Affaires
Conjoncture contrastée pour les 2 premiers mois de 2011
La baisse d’activité chez les entreprises est nettement perceptible à travers les carnets de commandes et le niveau de production. Tassement des crédits à l’économie notamment les crédits à la consommation à fin janvier 2011.
L’année 2011, placée sous le signe de la consolidation de la reprise entamée en 2010, a finalement démarré avec quelques grosses hypothèques, dont il est difficile pour l’heure de mesurer les retombées sur la croissance économique. Avec les troubles politiques dans les pays arabes, la catastrophe au Japon et, pour corser le tout, la guerre en Libye, des incertitudes pèsent désormais sur l’économie mondiale, selon de nombreux analystes.
Le Maroc, comme tout le monde, et peut-être un peu plus que tout le monde du fait de son appartenance à l’ère géographique qui vit les bouleversements actuels, prend évidemment sa part de ces incertitudes. D’ores et déjà, le secteur touristique commence en effet à être affecté par l’onde de choc des évènements qui sont en train de gagner un à un l’ensemble des pays arabes.
Mais au-delà des secteurs sensibles aux facteurs exogènes (comme le tourisme, les exportations ou les importations), la dynamique interne est-elle ou risque-t-elle, à son tour, d’être chahutée par ce qui se passe alentours ?
Quelques éléments disponibles sur les deux premiers mois de 2011 semblent suggérer une certaine atonie dans l’activité économique, avec toutefois des situations différenciées selon les secteurs.
Un niveau des stocks de produits finis jugés supérieur à la normale
L’enquête qualitative de Bank AlMaghrib (BAM) dans l’industrie, basée sur l’opinion des chefs d’entreprises, montre, en effet, une baisse de la production industrielle en février par rapport à janvier, un niveau de stocks de produits finis jugé supérieur à la normale et des commandes certes en hausse mais dont le niveau est estimé inférieur à son niveau habituel. Les ventes, aussi bien locales qu’étrangères, se sont, elles, inscrites en hausse, et les prix des produits finis ont globalement augmenté d’un mois à l’autre, selon les chefs d’entreprises enquêtés.
Dans le détail, l’enquête de BAM révèle que le recul de l’activité a concerné l’ensemble des branches, à l’exception des industries du textile et du cuir où elle a stagné.
Et, cependant, les anticipations des opérateurs sur le court terme restent optimistes, s’agissant de la production. L’enquête du Haut commissariat au plan (HCP) confirme l’optimisme des chefs d’entreprises opérant dans le secteur manufacturier, mais cette fois l’optimisme est modéré. L’amélioration anticipée de la production pour le premier trimestre 2011 concernerait les industries alimentaires et les ouvrages en métaux (non compris les machines et le matériel de transport). En revanche, une baisse est prévue dans les industries des boissons et tabacs, du papier, carton et imprimerie et des articles en caoutchouc ou en plastique.
Pour les ventes, les indicateurs du commerce extérieur aussi bien que les recettes de TVA intérieure confirment leur hausse. Sur les deux premiers mois de l’année, en effet, les exportations ont augmenté de 28%, tandis que les recettes de la TVA intérieure ont, elles, crû de 7,7%.
Toutefois, les indicateurs relatifs au financement de l’économie montrent des signes de ralentissement que synthétise l’évolution de la masse monétaire. Celle-ci a en effet stagné (- 0,4%) par rapport à fin décembre 2010 et marqué une croissance de 3,6% en janvier 2011 contre 9,4% le même mois de 2010, selon les indications du ministère des finances. Il y a donc, en glissement annuel, un net ralentissement.
Hausse modérée des crédits bancaires
L’examen des contreparties de la masse monétaire, à fin janvier 2011, laisse voir que ce ralentissement est dû au repli des créances sur l’économie de 1,1% par rapport à décembre 2010 et à leur hausse de seulement 5,1% (+33,7 milliards de DH) par rapport à janvier 2010. En janvier 2010, rappelons-le, les créances sur l’économie avaient augmenté de 14,2% par rapport à janvier 2009.
Cette modeste hausse des créances sur l’économie s’explique par un accroissement tout aussi modeste des crédits bancaires : +5,5% au lieu de + 11,7% un an auparavant. La décomposition de ces crédits par objet économique montre que les crédits à l’équipement ont augmenté de 16,4% au lieu de 23,6% un an auparavant, les crédits à l’immobilier de 9,2 au lieu de 12,7%, les crédits à la consommation de 7,6% au lieu de 18,4% et les crédits de trésorerie de 4,3% au lieu de 4,1%.
Comme on peut le constater, les crédits à la consommation, quoi qu’en progression, accusent une forte baisse de rythme. Peut-on en déduire pour autant que la consommation des ménages, comme variable principale de la croissance économique, s’est ramollie ? Les données chiffrées sur cet élément de la demande ne sont pas encore disponibles. On peut, en revanche, penser que la remontée de l’inflation (+2,1% à fin février par rapport à la même période de 2010) a quelque peu joué dans la sens de la modération de la consommation. Surtout, cette inflation monte à 4% sur les deux premiers de 2010 pour les produits alimentaires, soit 40% tout de même de la consommation des ménages. D’ailleurs, cette question de prix est à surveiller sur l’ensemble de l’exercice, et ceci en dépit des efforts déployés par les pouvoirs publics pour limiter, à travers la Caisse de compensation, l’impact de l’inflation importée. Dans tous les cas, et malgré le soutien de l’Etat, l’inflation pour l’ensemble de l’année 2011, en raison notamment du renchérissement des prix des matières premières, devrait se situer à 2,5% selon le HCP. Cette situation se reflète déjà, du reste, sur la balance commerciale dont le déficit, malgré l’augmentation des exportations, s’est aggravé de près de 30% (29,7% exactement).
Au total, 2011 démarre donc dans un contexte plutôt contrasté, marqué par de lourdes incertitudes liées principalement à l’environnement régional perturbé.
