Affaires
Crédit bancaire : la liste des garanties pouvant être fournies bientôt allongée
Les entreprises pourront donner séparément en garantie tout élément de leurs biens de valeur y compris les actifs incorporels. Banques et clients conviendront des garanties et des modalités de leur exécution par voie contractuelle

Les entreprises auront bientôt moins de difficultés à produire des garanties pour couvrir les crédits demandés aux banques. La mouture finale du projet de loi 18-15 portant réforme du droit des sûretés mobilières est fin prête. Ne reste plus qu’à la soumettre au conseil de gouvernement. D’après une source bien placée à la Direction du Trésor et des finances extérieures, initiatrice du texte, la commission interministérielle en charge de piloter le chantier a fini d’y introduire les remarques des différentes parties prenantes. Entamée en mars 2015, «cette phase de concertation a relativement été longue vu qu’il s’agit d’une refonte majeure qui touche plusieurs textes», apprend-on auprès de la direction. Cette réforme, qui figure parmi les priorités du CNEA pour 2016, vise principalement la modernisation du droit applicable aux sûretés mobilières contenu dans les textes en vigueur, en l’occurrence le DOC, la loi 15-95 formant Code de commerce, la loi 15-97 formant code de recouvrement des créances publiques, la loi 1-72-184 relative au régime de sécurité sociale et la loi 17-99 portant code des assurances. L’objectif ultime est de faciliter substantiellement l’accès des entreprises au financement bancaire. Selon un membre du groupe de travail qui a préparé le projet, la situation financière de certaines catégories d’entreprises, notamment les TPME, ne permet pas à elle seule de rassurer les créanciers, d’où l’intérêt de renforcer les possibilités pour ces entreprises de donner en gage de nouvelles garanties pour améliorer leurs capacités d’endettement. Cela revient à élargir l’assiette des collatéraux à proposer aux banques.
Chaque élément du fonds de commerce permettra de couvrir un crédit
Bientôt, banques et entreprises pourront donc convenir des garanties et des modalités de leur exécution par voie contractuelle. Les premières auront la latitude de déterminer comme elles l’entendent les collatéraux à retenir sur les secondes selon les actifs dont elles disposent, la nature des crédits demandés, les spécificités de leur activité et le niveau de leur endettement. «Aujourd’hui, l’essentiel des sûretés présentées aux banques consiste en le nantissement de l’intégralité du fonds de commerce, l’hypothèque, les cautions personnelles des associés, et le nantissement de bons de caisse et des contre-garanties bancaires dans une moindre mesure», souligne le directeur d’une grande banque. Il précise que ces couvertures restent dominantes puisque leurs constitution et réalisation sont encadrées par la loi.
Ces actifs ne seront plus les seuls. Le projet de loi autorise les entreprises à donner en garantie tout élément de leurs biens, y compris ceux qui sont utiles à leur activité et/ou dont la dépossession est matériellement impossible (les biens incorporels). «Cela revient à présenter des parties du fonds de commerce en garantie, au lieu de le nantir en entier comme le veut la pratique», explique un responsable du Trésor. Cette mesure permettra ainsi aux entreprises de prétendre à des financements additionnels sur chacun des éléments constituant le fonds de commerce. Selon des banquiers, le nantissement d’éléments constitutifs du fonds de commerce se fait déjà, mais dans des cas très précis. Le matériel et outillage est ainsi nanti dans le cas de crédit à l’équipement et les stocks de produits finis ou de marchandises pour financer les marchés publics.
Autre nouveauté, la possibilité de valoriser les biens incorporels du fonds en vue de les proposer en garantie. Les opérateurs auront même la possibilité de nantir des actifs futurs (éléments qui viennent s’ajouter au fonds de commerce au cours de la vie de l’entreprise, revenus à venir…). De même qu’ils pourront donner en garantie des créances dont le montant n’est pas encore déterminé ou est susceptible d’évoluer dans le temps, sous réserve, toutefois, que le montant maximum (en principal) de cette créance soit déterminable. Sur le même registre, les emprunteurs pourront demander une mainlevée sur une partie seulement des actifs nantis à hauteur des remboursements effectués.
Un registre national des sûretés mobilières sera constitué
Quant à l’applicabilité des nouvelles dispositions, les membres du groupe de travail affirment que, bien qu’elle s’inspire des pratiques internationales, la réforme fait suite à un profond diagnostic juridique local réalisé par le cabinet Clifford Chance. «Ses apports sont venus répondre exactement aux besoins exprimés à la fois par les banquiers, les opérateurs et les services administratifs», relève une source de la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), un des initiateurs de la réforme. Elle ajoute que le texte donne plus de liberté et de simplicité à constituer des garanties et à les réaliser pour les opérateurs.
Sur le plan procédural, l’acte constitutif des garanties a été simplifié à travers la limitation du nombre des mentions obligatoires et l’abandon de l’obligation de procéder à sa légalisation auprès des autorités compétentes du moment que la garantie sera inscrite au Registre national des sûretés mobilières. Cette formalité constitue une avancée majeure. D’après la source de la BERD, le registre est aujourd’hui en cours de mise en place par la SFI qui l’a déjà implémenté dans d’autres pays. Son principal apport est d’informer en temps réel les autres créanciers sur les inscriptions du bien mobilier donné en garantie et de fixer le rang des bénéficiaires sur ledit bien. «Aujourd’hui, les privilèges et droits de préférence inscrits sur les biens sont tellement éparpillés que les créanciers ne se sentent plus rassurés sur les financements accordés», note la source de la BERD. Peu confiants dans les sûretés en leur possession, les banquiers demandent beaucoup de collatéraux pour se protéger au maximum. A l’avenir, ils ne seront plus tentés de se sur-couvrir, ce qui libérera une grande partie des garanties retenues et permettra aux entreprises de prétendre à d’autres financements. Les établissements de crédit auront 12 mois à compter de la date de l’entrée en vigueur de la loi pour se conformer aux nouvelles dispositions.
