Affaires
Conflit Russie-Ukraine : Des répercussions néfastes sur l’économie mondiale
Adil El Jouali, Professeur chercheur en économie internationale, Université Ibn Zohr

En poursuivant nos observations de ce qui se passe sur la scène politique et économique internationale, on ne peut pas nier l’ampleur de l’interdépendance économique entre la Russie et le reste du monde. Le 24 février 2022, la Russie a lancé l’invasion de l’Ukraine, en contrepartie l’UE et ses alliés ont adopté une série de sanctions massives contre Moscou, dont les conséquences se font déjà sentir sur son économie. La Russie est par ailleurs un pays très riche en ressources naturelles. Elle figure parmi les trois premiers pays producteurs et exportateurs de pétrole. Elle dispose de 20% des réserves mondiales de gaz, ainsi que d’importantes réserves de charbon, confirment les rapports de toutes les instances internationales. Elle compte aussi parmi les premiers producteurs de plusieurs métaux industriels, comme le palladium, le nickel ou encore l’aluminium. Son territoire abrite, en outre, 8% des réserves mondiales d’uranium.
De ce fait, le reste du monde, particulièrement les pays développés non producteurs de pétrole et matières premières sont fortement dépendants de la Russie en matière d’approvisionnement en gaz et en pétrole. En revanche, la Russie a conclu des partenariats commerciaux de taille qui sont indispensables pour son économie. Selon une première lecture, l’invasion de l’Ukraine par la Russie risque de déstabiliser l’économie mondiale encore en rémission de la crise pandémique. La conjoncture actuelle a déjà connu une inflation galopante sur tous les produits et matières premières, alors que cette guerre va contribuer certainement à un effondrement plus grave et plus effrayant sur l’économie mondiale. Les prix mondiaux de l’énergie vont augmenter, soutenant bien évidemment l’inflation et ralentissant la croissance. Avec des conséquences profondes pour la croissance et les marchés financiers mondiaux, la guerre en Ukraine va modifier le paysage géopolitique et économique. Vingt-trois ans après son arrivée au Kremlin, le Président Vladimir Poutine semble prêt à paralyser l’économie russe au profit d’un gain géopolitique, indiquent les observateurs de la place.
Ces derniers confirment aussi une perte sans cesse pour l’économie russe, car l’invasion mènera le pays à la récession, compromettant ses perspectives économiques à court et long terme. Depuis le déclenchement de la guerre, l’UE, les EtatsUnis et leurs alliés n’ont pas cessé de renforcer leurs sanctions, isolant progressivement les dirigeants et les institutions russes. Depuis l’attaque, l’UE et les Etats-Unis ont gelé les avoirs d’un nombre encore plus important d’hommes d’affaires russes et interdit les négociations de la dette souveraine russe sur les marchés financiers. De même, l’Occident a bloqué l’accès d’un certain nombre de banques russes au système sécurisé de messagerie interbancaire SWIFT que les institutions financières utilisent pour effectuer des transactions, confirmer des paiements, échanger des devises et transférer des ordres.
Les pays occidentaux ont désormais gelé l’accès de la banque centrale russe à ses réserves étrangères, compromettant la capacité de la Russie à financer la guerre, ainsi qu’à soutenir son économie et à acheter des roubles pour soutenir sa devise, comme l’explique Stephane Monier, Chief Investment Officer Lombard Private Bank. Les points de force de la Russie devraient être exploités pour impacter les secteurs clés de l’économie internationale. De ce fait, cette crise politique pourrait affecter globalement trois secteurs : l’énergie, les échanges commerciaux et les marchés financiers, vu l’interdépendance entre la Russie, l’Ukraine et le reste du monde. Face à toute crise, les gouvernements sont obligés de prendre des mesures de soutien budgétaire.
Selon les estimations des experts internationaux, les effets de cette guerre réduiront la croissance mondiale de -0,4% environ en 2022, pour la ramener entre 3% et 3,5%. Les pays de la zone euro seront les plus touchés par un recul considérable de la croissance au cours de l’année 2022. Concernant les prix à la consommation dans la zone euro, les perspectives sont alourdies par la probabilité d’une hausse des coûts de l’énergie, qui représentent près de 11% du panier de produits utilisés au sein de la zone euro pour calculer l’inflation. Si le cours du Brent atteint 120 USD/baril, il faut s’attendre à ce que l’inflation de la zone euro s’établisse à 3,6% vers la fin de l’année, et 7% aux EtatsUnis, estiment les experts internationaux.
Par ailleurs, les économies américaines et chinoises pourraient connaître chacun un recul de -0,3% de leur croissance en 2022, à respectivement 3,8% et 4,7%. Le Maroc et les pays en voie de développement similaire ne seront pas épargnés des retombées de cette crise, alors que la scène internationale est maintenant préoccupée par les perspectives qui seront désastreuses dans les pays occidentaux. Ces derniers sont engagés dans un cadre de partenariat avec le continent africain et les pays en voie de développement en matière d’approvisionnement et d’échange. Une question se pose avec acuité : Qu’en est-il de cette guerre ? Et quelle sera la position des pays en voie de développement face à un effondrement épouvantable de l’économie des grandes puissances ?
