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Crédit : 62% des entreprises marocaines se détournent de la banque
Le taux de déconnexion est estimé à 58% dans la région MENA n Les exigences des banques en matière de sûretés découragent les emprunteurs. Au Maroc, les trois principaux obstacles à l’investissement sont l’environnement des affaires, le manque d’instruction de la main-d’œuvre et la concurrence déloyale de l’informel.
«Renforcer le développement du secteur privé et l’investissement au Maroc». Tel était le thème de la conférence, organisée le 8 décembre à Rabat, par Bank Al-Maghrib, la CGEM et la Banque européenne d’investissement (BEI). La rencontre avait pour objectif d’examiner le développement du secteur privé, l’investissement et la résilience économique au Maroc, sur la base des conclusions de l’enquête menée conjointement par la BEI, la Banque mondiale et la Banque européenne pour la reconstruction et le développement (BERD), auprès de plus de 6 000 entreprises dans la région MENA.
Selon Abderrahim Bouazza, directeur général de Bank Al-Maghrib, «le secteur privé est aujourd’hui appelé à jouer un rôle central dans la dynamique des réformes que connaît notre pays, en sa qualité de moteur de la croissance et de créateur de richesses». Et d’indiquer que, selon le baromètre d’attractivité 2017, publié par le cabinet Ernst &Young, le Maroc se place en tête des pays les plus attractifs du continent africain et l’effort d’investissement y est important et élevé comparativement à plusieurs pays émergents. C’est ainsi que, sur les dix dernières années, le taux d’investissement dans le Royaume s’est établi à près de 34% en moyenne, contre 23,7% en Malaisie et au Chili et 28,3% en Turquie. Malgré tout, le DG de Bank Al-Maghrib considère que «le processus de convergence de l’économie nationale reste lent» et que «l’essoufflement de la croissance durant les dernières années, ainsi que le recul de son potentiel, mettent en exergue le faible rendement de l’investissement et le manque d’efficacité des différentes réformes engagées».
Au cours des dix dernières années, le taux d’activité s’est inscrit dans une tendance baissière, pour revenir à 46%, en 2016, niveau en-deçà de celui de nombreux pays émergents. Le chômage touche, quant à lui, plus de 9% de la population active, dont 18% des diplômés, 29% des jeunes ; ainsi que la majorité des femmes qui restent inactives, notamment dans les villes où plus de 8 sur dix n’intègrent pas le marché du travail. En outre, l’économie marocaine continue d’être tributaire du secteur agricole qui a contribué, au cours des dix dernières années, à hauteur de près de 12% du PIB et représentait, à fin 2016, environ 38% de la population active occupée. Quant au secteur industriel, qui contribue à hauteur de 17% de la valeur ajoutée, il n’emploie pas plus de 11% des actifs.
La trésorerie des entreprises reste préoccupante
Par ailleurs, le climat des affaires pourrait être sensiblement amélioré, en agissant sur la qualité de l’environnement juridique et l’étendue des informations permettant la protection des prêteurs et des emprunteurs. En effet, selon la dernière évaluation de la Banque mondiale, le score du Maroc se limite à 2 sur 12, pour ce qui est de la fiabilité des droits légaux, qui mesure le degré de protection des droits des emprunteurs et des prêteurs. Pour sa part, Hakim Marrakchi, vice-président de la CGEM, a révélé que le «problème de trésorerie des entreprises est au cœur de nos préoccupations, dans la mesure où il hypothèque leur avenir». Et de lancer un appel pour que «les parties concernées travaillent ensemble pour trouver des solutions à ce problème». Il ressort de l’enquête, menée par la BEI, que 87% des entreprises marocaines déclarent n’avoir pas de contrainte d’accès au financement. Cependant, l’enquête montre que 62% d’entre-elles sont «déconnectés», c’est-à-dire qu’elles ne sollicitent pas de crédit bancaire. Dans l’ensemble de la région MENA, le taux de déconnexion des entreprises est estimé à 58%. La BEI explique ce taux de déconnexion élevé par le fait que les exigences des banques en matière de sûretés sont «particulièrement strictes» dans la région. Roman Escolano, vice-président de la BEI, précise, quant à lui, que «l’enquête a montré que, dans le cas du Maroc, les trois principaux obstacles à l’investissement du secteur privé sont l’environnement des affaires, le manque d’instruction de la main-d’œuvre et la concurrence déloyale des entreprises du secteur informel».
A noter qu’entre 2007 et 2017, la BEI a financé pour plus de 15 milliards d’euros de projets dans la région MENA, notamment dans les secteurs du transport, de l’éducation, de l’eau, de la santé et de l’énergie. Sur ces 15 milliards d’euros, le Maroc a bénéficié de près de 4 milliards. Pour l’année 2017, le financement de la BEI s’élèvera à plus de 300 millions d’euros. De plus, l’institution a lancé, au cours de l’année dernière, «l’initiative de résilience économique». Dans le cadre de celle-ci, la BEI financera, jusqu’en 2020, pour 4,5 milliards d’euros (dont plus de la moitié iront au secteur privé) de projets supplémentaires dans les pays du voisinage Sud et des Balkans, ce qui amènera le soutien de l’institution pour cette région à environ 14 milliards d’euros pour la période 2014-2020.
