Affaires
Dans les coulisses des futures banques participatives
Avant de s’engager dans la bataille aux parts de marché, les opérateurs veulent d’abord traiter le large déficit de connaissance de cette nouvelle industrie. Un des plus grands challenges des futures banques consiste en la gestion de la communication et des recrutements pour qu’une différence soit perçue par les clients avec les établissements conventionnels.

C’est la première fois que les directeurs des futures institutions participatives se rencontrent en public pour raconter les coulisses du lancement de la finance participative au Maroc. Cela s’est fait lors d’une table ronde tenue le 25 octobre en prélude au Salon international de la Finance participative (Sifep) prévu du 26 au 28 janvier 2017 à Casablanca, à l’initiative de l’agence Urbacom.
Les différents échanges qui ont eu lieu permettent d’appréhender de manière plus réaliste le démarrage de cette nouvelle industrie au Maroc. Si l’on peut penser que les institutions s’engageront immédiatement dans une bataille aux parts de marché une fois leur agrément en poche, il semble que leur priorité soit tout autre dans les faits. «Il s’agira avant toute chose de mener un grand effort de sensibilisation et d’éducation de la clientèle potentielle», insiste Mohamed Maarouf, directeur du projet de banque participative de BMCE Bank. Youssef Baghdadi, président du directoire de Dar Assafaa, filiale d’Attijariwafa bank, présente sur le marché de la finance islamique depuis plus de six ans, étaye ce constat en citant l’exemple d’une action commerciale, menée lors du dernier Salon Auto Expo, dont il est ressorti que tout juste 5% de la clientèle ont une connaissance préalable des solutions de financement participatif. Ceci entretient dans l’esprit du public un ensemble d’idées fantaisistes sur cette future industrie. «Beaucoup de clients ont aujourd’hui la certitude que les établissements participatifs offriront des crédits gratuits», illustre M. Baghdadi. Pour faire face à ce déficit de connaissance, les opérateurs sont appelés à agir de concert, en menant conjointement des actions à l’échelle de tout le secteur, pour éduquer et mieux informer la clientèle afin que le marché démarre sur de bonnes bases, estime Abdelali Bennouna, directeur Finance participative au sein de Crédit du Maroc.
De gros moyens sont mobilisés
Tous sont persuadés que le jeu en vaut la chandelle. Ils fondent, entre autres, leurs espoirs sur les résultats prometteurs d’études menées sur les derniers mois pour cerner le potentiel de ce futur marché. Mohamed Tahri, directeur adjoint du projet de banque participative de la Société Générale, met en avant un chiffre parlant, issu d’une étude réalisée par le cabinet LMS : 80% des clients et non clients de la banque sont disposés à ouvrir un compte dans une institution participative, sans pour autant migrer exclusivement vers ces établissements. Bien sûr, il n’y a pas eu que ces sondages, qui ne recueillent après tout que des déclarations d’intentions, pour décider les établissements à investir le marché. Certaines des caractéristiques intrinsèques de la finance participative lui promettent aussi un bel avenir, selon eux. «Les solutions participatives peuvent mieux répondre que la finance conventionnelle aux besoins de financement des professionnels et des PME grâce à des possibilités d’ingénierie de produits plus larges», estime par exemple M. Maarouf. S’ajoute à cela que, pour certains établissements, notamment les banques à capitaux français, se lancer dans ce nouveau créneau n’est pas une option, s’ils ne veulent pas subir une déperdition de clientèle.
Les filiales de banques françaises semblent justement décidées à ne pas lésiner sur les investissements, même si elles n’envisagent d’ouvrir que des fenêtres participatives plutôt que des filiales à part entière. Société Générale compte ainsi ouvrir au début de son activité 10 agences dédiées à la finance participative. Le management de Crédit du Maroc a quant à lui déjà planifié des investissements comparables à ceux à engager pour la constitution d’une filiale. L’une et l’autre banques assurent qu’au vu des moyens mobilisés, elles ne se contentent pas de tester le marché, mais s’engagent dans un processus irréversible. Mais avant d’espérer récolter les fruits de ces efforts, les établissements doivent encore venir à bout de certains challenges plus ou moins délicats. Il s’agit entre autres de satisfaire le besoin en ressources humaines. Non pas que celles-ci soient rares. Les établissements, qui ont opté pour la majorité pour le recrutement interne, disent avoir reçu plus de candidatures que leurs besoins. «Seulement, il faut être en mesure de déterminer si un déclic peut se produire chez ces candidats pour qu’ils changent de base de réflexion et se convertissent à la finance participative», soulève M. Maarouf. C’est qu’il s’agit pour ces ressources de s’inscrire en conformité avec les solutions qu’elles proposent à la clientèle et plus généralement qu’elles reflètent une certaine image attendue par le public. Cela renvoie à un autre défi des futurs établissements consistant à se différencier des établissements conventionnels dans l’esprit du public. Dans ce contexte, la communication dans tous ses aspects devrait faire l’objet d’une grande attention, selon les intentions affichées.
