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Affaires

Crédit immobilier : les hostilités sont rouvertes

La Société générale a ouvert le feu, Wafa immobilier et Banque populaire ont répliqué.
Toutes les offres sont alignées sur le minimum légal.
Au-delà des taux alléchants, les conditions d’éligibilité au
financement font la différence.

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Ceux qui ne possèdent pas encore de logement ou qui rêvent d’en acquérir un second sont aujourd’hui tentés d’aller frapper à la porte de leur banquier. En effet, jamais les taux d’intérêt annoncés par les établissements de crédit, du moins sur le papier, n’ont été aussi bas. Après quelques semaines d’accalmie dans la bataille commerciale qui s’est installée depuis que les principes de la concurrence sont acceptés dans le secteur, les coups de boutoir ont repris. Alors que l’on attendait la BCP ou Attijariwafa bank, via sa filiale Wafa immobilier, des institutions très actives dans le financement du logement, c’est la Société générale marocaine de banques, un acteur qui, jusqu’à récemment, n’était pas habitué à prendre l’offensive sur ce segment de marché, qui a rouvert les hostilités en annonçant il y a quelques jours un taux variable de 5,15% HT, l’offre étant valable jusqu’au 31 mars. Wafa immobilier réplique en proposant de financer l’acquisition d’un logement à partir de 4,72% HT pour une durée inférieure ou égale à 7 ans, et la Banque populaire leur emboîte le pas en s’engageant, jusqu’au 30 juin, à offrir 4,22% pour tout crédit d’une durée inférieure à 7 ans aux clients dont le dossier est adossé au Fogarim. On comprendra ici qu’il s’agit bien d’un logement social.

Aucune autre faveur en dehors des taux
Alléchant ? Sans doute ! Mais entre le désir d’acheter et l’emménagement dans un nouveau logement, il y a un long chemin à parcourir. D’abord, il importe de souligner que les offres ne sont pas de même nature. A la Société générale, le financement peut couvrir l’intégralité des besoins sur une durée de 7 à 25 ans. Selon Abderrazak Hassouni, directeur commercial marché des particuliers et des professionnels, il s’agit d’une offre ferme qui «ne souffre d’aucune ambiguïté», destinée à toute la clientèle sur la période indiquée, aussi bien pour le logement économique que haut de gamme. L’épaisseur du portefeuille ne compte donc pas. Pourvu que le demandeur soit en mesure d’honorer les échéances. En clair, il faudra qu’il passe par le circuit classique où l’on fait usage de toute la panoplie d’outils de mesure de risque avant une prise de décision.
Chez la filiale d’Attijariwafa bank, Wafa immobilier, la proposition n’est pas limitée dans la durée. Cette société de financement, qui a été la première, il y a un peu plus de cinq ans, à avoir sonné la charge avec un taux minimum de 7,5 % HT, préfère garder les bornes ouvertes, certainement pour maintenir la pression. Toutefois, la mention «à partir de» ne laisse place à aucune équivoque. N’obtiendra pas les 4,72% (autour de 5,4% si l’on compte la TVA) qui veut !

Bank Al Maghrib veille au grain
En ce qui concerne la Banque populaire, elle montre à travers sa sortie qu’elle peut faire autant que les autres sur les niches autres que le social visé par son annonce. On y assure que la clientèle peut bien y obtenir les taux les plus bas annoncés, à savoir 4,72 % pour le moyen terme et 5,15% pour le long terme.
Si les banques se permettent d’être aussi entreprenantes, c’est qu’elles en ont les moyens. Depuis quelques années, la baisse progressive du coût des ressources leur a permis en partie de ne pas trop souffrir de la réduction de leur marge d’intermédiation, laquelle reste encore très intéressante (autour de 5 %) si on la compare aux moyennes européennes, par exemple, qui ne dépassent pas 2,5 %. Mieux, les ratios d’exploitation se sont en général améliorés. Preuve de leur confort, les bénéfices 2006 seront plantureux, meilleurs ou, au moins, aussi bons qu’en 2005.

Néanmoins, les contraintes du marché font qu’elles ne peuvent pas offrir ces tarifs indéfiniment et à toute la clientèle, même si, comme le précise un banquier, il est possible de se rattraper sur le volume. Sachant aussi que les différentes commissions glanées au titre des frais de dossier et des primes d’assurances liées au crédit permettent d’augmenter les gains.

De l’avis de certains observateurs, il n’est pas sûr que les taux puissent continuer à reculer, du moins dans le court terme. Un des indices d’un possible rebond est que le taux d’inflation, un des paramètres déterminants de la formation des taux, donc très surveillé par l’Institut d’émission, est resté à un niveau élevé (3,2 % à fin novembre), et rien ne préfigure un repli notable dans les prochains mois.

Du point de vue légal, Bank Al Maghrib veille aussi au grain et promet de sévir en cas de manquement. Pour éviter toute tentation de dumping, elle a bien signifié aux banques, par voie de circulaire, qu’elles doivent intégrer, pour la fixation des taux d’intérêt débiteurs, tous les coûts afférents à leurs opérations de crédit, en sus d’une rémunération des fonds propres. Pour minorer les risques, les taux de base doivent même être majorés de 150 points de base (1,5 point de pourcentage) pour tous les crédits, à l’exception d’un certain nombre d’entre eux, notamment les crédits consentis aux établissements de crédit (marché interbancaire non compris) et ceux en devises ou couverts par la garantie de l’Etat, de la CCG (Caisse centrale de garantie) ou des fonds de garantie marocains, pour lesquels la majoration est de 100 points de base.

In fine, un petit calcul permet de constater que toutes les offres les plus basses communiquées, chacune dans une maturité donnée, sont alignées sur le minimum exigé. A cet égard, un banquier qui a requis l’anonymat range les différentes annonces dans le dossier de la stratégie de positionnement. «Un simple coup de pub», ironise-t-il. Et de souligner que, pour une durée inférieure à sept ans, la clientèle éligible est insignifiante.