Affaires
Contrôle en matière d’urbanisme : les professionnels de nouveau pris de court
Promoteurs et architectes dénoncent la publication sans concertation d’une nouvelle circulaire. Ils tablaient plutôt sur des décrets d’application pour corriger certaines anomalies de la loi, voire son amendement à court terme. Tous les acteurs redoutent une poursuite de la baisse des mises en chantier.

Aen croire des promoteurs, ça pourrait bien être le coup de grâce porté à un secteur de l’immobilier déjà bien mal en point. La circulaire que viennent de diffuser conjointement le ministère de l’intérieur et le département de l’habitat et de l’urbanisme pour préciser les modalités d’application de la loi 66-12 sur le contrôle et la répression des infractions en matière d’urbanisme et de construction inquiète au plus haut point les professionnels du secteur, promoteurs immobiliers et architectes en tête. «Cela renvoie un signal négatif aux opérateurs et renforcera le climat de défiance qui a déjà été très dommageable pour les mises en chantier et la production de logements sur les derniers mois», affirme-t-on au sein de la Fédération nationale des promoteurs immobiliers (FNPI).
Abus de pouvoir de la part de l’administration
Un bref rappel des faits s’impose à ce niveau. En septembre dernier, le ministère de l’urbanisme adopte la loi 66-12 donnant lieu instantanément à un tir groupé des promoteurs immobiliers, architectes, bureaux d’études et entreprises de BTP qui rejettent en bloc le texte «rédigé de manière hâtive et unilatérale sans aucune concertation préalable». Pour calmer les esprits et face au risque de panne du secteur immobilier, le département de tutelle promet de rectifier le tir à travers les décrets d’application de la loi en impliquant cette fois pleinement les professionnels dans le processus d’élaboration. Selon les opérateurs, le ministère ne fermait pas non plus la porte à un amendement à court terme de ce cadre, seule manière de traiter le mal à la racine, selon eux.
L’évolution des évènements fait dire aujourd’hui aux opérateurs que l’Exécutif se joue d’eux. «Nous avons de nouveau été pris en traître étant donné que la circulaire a été discrètement adoptée sans aucun échange préalable avec la profession», explique-t-on parmi les architectes. En outre, la démarche de l’Exécutif dit deux choses peu rassurantes, selon la FNPI. D’une part, l’on pense que les pouvoirs publics n’ont plus l’intention de revoir la loi puisque la nouvelle circulaire vient entériner ses dispositions. D’autre part, cela peut vouloir dire que l’Exécutif compte prendre son temps pour élaborer les circulaires en lesquels les professionnels placent beaucoup d’espoir pour traiter plusieurs points problématiques.
Quelles sont donc ces dispositions qui irritent les opérateurs ? Le nœud du problème selon les professionnels est que le nouveau cadre ne peut être que pénalisant pour les acteurs structurés. En effet, les dispositions du texte sont jugées imprécises et en déphasage avec la réalité du terrain. Un flou qui passe d’autant plus mal que la loi renforce le caractère coercitif des sanctions, notamment par la révision à la hausse des amendes et l’institution de sanctions privatives de liberté.
Pour illustrer leurs propos, les professionnels citent la procédure de contrôle des chantiers qui, même si elle a été davantage clarifiée par la nouvelle circulaire, ouvre toujours la voie à des abus de pouvoir de l’administration.
Les promoteurs immobiliers citent le cas pratique de l’arrêt immédiat du chantier qui figure parmi les sanctions pouvant être prononcées à la constatation des infractions et qui a effectivement été mise en œuvre sur le terrain aux dires des opérateurs. La procédure prévoit que le chantier reste fermé pendant que la procédure enclenchée à l’issue de la constatation des faits suit son cours. «Or, l’investisseur n’a pas le droit de contester ni de demander recours», déplorent les professionnels. S’il refuse l’arrêt du chantier, l’autorité procède en plus de la fermeture immédiate du chantier à la réquisition des machines, outils et autres biens appartenant au promoteur.
De fait, selon les opérateurs, «un abus de la part des autorités constituerait une réelle menace sur le chantier et la vie du projet : arrêt de chantier, perte de temps, procédures judiciaires et administratives pour débloquer la situation, procédures pour récupérer les biens et machines…». Les tares pointées par les professionnels concernent encore des problèmes d’harmonisation de la nouvelle réglementation avec des lois existantes. Des contradictions sont relevées, notamment avec la loi sur la vente en l’état futur d’achèvement (VEFA). Cela complique grandement l’activité des lotisseurs puisque la commercialisation préalable de leurs programmes leur est désormais interdite alors que ce mode de vente est à la base même de leur business model.
Absence de réglementation unifiée
Au-delà de ces considérations pratiques, les architectes et les bureaux d’étude considèrent que la loi 66-12 met la charrue avant les bœufs. Au lieu d’en venir directement au contrôle et à la répression des infractions, il aurait été plus sensé de déterminer au préalable les rôles, missions et responsabilités des différents intervenants dans l’acte de bâtir. L’absence de réglementation unifiée sur la question constitue aujourd’hui le vide juridique le plus criant pour le secteur de la construction, selon les opérateurs. C’est précisément ce qu’est censé déterminer le projet de code de la construction bloqué dans les tiroirs du ministère de l’habitat depuis des années. La loi 66-12 tente bien d’éclaircir les choses en la matière, mais elle le fait de manière très incomplète, selon les professionnels. Exemple des bureaux d’étude supposés être légalement impliqués dans tous les stades de l’acte de bâtir pour mener à bien leur mission et qui, au lieu de cela, ne sont nullement intégrés dans les procédures touchant le démarrage du chantier ou encore la délivrance de l’attestation de conformité.
