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Coopératives d’habitat : devenir propriétaire à  moindre coût et selon ses propres critères

Par rapport à  un logement acheté auprès d’un promoteur, l’économie sur le prix peut aller jusqu’à  30%. Exonérations fiscales et économies d’échelles comparativement aux travaux effectués par un promoteur privé permettent de réaliser ce gain.

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cooperatives immobilier Maroc 2012 11 09

L’idée peut s’apparenter à un casse-tête pour les uns, alors que d’autres n’en soupçonnent même pas l’existence. Pourtant, se loger grâce à une coopérative d’habitat offre plusieurs avantages qui compensent amplement l’effort consenti pour la constitution de la structure et sa gestion. En effet, les membres d’une coopérative d’habitat mettent leurs moyens en commun dans l’objectif de construire un logement, qui sera exploité en tant que résidence principale.

Cette formule a visiblement du succès. Selon l’Office de développement de la coopération (ODCO), il s’en crée une dizaine par mois. Elles étaient 1 078 à fin juillet 2012. Avec une capitalisation d’environ 4,6 milliards de DH et 48 526 adhérents, les coopératives d’habitat représentent 10,7% de l’ensemble des coopératives, et viennent juste après celles de l’agriculture et de l’artisanat.

Historiquement, ce sont les enseignants qui optent souvent pour cette voie pour se loger. La première coopérative du genre a été l’œuvre des enseignants de la Faculté de droit à Rabat ! «Ces profils disposent de connaissances en la matière eu égard à la nature de leur profession, et d’assez de temps pour s’occuper de telles affaires», explique un membre d’une coopérative d’habitat à Casablanca. A en croire ces chiffres, la formule fait des adeptes grâce aux multiples gains qu’elle procure.

En effet, parmi les avantages majeurs qu’offre la coopérative d’habitat, la possibilité de réduire significativement le prix de revient du logement grâce à la fois aux exonérations fiscales et à la réalisation d’économie d’échelles comparativement aux travaux réalisés par un promoteur privé. «Le gain en matière de prix peut aller jusqu’à 30%, et équivaut au moins au profit du promoteur privé qui aura fait les travaux s’il n’y avait pas de coopérative», affirme une source bien introduite dans le secteur des coopératives d’habitat.

Obligation de déposer l’équivalent du dixième de la valeur immobilière totale des constructions projetées

 De plus, la coopérative d’habitat donne la possibilité aux copropriétaires de s’accepter mutuellement en tant que futurs voisins, au moment de sa constitution. Et vu que les constructions seront livrées, in fine, à soi-même, elle garantit un standard de qualité élevé par rapport aux autres formes d’acquisition de logement. Du point de vue fiscal, les parts des coopératives d’habitat sont exonérées de tous impôts et taxes. Aussi, les livraisons à soi-même de construction de logement sont exonérées de TVA. A condition que leur superficie n’excède pas 240 m2 pour chaque coopérateur, et que lesdites constructions soient affectées à l’habitation pendant une durée de quatre ans. Pour les frais d’enregistrement, les coopératives d’habitat sont taxées à un taux réduit de 2,5% sur la valeur des terrains acquis au lieu du taux normal de 5%. De plus, les actes de constitution et de dissolution des coopératives ainsi que les actes de cautionnement bancaire ou d’hypothèque les concernant sont exonérés des frais d’enregistrement et de timbre.
Cependant, il faut de la patience pour créer une coopérative.

Avant de saisir les instances administratives en vue de la création d’une coopérative d’habitat, les membres doivent fixer leur nombre et se mettre d’accord sur la consistance du projet (choix du terrain, son origine, types d’habitation à réaliser, mode de réalisation des travaux…). Commence alors la constitution dont le préalable est la déclaration de la création de la coopérative et l’obtention de l’agrément du ministère de tutelle, ainsi que le dépôt des fonds qui doivent être au moins l’équivalent du dixième de la valeur immobilière totale des constructions projetées. A ce titre, la loi 24-83 fixe le capital minimum des coopératives d’habitat à 20 000 DH. Notons qu’à ce stade, il est judicieux de se faire assister par des personnes ressources ayant déjà réalisé des projets similaires pour faciliter le modus operandi dans tous ses détails pratiques. Sans omettre de faire appel aussi aux services de l’ODCO qui accompagne tout le tissu coopératif au niveau du Royaume. Toutefois, le ministère de tutelle milite pour l’allègement de la procédure de création, connue pour être assez lourde, notamment avec la réforme de la loi 24-83 dont les opérateurs attendent le texte très prochainement (voir encadré).

Par ailleurs, et après que la structure prenne forme juridiquement, les coopérateurs auront à choisir le mode de financement adéquat. Deux alternatives se profilent. Le financement interne lorsque les capitaux levés sont suffisants pour concrétiser le projet, ou l’appel aux organismes de crédit.  Dans ce cas, le montant du prêt et la durée de remboursement peuvent varier d’un coopérateur à l’autre, ils sont fonction des revenus et de la situation financière de chacun. Dans ce sens, «la coopérative gagnerait à avoir des adhérents disposant de revenus proches pour que la banque n’oppose pas de résistances lors de l’étude du dossier», explique un banquier d’un établissement pionnier dans le financement des coopératives. Au cas où les coopérateurs présentent des différences majeures de revenus, la banque propose de réaliser le projet par tranches attribuées selon les moyens financiers de chacun. En terme procédural, le dossier à remettre à la banque comprend trois volets : un dossier juridique (statuts, agrément, PV de l’AG constitutive), une étude technique (plan architectural, autorisation de construire, devis estimatif des travaux, copie du contrat d’achat du terrain,..) et un dossier personnel par adhérent. Notons que le déblocage du crédit ne peut avoir lieu qu’après l’investissement total de l’apport personnel mis à la charge des sociétaires et au fur et à mesure de l’avancement des travaux. Il faut souligner que s’organiser en coopérative représente une sorte d’épargne forcée, puisqu’une fois que le membre s’est engagé avec le groupe, il ne peut plus se désister et doit continuer à verser ses parts annoncées préalablement dans les statuts.

La TVA est facturée et non récupérable, si le projet est réalisé par un promoteur

Mis à part la lourdeur du circuit de la création des coopératives d’habitat, notamment avec la multiplicité des documents à produire et des intervenants, leur gestion peut susciter des problèmes découlant souvent de conflits d’intérêts individuels. «Malheureusement, les coopérateurs continuent de ne pas considérer la coopérative comme un projet, et, par conséquent, ne la gèrent pas avec la rigueur nécessaire. On est toujours dans un rapport émotionnel et non rationnel. Les anciens réflexes persistent encore chez bon nombre d’adhérents, qui sont souvent motivés par leurs propres intérêts, des envies de magouilles, des promesses de terrain, ou par le gain pur des facilités des pouvoirs publics», déplore un membre d’une coopérative d’habitat à Casablanca. Les quelques affaires portées devant la justice corroborent cet avis. Il y est question de faux et usage de faux et de détournements des parts des adhérents, sanctionnés par des peines d’emprisonnement.

Autre contrainte, si le mode de réalisation des travaux se fait par le biais d’un promoteur, ce dernier facture la TVA à la coopérative, sans que celle-ci ne puisse prétendre à la récupérer puisque étant exonérée d’impôts, elle n’est pas un producteur fiscal de par sa qualité de consommateur final. «Ce qui n’est pas sans poser problème aux coopératives d’habitat», renchérit le propriétaire d’une agence immobilière à Casablanca. Et de préciser que cette contrainte pousse plusieurs particuliers à créer une SCI, société civile immobilière qui, elle aussi, bénéficie d’exonérations et peut récupérer la TVA.

Par ailleurs, la coopérative dont le projet est financé à crédit demeure généralement inscrite en tant que propriétaire sur le titre foncier mère. Et la cession en pleine propriété ne peut intervenir qu’après le remboursement intégral des créances de l’ensemble des adhérents. A cet effet, même si un coopérateur rembourse intégralement son prêt, il ne peut pas obtenir son titre foncier parcellaire. Ce qui peut dissuader les coopérateurs ne comptant pas faire appel à la banque. Toutefois, le CIH déroge à la règle. Sa formule de crédit aux coopératives atténue la notion de solidarité. Chaque membre est responsable du remboursement de la part de crédit qui lui revient, et, en cas d’impayé, cette banque ne saisit que le logement affecté au coopérateur défaillant.

Finalement, si la coopérative d’habitat représente un choix gagnant pour l’accès au logement, sa réussite est tributaire de sa gestion, du degré de connaissance de la loi en vigueur et du professionnalisme de ses membres.