SUIVEZ-NOUS

Affaires

Crédits immobiliers : les promoteurs dénoncent officiellement la frilosité des banques

Garanties plus importantes, apport personnel requis de 40% au moins, déblocage des crédits au-delà  de 25% de taux de commercialisation…, entre autres restrictions au financement de la promotion immobilière.

Publié le


Mis à jour le

Bank AL MAGHRIB 2013 2013 07 05

C’est l’escalade entre les promoteurs immobiliers et les banquiers. Les premiers n’ont cessé depuis quelques mois de reprocher aux seconds de rationner le crédit, voire de fermer carrément le robinet. Mais si ces remarques étaient faites jusque-là officieusement, les promoteurs envisagent à présent de dénoncer publiquement la frilosité des banques. A cet effet, la Fédération nationale des promoteurs immobiliers (FNPI) compte demander une rencontre avec le wali de Bank Al-Maghrib pour parvenir à des solutions.

Avec un encours de 69 milliards de DH à fin mai 2013, les crédits aux promoteurs n’ont augmenté que de 1,3% depuis le début de l’année. Ils ont même stagné par rapport à la même période de 2012. Une croissance hésitante qui est due à des conditions plus restrictives pour l’octroi des financements, assure Youssef Ibn Mansour, président de la FNPI. Ce que ne renient pas les banquiers qui rappellent même que les premières consignes émanant de leurs sièges pour plus de prudence dans l’octroi des crédits à la promotion immobilière remontent à plus de 3 ans déjà. Les projets qui suscitent la vigilance des banques sont ceux localisés dans des marchés en suroffre, tels que Tanger, Marrakech ou encore Fès. Et si jusqu’à il y a peu, on pouvait toujours se rabattre sur le logement social pour convaincre les banquiers sur ces villes difficiles, cela est beaucoup moins aisé à présent. Un directeur régional de banque illustre : «Il est très délicat de financer un programme de logement social à Tanger actuellement, sachant que des projets de ce genre sur la ville cumulent des stocks de plus d’un an». Un autre facteur auquel les banques sont actuellement très sensibles est la taille du promoteur ainsi que son ancienneté sur le marché. Pour faire simple, les promoteurs occasionnels et ceux de petite taille sont aujourd’hui exclus du circuit de financement bancaire, reconnaît un professionnel.

Un tiers des crédits à l’économie va au financement de la pierre

Il faut aussi dire que ces opérateurs ont pour la plupart pris l’habitude de se financer sur leurs fonds propres ainsi qu’à travers les avances de la clientèle. A l’inverse, les grands promoteurs et ceux de taille moyenne gardent les faveurs des banques, quand ils ne tombent pas en difficulté évidemment. Certains de ces professionnels déclarent à ce titre continuer de bénéficier de lignes de crédit qu’ils ne parviennent pas à consommer entièrement.
Pour se couvrir vis-à-vis de dossiers à risque, les banques durcissent leurs conditions principalement à deux niveaux. Il s’agit en premier des garanties exigées (hypothèques sur le terrain et caution) qui en deviennent beaucoup plus importantes et non sujettes à négociation comme le veut la pratique. En second lieu, les banques revoient à la hausse l’apport personnel exigible qui est actuellement de 40% au moins du montant global de l’investissement. Aussi, quand ils ont des appréhensions sur le rythme d’écoulement d’un projet, certains établissements de la place ne commencent à débloquer leurs financements qu’au-delà de 25 à 30% du taux de commercialisation. Ceci sachant que les banquiers examinent déjà de très près le potentiel commercial des projets (étude de marché, rapport qualité/prix…). Plus en aval du programme, selon les pratiques rapportées par les promoteurs, les banquiers s’outillent même de manière à suivre rigoureusement l’avancement des travaux en effectuant des visites régulières des chantiers. 

A la limite, les promoteurs immobiliers se montrent compréhensifs vis-à-vis du durcissement des crédits à la promotion immobilière qui, après tout, dépend des politiques internes de chaque banque, d’autant plus que la situation en la matière varie sensiblement d’un établissement à l’autre. En effet, selon les données recoupées auprès des professionnels, certaines banques atteindraient un taux de contentialité de 30% sur les crédits à la promotion immobilière. En revanche, les professionnels comprennent moins le resserrement des crédits immobiliers aux particuliers. Ces financements totalisent 156,3 milliards de DH à fin mai 2013, en augmentation de 3,8% depuis le début de l’année, ce qui reste modeste par rapport à leur rythme de croissance moyen sur les dernières années. Les promoteurs avancent, entre autres restrictions sur ces concours, des taux de financement beaucoup moins généreux, allant tout au plus à 70% ainsi que des délais de traitement à rallonge, passant globalement de 15 jours à 3 mois. Pour leur part, les banquiers défendent la légitimité d’être plus regardants sur la situation des particuliers dont le taux des créances en souffrance est en hausse de 8,8% sur les 5 premiers mois de l’année.

Ce qui suscite encore plus l’ire des promoteurs immobiliers, c’est le peu d’effort fourni par les banques pour solvabiliser les acquéreurs ne disposant pas de revenus réguliers. Cette catégorie de la population représenterait actuellement 50% des acquéreurs potentiels de logements sociaux, selon M. Ibn Mansour, et le crédit immobilier adossé à la garantie étatique, Fogarim, permettrait de la prendre en charge. Seulement, «en pratique, seules deux banques (le CIH et la Banque Populaire) adhèrent effectivement au Fogarim, ce qui est insuffisant pour absorber toute la demande», affirme le président de la FNPI. Peut-on du reste reprocher aux banques de se montrer méfiantes vis-à-vis d’un dispositif dont le taux de sinistralité a bondi en 2012 et dont la garantie ne peut être mise en jeu qu’après 9 mois d’échéances impayées ?

De manière globale, une volonté des banques de lever le pied sur le crédit immobilier serait compréhensible vu leur exposition importante sur ce type de financements (un tiers des crédits à l’économie va au financement de la pierre). Cela sans compter le contexte d’assèchement de liquidités qui réduit leurs possibilités d’octroyer des crédits. Toujours est-il que les promoteurs se retrouvent entre deux feux après avoir investi massivement, poussés par des incitations étatiques, sans pouvoir continuer d’accéder aux financements.