Affaires
Croissance en 2006 : les deux scénarios de Lahlimi
4,7 % ou 5,2 % de taux de croissance selon que la récolte céréalière est moyenne (60 millions de quintaux) ou bonne (75 millions de quintaux).
Les activités non agricoles marchandes progresseraient fortement.
Nouvelles normes de calcul pour le PIB. à partir de juillet prochain.

Le Haut commissariat au plan (HCP) vient d’élaborer le budget économique prévisionnel pour 2006 dans lequel, tenant compte des mesures prises dans la Loi de finances pour le prochain exercice et moyennant un certain nombre d’hypothèses, il dresse la configuration possible de l’activité économique du pays. Cet exercice fait suite à un autre, le budget économique exploratoire, élaboré l’été dernier, et par lequel le HCP avait esquissé à grands traits les contours de l’évolution économique en 2006, sans disposer à ce moment-là des données et mesures incluses dans la Loi de finances.
Pour se prémunir contre les retournements de conjoncture, toujours possibles, en particulier l’arrivée ou non des pluies du printemps, le HCP a construit son budget prévisionnel sur deux scénarios. Le premier, prenant comme hypothèse une campagne céréalière moyenne (60 millions de quintaux), prévoit un taux de croissance de 4,7 %, soit 0,7 point de moins que l’objectif fixé par le gouvernement (5,4 %). Le second scénario, plus optimiste, est basé, lui, sur une campagne de 75 millions de quintaux et le taux de croissance prévu, selon cette configuration, serait de 5,2 %.
L’un comme l’autre de ces scénarios tiennent évidemment compte, également, du comportement de l’environnement international : une consolidation de la croissance mondiale autour de 4,3 %, tiré notamment par la Chine (8,2 %), les USA (3,3 %), le Japon (2 %) et l’Union européenne (1,8 %) ; la hausse du prix moyen du baril de pétrole de 54,7 dollars en 2005 à 61,4 dollars (prévisions du FMI) ; et une parité euro-dollar légèrement en baisse à 1,17 au lieu de 1,2 en 2005.
Au plan interne, le secteur non agricole marchand (donc hors administration), le vrai producteur de richesses, progresserait de 4,4 %, au lieu de 4,9 % en 2005. Il y a là un léger recul, mais la croissance reste forte, si l’on se rappelle que dans les années 90, la progression ne dépassait pas les 3 %. Les contributeurs à cette croissance du secteur marchand non agricole seront notamment les mines, l’énergie, le BTP et les industries manufacturières, soit à peu près l’ensemble de l’activité secondaire – à l’exclusion de l’industrie du textile, en butte à des difficultés découlant essentiellement du démantèlement de l’accord multifibres depuis le 1er janvier 2005.
En ce qui concerne les activités tertiaires, les services marchands (tourisme, télécommunications, transports, commerce et activités financières) verraient également leur valeur ajoutée progresser de manière importante : 4,3 % au lieu de 4 % en 2005. Le secteur touristique en particulier devrait poursuivre sa tendance positive en affichant une hausse de sa valeur ajoutée (réelle) de l’ordre de 7,5 %. Et ceci eu égard notamment à l’accélération du rythme d’exécution des chantiers programmés dans le cadre de la Vision 2010 et à la libéralisation du transport aérien, entre autres.
Comme dans presque toutes les économies en développement, la croissance est souvent, sinon toujours tirée par la demande interne, et tout particulièrement la consommation des ménages. C’est encore plus vrai du Maroc o๠la forte corrélation qui existe entre croissance et agriculture se retrouve de manière assez nette dans la progression du PIB et de la consommation : quand l’agriculture se porte bien, le PIB global augmente corrélativement et, du fait d’une forte autoconsommation des produits agricoles, la consommation des ménages enregistre des taux de progression proches de celui du PIB.
Amélioration des revenus des ménages ruraux
Ainsi, en 2006, la contribution de la consommation des ménages à la croissance économique serait, selon le HCP, de 3,3 points. Pour bien montrer l’importance de cette variable, il fait savoir que la consommation des administrations publiques ne contribue à la croissance économique en 2006 qu’à hauteur de 0,5 point, la formation brute du capital fixe (FBCF) à 1 point, tandis que la contribution du commerce extérieur serait tout simplement négative (- 0,1 point).
Il faut néanmoins préciser ici que le dynamisme de la consommation des ménages provient certes en grande partie de l’amélioration des revenus des ménages ruraux (en situation de bonne campagne agricole), mais aussi de la progression, au rythme de 7 à 8 %, des transferts des Marocains résidant à l’étranger (MRE). En 2006, les transferts des MRE devraient atteindre quelque 45 milliards de dirhams. A ces deux éléments, il faut ajouter le niveau assez bas de l’inflation : 2,2 % en 2006, contre 2,3 % en 2005. Mais, soit dit en passant, cette maà®trise de l’inflation n’est pas seulement le résultat d’une gestion monétaire prudente ; elle est aussi le résultat d’une intervention forte des pouvoirs publics pour soutenir les prix des produits de première nécessité. Avec le renchérissement du prix du pétrole, l’Etat a supporté en 2005, rien qu’en produits pétroliers, une lourde facture de 8,5 milliards de dirhams ; et en 2006, on estime à 8 milliards de dirhams l’enveloppe que l’Etat devra débourser en soutien à ces mêmes produits pétroliers. Ceci pour dire que le niveau de l’inflation, du moins ces derniers temps, est quelque peu artificiel.
Dégradation du solde courant de la balance des paiements
Comme indiqué plus haut, le commerce extérieur reste le point faible, pour ne pas dire le point noir, de l’activité économique du pays. La modestie des exportations, d’un côté, et l’augmentation significative des importations (pour cause notamment de flambée du prix du pétrole et de la baisse progressive des droits de douane), de l’autre côté, font que le taux de couverture des importations par les exportations est en constante détérioration. Et cela, bien évidemment, occasionne une dégradation, tout aussi constante (ou presque) du solde courant de la balance des paiements. En 2005, le solde courant de la balance des paiements a été en 2005 de 0,8 % du PIB, il serait de 0,2 % en 2006. Et ce qui montre l’ampleur du problème, c’est que cette détérioration du solde courant de la balance des paiements intervient malgré la nette amélioration des recettes de voyages et des transferts des MRE. Plus clairement, cela veut dire que ce que l’on gagne par ci, on le perd par là .
Avec le démarrage de l’accord de libre-échange avec les USA depuis le 1er janvier 2006, la tendance pourra-t-elle sinon se renverser, du moins s’améliorer ? Une chose est sûre : les exportations marocaines sont en perte de vitesse depuis le début des années 90 et la cause est maintenant plus ou moins bien diagnostiquée : les produits marocains intègrent moins d’ingénierie, leur niveau de sophistication demeure faible. C’est en tout cas le constat que la Banque mondiale a fait dans son mémorandum économique sur le Maroc, en décembre dernier.
Pour Ahmed Lahlimi Alami, Haut commissaire au Plan, le solde de la balance des paiements devrait se dégrader davantage.
Le PIB augmentera de 10%
Apartir de l’été prochain (juin/juillet), confie Ahmed Lahlimi, Haut commissaire au plan, les comptes de la nation seront établis sur la base du nouveau système de la comptabilité nationale des Nations Unies, en vigueur depuis 1993. Voilà qui devrait mettre un terme à la polémique, qui survient presque à chaque fin d’exercice, sur la réalité des chiffres concernant en particulier le niveau de croissance réalisé.
Ainsi, le Maroc sera l’un des rares pays, de sa dimension, à pouvoir publier dès 2006 des statistiques sur ses comptes nationaux conformes à la comptabilité des Nations Unies. «Cela va évidemment modifier les choses et le PIB augmentera de quelque 10 % ; une augmentation qui proviendra notamment du secteur des assurances o๠l’on tiendra compte des réserves pour le calcul de la valeur ajoutée, alors que jusque-là on se contentait du solde entre les primes et les sinistres», explique M. Lahlimi. «Cela montre bien, ajoute-t-il, que ceux qui nous reprochaient parfois de minorer le niveau de la croissance avaient tort, car nous ne faisons que tenir compte de la réalité suivant les données dont nous disposons et le système de calcul en vigueur».
