Affaires
Conjoncture : toutes les activités hors agriculture en net ralentissement
Un fort ralentissement dans le secteur secondaire, avec des baisses dans les industries manufacturières, de raffinage et d’extraction.
Morosité dans les activités tertiaires, à cause des chutes dans l’hôtellerie et la restauration, notamment.
Les comptes nationaux du quatrième trimestre de 2008 viennent tout juste d’être arrêtés ; et ce qu’ils montrent confirme les appréhensions exprimées sur le repli de l’activité économique, consécutivement à l’entrée en récession des principaux partenaires du Maroc. On s’attendait à une croissance de 4,8% au dernier trimestre de 2008, on en a eu seulement 3,1%. C’est un peu mieux par rapport à la même période de 2007 (2,8%), mais ce léger mieux est imputable presque en totalité à l’amélioration de la campagne agricole. Du coup, la croissance globale en 2008 devrait se situer à un niveau légèrement inférieur aux prévisions déjà annoncées. Bank Al Maghrib (BAM), dans le cadre de ses activités de prévision, a déjà revu à la baisse (à 5,8%) le taux de croissance pour 2008 prévu entre 6 et 6,5%, mais cette correction étant intervenue avant la publication des comptes nationaux du 4e trimestre 2008 par le Haut commissariat au plan (HCP), il est fort probable que le taux de croissance recule encore un petit peu.
La croissance du PIB non agricole inférieure à 3,9%
Mais si le PIB en 2008 a reculé d’environ un point (et peut-être même davantage !) par rapport aux prévisions, alors que la crise n’a touché que le tiers de l’année, qu’en sera-t-il de 2009, année de plein déploiement des effets de cette crise ? On le sait déjà, toutes les économies avancées vont connaître une croissance négative; et, par ricochet, le Maroc en subira sa part. Déjà, les premiers mois de 2009 montrent des signes évidents d’essoufflement de l’activité. Si l’on met de côté le secteur agricole, où la croissance serait vigoureuse grâce notamment à une pluviométrie exceptionnelle (on estime la récolte céréalière à plus de 75 millions de quintaux), la croissance de la valeur ajoutée hors agricole, en revanche, serait à son plus faible niveau depuis 6 six ans, soit 3,9% selon BAM, mais sans doute un peu moins au regard des derniers chiffres du HCP. Ce dernier prévoit en effet que face à la détérioration de l’environnement international, l’investissement des entreprises devrait pâtir de la dégradation des débouchés et du relâchement, déjà engagé, des tensions sur les capacités de production. Et les tout derniers chiffres de l’Office des changes (publiés mardi 31 mars) corroborent cette orientation à la baisse de l’activité hors agriculture (voir encadré).
Ainsi, le secteur secondaire devrait voir la progression de sa valeur ajoutée fortement réduite sur le premier trimestre de 2009 : pas plus de 2% selon les prévisionnistes, contre 6,2% à la même période de 2008. Surtout que l’industrie d’extraction, dont on ne soupçonnait pas une chute aussi spectaculaire, a enregistré une valeur ajoutée en baisse de 17,9% au quatrième trimestre de 2008, alors que l’on s’attendait à une baisse de seulement 3,1%. Et les exportations de l’OCP sur les mois de janvier et février 2009 confirment cette détérioration de l’activité : – 79,6% en valeur et – 68,4% en volume pour les exportations d’engrais naturels et chimiques, – 37% en valeur et – 61% en volume pour les acides phosphoriques alors que le prix à l’exportation de ce produit a quasiment doublé, et, enfin, – 58,5% en valeur et – 77,3% en volume pour les ventes de phosphates.
Seul le BTP se maintient, quoique à un rythme moins soutenu
Les activités industrielles (hors raffinage de pétrole) ont enregistré une croissance négative de 4,1% à la fin de 2008, alors que l’on attendait une progression de 2,7%. Ce qui est la plus mauvaise contre-performance de ces deux dernières années. Le premier trimestre de 2009 serait de la même eau : une croissance nulle. Même situation pour l’industrie du raffinage : – 4,2% à la fin de 2008, et sans doute guère mieux sur les premiers mois de 2009 au vu des statistiques déjà évoquées sur les importations de pétrole brut. BAM prévoit pour l’ensemble des activités énergétiques (raffinage + électricité et eau) une baisse de la valeur ajoutée de 1,3%. A peu près seul le BTP, dans le secteur secondaire, devrait s’améliorer quelque peu, après une décélération en décembre 2008 : 8% de croissance au premier trimestre de 2009, contre 4,8% au dernier trimestre de 2008 (au lieu de 9,8% au même trimestre de 2007). Il est vrai que depuis janvier 2009, les ventes de ciments ont repris, marquant une expansion de 45% par rapport à celle enregistrée juste un mois auparavant.
Dans le tertiaire, par contre, la sinistrose, apparue déjà au troisième trimestre de 2008, se poursuit ! Les services marchands en particulier sont ou bien en faible croissance ou bien carrément en baisse. Ainsi, au dernier trimestre de 2008, le commerce stagne à +3,2%, les hôtels et restaurants marquent une baisse de 3,9% contre une hausse de 3,2% l’année précédente, les postes et télécommunications enregistrent une croissance de 5% au lieu de 10,2% une année auparavant, les activités financières progressent de 15,8% au lieu de 21,3%, et les services immobiliers et ceux rendus aux entreprises et aux personnes croissent de 3,3% au lieu de 8,2%. Le premier trimestre 2009 pourrait voir se dégrader ces résultats, en particulier s’agissant de l’activité hôtelière et de restauration (voir article page 18).
Bref, le ralentissement de l’activité est bien là, et personne ne croit désormais plus aux 6,7% de croissance prévus, même avec une production céréalière élevée. Si les 5% prévus par BAM se réalisaient, ce serait déjà une bonne chose…