qui est habilitée à commercialiser des assurances de dommages. Or, la loi est on ne peut plus claire. L’article 306 interdit la présentation des opérations d’assurance de dommages par les établissements de crédit dans leurs enceintes. L’article énonce qu’il est entendu par présentation le fait d’exposer, d’expliquer ou d’argumenter oralement ou par écrit. Auprès de l’Autorité de contrôle des assurances et de la prévoyance sociale (ACAPS), on précise que la commercialisation de ces produits par le réseau bancaire se fait par le biais de la souscription pour le compte de tiers qui, aujourd’hui, n’est pas assimilée à de l’intermédiation.

De plus, la circulaire d’avril 2016 émise par l’ACAPS a banni le règlement des primes auto à crédit. Là aussi, les banques se trouvent clairement en porte à faux avec la réglementation puisqu’elles proposent toujours le fractionnement des primes annuelles.

Toutefois, il existe des cas où les banquiers se contentent de diriger le client vers un agent général de leur compagnie d’assurance. «Dans le cadre des synergies, ça ne peut être que de bonne guerre. La fédération n’est pas au courant d’autres pratiques sur le marché», assure Bachir Baddou, directeur général de la Fédération marocaine des sociétés d’assurance et de réassurance (FMSAR). «Cette pratique est moins marquée sur le marché mais se situe, elle aussi, à la limite de la légalité si l’on prend en considération la loi sur la concurrence», commente un spécialiste. Elle s’apparente à de l’orientation de la clientèle, explique-t-il en substance.

De plus, plusieurs professionnels relèvent que des établissements de crédit proposent des offres de bancassurance qui donnent droit à des réductions sur l’assurance automobile à l’occasion de la souscription d’un produit d’assurance-vie. «L’assuré a une réduction suffisamment alléchante sur l’assurance automobile pour le pousser à s’assurer chez la compagnie», explique le directeur de la filiale de courtage. Pour le spécialiste, cet appât commercial est également illégal selon la loi sur la concurrence. Un autre agent enfonce le clou. «En vertu de cette même loi, la souscription pour compte de la multirisque habitation est elle aussi critiquable quant à sa légalité», constate-t-il. Cette assurance, chasse gardée des banques, souscrite à l’occasion des crédits immobiliers, oblige les clients à souscrire leurs polices auprès des courtiers captifs. Ce faisant, le mécanisme ôte tout choix à l’assuré.

Courtiers et agents généraux ont peur pour leurs affaires

Plusieurs courtiers et agents généraux dénoncent de telles pratiques. Pour eux, vendre de l’assurance de dommage, bien qu’il soit interdit, se fait toujours sur le marché par plusieurs méthodes, au détriment de leur gagne-pain. «Si ça continue, nous finirons sûrement par fermer boutique. Nous faisons l’essentiel de notre chiffre en couverture automobile», se plaint un agent général en insistant sur le fait que l’ACAPS doit sévir.

Cette dernière ne reste pas les bras croisés. Ses responsables indique qu’«un projet de refonte du livre IV du code des assurances qui traite de la présentation des opérations d’assurances règlera ce problème et permettra de palier cette lacune réglementaire». Sauf que ce projet de loi traîne dans les tiroirs du SGG depuis 2015…