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Affaires

Danger sur le Fogarim, les impayés s’envolent

Les banques ont sollicité la garantie Damane Sakane à  hauteur de 314 MDH à  fin 2012 contre 177 MDH un an auparavant. Le taux de sinistralité du crédit immobilier garanti par l’Etat atteint 3.3% actuellement contre 2% en 2011.

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fogarim 2013 02 11

La montée des impayés n’a pas épargné le crédit immobilier adossé à la garantie de l’Etat, Damane Sakane, appelée génériquement Fogarim. Pour faire face aux défauts de paiement de leurs clients bénéficiaires de cette garantie, les banques ont réclamé à la Caisse centrale de garantie (CCG) un montant de 314 MDH à fin 2012. Cela représente une augmentation de 77% par rapport aux indemnisations demandées à fin 2011, qui plafonnaient à 177 MDH !

Sachant que le Fonds Damane Assakane garantit un montant de crédits de 11 milliards de DH à fin 2012, le taux de sinistralité s’élève désormais à 3,3% alors qu’on en était encore à 2% une année auparavant. Et encore, certains banquiers sont tentés d’assombrir le tableau. Deux raisons à cela. La première, subjective, soutient que «la CCG a tendance à réduire les taux de sinistralité en ne prenant pas en compte toutes les demandes de mise en jeu de la garantie». Plus objectivement, les taux de sinistralité au niveau de la CCG sont nécessairement plus bas que la réalité car ils ne prennent en compte que les impayés accumulés sur plusieurs mois. En effet, la garantie étatique ne peut être sollicitée par la banque sur les dossiers en difficulté qu’au-delà de 9 mois d’échéances impayées et une fois la procédure judiciaire entamée. Nécessairement, les impayés au niveau des banques, qui commencent à courir dès le premier défaut de paiement sont nettement plus conséquents que ce qui est comptabilisé par la CCG. 

Mais, déjà, les données de la caisse sont très préoccupantes puisqu’à titre de comparaison  les impayés sur les financements libres accordés aux particuliers (crédits immobiliers, à la consommation…) n’ont augmenté que de 6% en 2012.
Selon les banquiers, la dégradation marquée des crédits adossés à Damane Sakane s’explique simplement par le profil des clients bénéficiaires. La garantie Fogarim qui a mobilisé 2 milliards de DH de crédits sur un total de 3,3 milliards garantis en 2012 est destinée aux populations à revenu modeste ou non régulier. Tandis que le Foga-loge, qui a mobilisé le reste, cible la classe moyenne et les MRE. «Autant de catégories qui sont particulièrement fragilisées dans le contexte économique actuel très tendu», résume un banquier. Mais il est un financement adossé à Damane Sakane qui interpelle plus encore : le Fogarim pour le programme Villes sans bidonvilles (VSB). Il y a un an déjà,
La Vie éco avait attiré l’attention sur une forte montée des impayés sur ce produit qui risquait de mettre en péril le crédit immobilier garanti par l’Etat. Il semble que dans le contexte actuel la situation s’est davantage dégradée.

Le taux de sinistralité dans le Fogarim pour «Villes sans bidonvilles» atteint 6,3%

Pour rappel, ce financement est accordé aux ménages habitant autrefois les bidonvilles, relogés, pour la plupart, dans les appartements à 140 000 DH, moyennant un crédit à payer aux banques prêteuses. Les indemnisations contre les défauts de paiement demandées par les banques sur ce financement atteignent 63 MDH à fin 2012 alors qu’on en était à 38,5 MDH un an auparavant, soit une hausse de 64%. Sachant que le Fogarim VSB couvre actuellement 1,5 milliard de DH de crédits (14% des financements garantis par Damane Sakane), le taux de sinistralité de ce produit, le plus élevé de tous les crédits garantis, atteint 6,3% à fin 2012 contre 4,5% une année auparavant. 

S’agissant toujours du Fogarim VSB, les impayés au niveau des banques qui n’ont pas encore atteint le stade d’une demande de mise en jeu de la garantie s’affichent à des niveaux plus inquiétants. «La situation est aujourd’hui telle que 50% de l’encours des crédits Fogarim rattachés au programme VSB connaissent au moins une échéance impayée», confirment plusieurs banquiers.

Mais outre ces niveaux d’impayés invraisemblables, c’est le caractère inextricable de ces cas qui est le plus préoccupant. «Certains bénéficiaires du Fogarim VSB, tout en ayant les moyens de rembourser leurs crédits, considèrent que c’est à l’Etat de le faire», témoigne un professionnel. Aussi, dépassées par les évènements, les autorités de certaines villes continuent de demander aux banques de temporiser avant de déclencher des procédures judiciaires pour rentrer dans leurs droits. Entretemps, ces établissements ont les mains liées car ils ne peuvent prétendre à la garantie de l’Etat qu’après avoir entamé et dénoué la phase de pré-contentieux.  

Tout cela alors que le temps joue contre les banques dans ces cas. «Il suffit qu’un client ne paie pas deux ou trois échéances pour qu’il devienne tout simplement incapable de payer d’un seul coup toute la dette exigible», explique un professionnel. L’on comprend dès lors que les banquiers jugent les choses déjà irrattrapables dans certaines villes, par exemple à Akrach dans la région de Rabat. Avec tout cela, certains professionnels en sont à se demander si l’Etat ne devrait pas financer directement ces populations au lieu de les garantir.