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Dans l’aéronautique et l’automobile, les intrants totalement importés
L’importation de la matière première persiste malgré l’évolution de l’intégration locale. Le TI dans l’automobile a dépassé 50% (60% pour PSA). Pour l’aéronautique, il a atteint 39%, ce qui correspond à 1,7 milliard de dollars en termes de chiffre d’affaires.
Si l’on prend en considération l’évolution continue du Taux d’intégration (TI) dans les écosystèmes industriels, en l’occurrence l’aéronautique et l’automobile, il serait certainement judicieux de faire une motion d’ordre pour mettre la lumière sur la réelle valeur ajoutée de cet indicateur. En effet, la question de la matière première, importée presque entièrement pour fabriquer les composantes dans les deux industries, relativise l’importance du Taux d’intégration, malgré son évolution. Ce qui ne semble pas inquiéter les professionnels.
Quoi qu’il en soit, depuis la mise en place des écosystèmes industriels, le TI, qui définit la contribution dans le produit final des équipementiers marocains, ou implantés au Maroc, ne cesse d’augmenter. Dans l’automobile, il a dépassé la part de 50% selon les données officielles. Dans le cas de PSA, qui assemble les moteurs de ses véhicules dans son usine située au parc industriel Atlantic Free Zone (AFZ), il a dépassé 60 %. Pour le groupe français, l’on parle actuellement d’un objectif de 80% à atteindre dans les années à venir. S’agissant de l’aéronautique, l’objectif du TI à l’horizon 2020 vient d’être revu à la hausse, de 35% à 42%, après que l’objectif initial a été dépassé en 2019 (38%).
L’évolution de l’intégration locale est réelle
Dans la mesure où l’importation des matières premières persiste, l’on préfère du côté des professionnels mettre en avant les forces du TI dans leurs secteurs respectifs. Dans le cas de l’automobile, le taux d’intégration n’est pas seulement lié aux deux grands constructeurs, à savoir PSA et Renault, mais à de grands équipementiers implantés au Maroc, comme Delphi. Pour Mohamed Lacham, président de l’Association marocaine pour l’industrie et la construction automobile (AMICA), le plus intéressant est de considérer en premier lieu les bienfaits que l’évolution du TI a entraînés. «Il y a une évolution de l’intégration locale. C’est cela le plus important. Elle est accompagnée par une mobilisation de plusieurs fédérations, comme celles de la métallurgie et de la plasturgie, qui sont prêtes à devenir fournisseurs du secteur automobile», souligne Mohamed Lacham.
Forte d’un TI très élevé, l’AMICA continue tout de même à combler «les lacunes», correspondant aux composantes importées dans la chaîne de valeurs. Comment? L’association mène un projet qui vise à mettre en place une cartographie pour identifier les produits et les fournisseurs à développer localement afin de les intégrer dans cette chaîne de valeurs. «Nous nous orientons également vers plus de transformation de la matière première», poursuit M. Lacham. Exemple édifiant de cette nouvelle stratégie, le cuivre est un élément essentiel qui rentre dans la fabrication du câble automatique comme le plastique et le métal rentrent dans les opérations d’injection et d’usinage. Sa transformation a donné, selon le président de l’AMICA, plus d’importance à la Recherche & Développement. «Le but est de mobiliser tous les acteurs, y compris l’Etat, afin d’optimiser les processus de cette transformation», conclut M. Lacham.
Le TI dans l’aéronautique limité
Bien que dépendant d’une matière première importée aussi en totalité, le secteur affiche une évolution constante depuis 2014. En effet, le TI dans l’écosystème aéronautique était de 17,5% en cette année-là, ce qui correspondait à 900 millions de dollars d’exportation. «Aujourd’hui, il est de 39%, l’équivalent de 1,7 milliard de dollars», précise Karim Cheikh, président du Groupement des industries marocaines aéronautiques et spatiales (GIMAS). Résultat de cette augmentation notoire: une chaîne de valeurs avec moins de «trous», comme le traitement de surface. «A l’époque, certaines pièces fabriquées au Maroc étaient même envoyées à l’étranger pour subir un traitement de surface avant qu’elles ne soient livrées. Ce n’est plus le cas aujourd’hui. Cette opération se fait dorénavant au Maroc», souligne Karim Cheikh.
A l’image de l’écosystème automobile, la réalisation d’une cartographie des métiers a permis d’identifier les parties de la chaîne qui devaient être comblées. Graduellement, la chaîne de valeurs se développe et se complète, avec tout ce que cela implique en termes de gain en chiffre d’affaires. Par ailleurs, dans l’aéronautique, il est impossible d’atteindre un taux d’intégration de 100%. «Aucun pays ne peut atteindre un tel pourcentage. Techniquement, nous sommes capables de réaliser un TI de 50% au Maroc. Ce qui est un très bon pourcentage», explique M. Cheikh.
Pour le président du GIMAS, l’enjeu est de poursuivre le développement, surtout en ce qui concerne les moteurs. L’innovation et la recherche technologique sont une condition sine qua non pour le faire. A ce propos, le groupement vient de signer une convention avec l’Académie internationale Mohammed VI de l’aviation civile et avec la Fondation de la recherche et l’innovation.