Affaires
Couverture médicale des indépendants : les pistes explorées par les pouvoirs publics
L’assujettissement obligatoire au nouveau régime et le mode de recouvrement des cotisations sont les deux principaux points en discussions. Les cotisations seront basées sur le revenu forfaitaire moyen égal à trois fois le Smig pour les professions libérales organisées et à deux fois le SMIG pour les autres catégories de travailleurs non salariés. Le dossier doit être bouclé avant la fin de l’année.

Les pouvoirs publics sont décidés à faire aboutir le projet de la couverture médicale des indépendants. Des sources proches du dossier affirment que «les parties concernées tiennent des réunions hebdomadaires pour boucler le dossier avant la fin de l’année». Il faut rappeler que le chef du gouvernement, Abdelilah Benkirane, s’est engagé, début 2014, à mettre en place la couverture médicale au profit des indépendants à la fin du mois de décembre de cette même année. Un engagement qui pourrait être tenu, selon notre source, «si, en plus du rythme effréné des réunions techniques, il existe une réelle volonté politique de faire aboutir le projet».
L’idée des pouvoirs publics est d’intégrer la couverture des indépendants dans le cadre légal de l’Assurance maladie obligatoire. Elle est née de la réflexion entamée suite à l’échec de la couverture Inaya qui consistait à contractualiser avec un assureur privé. Le projet vise la mise en place d’un ou de plusieurs régimes d’assurance maladie pour les travailleurs indépendants de façon à compléter le schéma actuel : la couverture des salariés par l’AMO et le Régime d’assurance maladie pour les économiquement faibles (Ramed). Il s’agit aujourd’hui de trouver un système pérenne qui tienne compte de la spécificité de la population concernée et de ses attentes en matière de soins médicaux. In fine, on retient le principe que l’AMO, instituée par la loi 65-00, doit s’appliquer à tous les actifs, salariés ou indépendants, avec un panier de soins de référence. Or, actuellement, seuls les salariés bénéficient de l’AMO à travers la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) pour le secteur privé et la Caisse nationale des organismes de prévoyance sociale (CNOPS) pour les fonctionnaires. Soit un taux de couverture ne dépassant pas les 59% de la population.
Le prépaiement des cotisations envisagé pour les travailleurs domestiques, les pêcheurs à la part et les saisonniers agricoles
Les régimes d’assurance pour les salariés ne sont donc pas techniquement adaptés aux indépendants en raison de l’absence d’une assiette de cotisation reconnaissable et l’impossibilité de contrôler l’obligation de cotiser. Ce qui appelle, selon les spécialistes du dossier, à la nécessité d’un régime spécifique tout en restant conscient que l’instauration d’un système uniforme est rendue difficile par l’hétérogénéité de la population des indépendants.
C’est pourquoi, explique-t-on, les réunions techniques actuellement en cours planchent sur deux points essentiels : l’assujettissement obligatoire au nouveau régime et le mode de recouvrement des cotisations. «Il s’agit de deux points cruciaux, sachant que les expériences nationales de couverture sociale des travailleurs non salariés tel que le régime des avocats, Addamane Al Hirafi et Addamane Al Bahri se sont soldées par un échec en raison du caractère facultatif de la couverture et de la faiblesse et de l’irrégularité des revenus», souligne une source proche du dossier.
Rien n’est encore décidé certes mais des pistes sont sérieusement examinées pour ces deux aspects techniques du projet d’extension de la couverture médicale aux indépendants.
Concernant le premier point, les experts estiment que «l’obligation de l’affiliation doit être décidée par les autorités de tutelle des diverses activités concernées». Ainsi, par exemple, on retient que pour les professions libérales organisées qui sont, rappelons-le, les premières catégories d’indépendants visées par le projet, il est proposé que l’autorisation d’installation ou d’ouverture soit conditionnée par la remise d’une attestation de régularité délivrée par la CNSS. En ce qui concerne les commerçants et autres travailleurs mobiles, ce sont les Chambres professionnelles et les employeurs qui devront se charger de leur affiliation.
Pour la fixation de la cotisation et son recouvrement, le régime déclaratif ayant montré ses limites dans les expériences antérieures, les experts préconisent la fixation d’un revenu forfaitaire moyen applicable à tous les membres d’une même profession qui servira d’assiette de cotisation. Auparavant, il était prévu de calculer le taux de cotisation sur la base du chiffre d’affaires ou du revenu net, option rendue caduque par l’irrégularité des revenus et des déclarations. Selon nos sources, le revenu forfaitaire serait égal à trois fois le Smig pour les professions libérales organisées et à deux fois le SMIG pour les autres catégories de travailleurs non salariés. Le recouvrement des cotisations pour les professions libérales se ferait auprès des ordres et autres associations professionnelles.
Les travailleurs indépendants bénéficieront des mêmes prestations que les assurés de l’AMO
Pour les indépendants mobiles, notamment les travailleurs domestiques, les pêcheurs à la part et les saisonniers agricoles, le prépaiement des cotisations est sérieusement envisagé. Il permet au donneur d’ordre de prépayer les cotisations de ses travailleurs sous forme de chèques qui ne sont pas nominatifs et qui ont une valeur correspondant à un jour de cotisations (ou une semaine ou un mois). Le travailleur ira déposer une fois par trimestre les chèques de cotisations.
S’il est difficile de déterminer les mécanismes de l’assujettissement et du recouvrement de la cotisation, l’étendue de la couverture médicale des indépendants, elle, s’est avérée plus aisée. Le panier sera identique à celui de la CNSS dans la mesure où les travailleurs indépendants bénéficieront des mêmes prestations que les assurés de l’AMO. Là-dessus, il n’y aura point de débat.
