Affaires
Conformité sociale : 44% des entreprises ciblées se sont mises aux normes en deux ans
1 425 sur les 3 200 entreprises concernées ont été accompagnées par les inspecteurs du travail. La mise en Å“uvre est ralentie par la faiblesse de l’effectif des inspecteurs du travail. 100 % des entreprises se conforment pour l’à¢ge minimum au travail.

Cinq ans après sa promulgation, quatre ans et demi après son entrée en vigueur, le code du travail est-il appliqué par les entreprises ? Si l’on excepte les grandes et très grandes entreprises et quelques PME-PMI bien organisées, il est difficile d’affirmer quoi que ce soit. C’est seulement quand des drames surviennent, comme celui de Lissasfa, dans la banlieue casablancaise, au printemps dernier, où 56 personnes avaient péri dans un gigantesque incendie, que l’on se rend compte des failles dans le dispositif social des entreprises.
Faible taux de réalisation dans l’industrie mécanique
A défaut de contraindre les employeurs à se conformer à la législation du travail – encore faut-il avoir les moyens de savoir qui est en règle et qui ne l’est pas -, le ministère de l’emploi, on s’en souvient, avait entrepris une démarche plutôt consensuelle consistant à accompagner les entreprises, d’une certaine taille, en vue de les amener à appliquer les dispositions du code. C’est le fameux plan d’action national de mise en conformité sociale (PAN). Compte tenu des moyens plutôt limités du ministère, en particulier en ressources humaines, le PAN ne concernait que les entreprises de 50 salariés et plus, soit, selon les statistiques officielles, 3 200 entreprises, soit 2,7 % du nombre d’entreprises affiliées à la Caisse nationale de sécurité sociale (CNSS) avec des salariés (120 000 unités). Il y en a plus de 180 000 en comptant les affiliés sans salariés.
Un taux d’application élevé des dispositions non contraignantes du code
Deux ans après le lancement du PAN, quel en est le résultat ? Selon les données du ministère de l’emploi sur l’état d’avancement du PAN, arrêtées à fin octobre 2008, 1 425 entreprises de 50 salariés et plus ont fait l’objet d’un accompagnement par les inspecteurs du travail, soit 44,5 % de la cible (3 200 entreprises). Par rapport aux objectifs fixés pour les années 2007 et 2008 (60 % de la cible -30 % + 30 %), soit un accompagnement de 1 920 entreprises, le résultat atteint les 74 % (1425/1920). Les objectifs pour les années 2007 et 2008 n’ont donc pas été atteints pleinement, mais cela ne devait pas être vraiment une surprise quand on connaît le nombre d’inspecteurs du travail sur l’ensemble du territoire : 469 en tout et pour tout, sans parler du fait que sur ce total, les opérationnels ne sont pas très nombreux, ni même suffisamment formés pour certaines missions qui leur sont confiées (voir en encadré les recommandations de la mission d’évaluation du PAN).
Les résultats déclinés par branches d’activité et par régions sont très contrastés, ils semblent refléter à la fois le manque de ressources humaines et le degré de complexité de l’activité contrôlée. Exemples : l’objectif fixé pour l’industrie du textile et de l’habillement sur deux ans était d’accompagner 365 entreprises. Cet objectif a finalement été réalisé à hauteur de 74 % (270 entreprises). En revanche, pour le secteur des nouvelles technologies de l’information et de la communication (NTIC), l’objectif fixé était le contrôle de 25 entreprises seulement, en deux ans. Il est bien normal que l’objectif ait été très largement dépassé (136 % de réalisation). Ceci n’est pas le cas dans l’industrie mécanique où, en dépit de la «modicité» de l’objectif (53 entreprises à contrôler en deux ans), celui-ci n’a été réalisé qu’à hauteur de 54,8 %. Le même contraste peut être relevé s’agissant de la répartition des résultats par région. Dans la région de Fès, par exemple, l’objectif a été réalisé à 102 %, contre 46 % seulement pour Tanger. Sauf que pour Fès, l’objectif était d’accompagner 89 entreprises en deux ans, alors que pour Tanger la barre a été placée beaucoup plus haut : 199 entreprises à contrôler en deux ans.
Du coup, cette déclinaison par activité et par région ne revêt pas vraiment de sens si on ne la rapprochait de l’implantation géographique de chaque branche d’activités et des moyens humains affecté à l’accompagnement de ces activités.
Ceci pour l’aspect quantitatif du bilan. S’agissant maintenant de l’aspect qualitatif, le bilan du ministère laisse voir une certaine gradation dans l’application des dispositions du code du travail : on approche des 100 % dans l’application du nombre de dispositions, mais l’on retombe à des niveaux assez bas dès qu’il s’agit de mettre en œuvre des mesures contraignantes ou éventuellement trop onéreuses. Ainsi, pour l’âge minimum au travail, 100 % des entreprises accompagnées s’y conforment. En matière d’immatriculation et de déclaration à la CNSS, le nombre d’entreprises qui s’y conforment parmi celles visitées, retombe à 95 %. Pour le respect de l’assurance maladie obligatoire (Amo) en termes de déclaration et de paiement, c’est 94 %, la souscription à l’assurance accident de travail 93 %. Ce taux diminue à 77 % s’agissant des entreprises visitées qui disposent d’un service médical, à 72 % pour le respect de la procédure d’écoute et de défense. Seulement 62 % des entreprises contrôlées ont des délégués du personnel et 45 % des comités d’hygiène et sécurité.
Même s’il reste beaucoup à faire, surtout si l’on s’écarte de la cible (les 3 200 entreprises visées) et que l’on appréhende le problème dans sa globalité, il est clair toutefois que le PAN commence, malgré tout, à faire admettre l’idée que la mise en conformité sociale est une nécessité pour tous. Et les améliorations qui lui seront apportées vont sans doute permettre au PAN de donner de meilleurs résultats. Et parmi ces améliorations, on peut citer la création d’une norme sociale (PNM 00.5.601), déjà adoptée par le comité technique de normalisation, homologuée, et publiée au Bulletin officiel du 31 décembre 2008. Une circulaire relative à la certification est en cours de préparation aux ministères de l’emploi et du commerce et de l’industrie, elle définit l’organisme certificateur, la procédure de certification, la composition des demandes de certification, la durée de validité des certificats et le suivi de la certification. Comme l’ont proposé les deux responsables du ministère français du travail qui ont évalué le PAN, la certification devrait être exigée des entreprises pour participer à des appels d’offres d’une certaine importance. C’est le sens même de la mise en place d’une norme sociale.
Dans tous les cas, les élections professionnelles prévues pour mars 2009, les premières après l’entrée en vigueur du nouveau code du travail, vont nous donner déjà une première idée sur l’appropriation ou non par les employeurs de la législation du travail.
