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Déchets du BTP : un système alternatif aux décharges dédiées s’est mis en place

En l’absence de décharges dédiées, les entreprises structurées déposent leurs déchets dans d’anciennes carrières. Bois, plastique, carton, ferraille, gravats… plusieurs types de matériaux peuvent être recyclés. La loi 28-00 demande pourtant aux collectivités locales de préparer un plan directeur.

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dechets BTP Maroc 2014 02 13

L’on se penche souvent sur la question de la gestion ou du traitement des déchets ménagers et beaucoup moins sur celle des déchets issus des chantiers de BTP. Ces derniers n’en sont pourtant pas moins visibles voire nocifs, bien au contraire. Si certains des déchets issus de ces chantiers entrent dans la catégorie des déchets inertes, c’est-à-dire qu’ils ne produisent pas de réaction chimique ou physique, d’autres peuvent à l’inverse s’avérer dangereux, tels les isolants, les pots de peinture ou encore les plâtres. D’où la nécessité de surveiller leur gestion.

La loi 28-00 relative à la gestion des déchets et à leur élimination prévoit justement dans son article 9 l’élaboration d’un plan directeur national pour les déchets dangereux et d’un plan directeur régional de gestion des déchets inertes dans son article 10. Elle prévoit surtout la mise en place de décharges contrôlées de classe 2 dédiées à ce type de déchets. Aujourd’hui, force est de constater qu’il n’existe aucune décharge de ce type au Maroc. Il n’y a pas de quoi être surpris puisque l’installation élémentaire de décharges contrôlées pour déchets ménagers piétine encore et toujours. «C’est une hérésie que de déposer des déchets issus du BTP dans une décharge dédiée aux déchets ménagers. Néanmoins, ces derniers peuvent tolérer un certain seuil de gravats utiles pour leur exploitation, comme la construction de pistes ou plateformes», explique Brice Megard, directeur de la filiale dédiée au traitement des déchets chez Sita Maroc. Cette entreprise tente tant bien que mal de sensibiliser les entrepreneurs à trier à la source, sur le chantier. Outre son contrat de gestionnaire délégué avec la commune urbaine de Rabat, qui inclut la collecte des déchets issus du BTP produits par les particuliers ou présents sur la voie publique, Sita se voit aussi attribuer chaque année quelques contrats de gestion de ces déchets pour le compte de grands groupes. «Nous ne le faisons pas beaucoup, mais les choses évoluent. Nous n’avons pas d’approche commerciale dans ce domaine car la filière n’est pas assez organisée. Nous répondons donc seulement aux demandes et aux appels d’offres», précise M. Megard. Toujours est-il que Sita évacue ces déchets, soit près de 100 000 tonnes par an (uniquement pour le compte de la ville) avec des fréquences de ramassage quotidiennes, vers une carrière. L’entreprise a bien tenté de revaloriser ce qui pouvait l’être, mais l’expérience s’est révélée non rentable.

Les propriétaires d’anciennes carrières se servent des déchets pour réhabiliter le site

En fait, les possibilités de réutilisation de certains de ces déchets existent. Bois, plastique, carton, ferraille, gravats peuvent être recyclés. Les gravats de bonne qualité deviennent par exemple des remblais ou des sous-couche pour les routes. «Des opérations ont été réalisées avec le département de l’équipement et les collectivités locales à l’initiative de certaines entreprises de BTP. Il est de plus en plus difficile de trouver le bon matériau. La réutilisation intéresse donc les entrepreneurs», indique Mostafa Meftah, directeur délégué de la Fédération nationale du BTP (FNBTP). Pour ce dernier, le problème ne se pose pas dans les marchés publics car, dans ces cas-là, les contrats contiennent une obligation légale de remettre le terrain en l’état, voire de planter pour arranger le site. Les matériaux réutilisables sont gardés pour d’autres chantiers.

Le problème réside donc du côté des chantiers informels. Dans le secteur formel, les entreprises font appel à des solutions alternatives. Le dépôt, voire l’enfouissement dans des carrières, la plupart du temps de roche dure, ou sur des terrains privés, s’avèrent être les méthodes les plus pratiquées au Maroc pour les déchets non réutilisés. Généralement, les lieux de réception de ces déchets sont déjà identifiés dans les cahiers des charges. Cette disposition peut même être un élément de compétition. «Les propriétaires d’anciennes carrières sont dans l’obligation de réhabiliter leur site. Accepter les déchets du BTP leur permet de respecter cette obligation», indique M. Megard. Reste que cette procédure est rarement déclarée et ne fait donc pas toujours l’objet d’une traçabilité avec le risque d’avoir une carrière et son environnement contaminés. La problématique de ces déchets reste donc réelle, d’autant plus qu’on estime leur production à quelque 9 millions de tonnes par an. Les plans d’actions prioritaires déployés en urgence à Casablanca à la suite du discours royal montrent que les mentalités changent. Les trois entreprises chargées de la collecte des déchets (Sita El Beida, Segedema-Pizzorno, Tecmed) ont ainsi renforcé les fréquences de ramassage des déchets issus du BTP déposés sur la voie publique. Autre exemple de cette relative prise de conscience : autrefois utilisé comme un véritable dépotoir à déchets de béton, le terrain du quartier Ifriquia à Casablanca est désormais vidé chaque jour par la commune, avant que les camions ne déposent les déchets le lendemain matin.