Affaires
Déchets hospitaliers : un marché très convoité
L’attribution d’un marché lancé par le CHU de Fès à une société nouvellement créée sème le trouble dans le secteur de la gestion des déchets hospitaliers. Les opérateurs s’inquiètent de l’éventuel changement de stratégie au sein du ministère.

Depuis l’épisode de l’appel d’offres relatif à la fourniture et à l’installation de «matériel médico-technique» pour le traitement des déchets médicaux à risque pour 8 établissements de santé situés dans les régions du Sud, les relations entre le ministère de la santé et le secteur privé du traitement des déchets hospitaliers sont, il faut le dire, tendues et ne sont pas près de s’améliorer. Pour rappel, lancé en septembre dernier par la direction des équipements et de la maintenance du ministère de la santé, cet appel d’offres portait sur la fourniture de 8 «banaliseurs» de déchets médicaux et avait suscité de nombreuses critiques, à commencer par sa «très forte orientation» vers une machine bien précise et son prix jugé surestimé.
Les déchets du CHU de Fès sont traités au CHP de Sefrou
Quelques semaines plus tard, le marché était déclaré infructueux. Pour le secteur privé opérant dans la gestion des déchets hospitaliers, l’histoire ne se serait pas arrêtée là. Désormais, c’est sur le terrain du Centre hospitalier universitaire (CHU) HassanII de Fès que les relations entre les opérateurs et la tutelle sont à nouveau soumises à rude épreuve. Jusqu’à la fin de l’année dernière, et depuis des années, les déchets hospitaliers de ce CHU étaient gérés par un prestataire de service. A la fin du contrat conclu entre les deux parties, le CHU a lancé un appel d’offres remporté en février dernier par la société Alliances FZE, créée en janvier 2016 d’après son registre commercial. «Pourquoi confier la gestion des déchets à une société qui n’a aucune expérience dans le domaine ?», s’interroge un prestataire de service. «Alliances FZE a rapidement obtenu son autorisation de transport délivrée par le ministère de la santé», explique un autre opérateur. En attendant que le banaliseur ne soit installé sur le site du CHU de Fès, comme le réclame le cahier des prescriptions spéciales (CPS) de l’appel d’offres, le traitement des déchets se fait au Centre hospitalier provincial (CHP) de Sefrou dont le broyeur stérilisateur a une capacité limitée. «Le CHU de Fès produit près de 1,5 tonne de déchets par jour alors que la machine du CHP de Sefrou ne peut traiter que 30 à 40 kg par cycle de 1heure environ», explique une source. En outre, pour assurer cette phase transitoire, une convention a été signée par la direction régionale de la santé et la société Agentis, opérant quant à elle dans la fourniture de matériel médical, pour le traitement des déchets au CHP de Sefrou. En résumé, les déchets sont acheminés par Alliances FZE jusqu’au CHP de Sefrou où ils sont traités par Agentis. Les deux sociétés seraient par ailleurs liées, l’une étant au nom de la mère du dirigeant de l’autre. Contactés par La Vie éco, le CHU de Fès et le ministère de la santé n’ont pas répondu à temps à notre requête. Résultat, beaucoup de questions restent en suspens.
Jusque-là, l’externalisation du traitement de ces déchets était privilégiée
Une chose est sûre, d’après les textes de loi existants, la procédure est très stricte. Dans ses articles 30 et 40, la loi 28-00 relative à la gestion des déchets et à leur élimination mentionne notamment l’obligation de «s’équiper de matériel adapté à la collecte et au transport des déchets dangereux», de «s’engager à prendre les mesures préventives et sanitaires permettant de garantir la sécurité du personnel» ou encore d’ «avoir un personnel qualifié et formé à l’exercice de ces activités». Le texte a été confirmé et renforcé par le décret n°2-09-139 relatif à la gestion des déchets médicaux et pharmaceutiques et par le décret n°2-14-85 relatif à la gestion des déchets dangereux.
Pour les opérateurs, la conduite actuelle du ministère de la santé soulève une question majeure : alors qu’il préconisait jusque-là l’externalisation du traitement des déchets hospitaliers, le ministère de la santé serait-il en train de changer de stratégie ? L’appel d’offres relatif à l’équipement de 8 établissements de santé dans le Sud, alors que 4 d’entre eux étaient servis par des prestataires de service, serait, pour le secteur privé, annonciateur d’une volonté de passer d’une stratégie d’externalisation à un traitement in situ. «Il y a un réel risque pour nous si les hôpitaux commencent à gérer en interne même si l’hôpital aura toujours besoin de maintenance», s’inquiète un opérateur. «L’avenir de la société peut être menacé si les hôpitaux commencent à s’équiper de machines de traitement», renchérit un autre.
