Affaires
Conflit RAM-pilotes : à quand l’issue ?
Statut, réserve, reclassement au sol et assurance : de nombreux points de divergence existent entre Royal Air Maroc et son personnel navigant technique.
L’incompréhension persite entre la RAM et ses pilotes. Depuis plus de quatre ans, d’un côté comme de l’autre, les accusations de non-respect du cahier des charges et des protocoles signés minent les relations entre les deux partenaires. Cinq licenciements de pilotes, en l’espace d’une semaine (du 4 au 10 mai), ont jeté de l’huile sur le feu.
Les raisons de ce malaise diffèrent, selon les antagonistes. Pour le commandant Bakkali, directeur des opérations aériennes, «le mouvement des pilotes a été provoqué par la décision de la compagnie de créer une filiale charter et d’affecter une partie du personnel navigant à des bases hors Casablanca. Ce dernier nous a demandé une augmentation de salaire conséquente que nous avons refusée». Pour les pilotes, ce sont les protocoles d’accord non respectés qui sont à l’origine de la crise.
Depuis le 1er avril dernier, des pourparlers ont été engagés entre les deux parties et un PV a été signé le 14 avril. Ce document démontre que la compagnie reconnaît certaines de ses mauvaises décisions. Selon les explications de ses représentants, consignées dans le PV, «tout écart par rapport aux protocoles d’accord n’est qu’une erreur d’application». Mais, hormis les augmentations de salaires, certaines des principales décisions sont restées lettre morte ou n’ont pas été menées à terme, ni à temps, raison pour laquelle des pourparlers avaient repris.
8 000 changements de programmes de vol par mois
On est conscient, de part et d’autre, de l’urgence qu’il y a à mettre un terme à cette situation de flottement. Surtout que le motif de deux des récents licenciements reste un point de discorde entre les deux parties. Il s’agit des changements de programmes de vol que les concernés n’ont pas acceptés. C’est un point qui figure dans le PV du 14 avril. Ce dernier révèle que la compagnie arrive à 8 000 changements de programmes par mois. «Ce nombre est excessif», reconnaît le commandant Bakkali, qui estime toutefois que les régulations sont choses courantes dans toutes les compagnies aériennes. Il s’agit de veiller à ce que le coût du vol soit rentabilisé par le taux de remplissage. Après tout, on ne peut reprocher à la RAMd’optimiser ses charges. Les pilotes, eux, se placent sur un autre registre, celui de la réclamation: «Avant de sortir un programme mensuel, il faut avoir un remplissage fiable. Cela ne se fait pas à la dernière minute et de manière récurrente. C’est un dysfonctionnement de la compagnie et le personnel navigant en est la victime principale», soulignent les responsables de l’AMPNT (Association marocaine du personnel navigant technique).
Selon un protocole d’accord signé le 23 octobre 2002, le délai de notification du changement est de 24 heures minimum, si ce dernier affecte la période off (repos) du programme initial du pilote. Ainsi, si un changement de vol écourte la durée de repos préalablement prévue, le pilote a le droit de refuser sans que la compagnie ne puisse lui en tenir rigueur. Or, justement, deux refus récents ont provoqué des licenciements. Selon la compagnie, le refus des pilotes d’assurer des vols qui ont été programmés et notifiés aux personnes concernées n’est pas justifié.
Cette situation confuse résulte de l’inexistence d’un statut. Le personnel navigant n’en dispose pas et les revendications dans ce sens ne datent pas d’aujourd’hui. «Un engagement a été pris pour que le statut soit ficelé à fin mai. Et s’il y a retard, l’AMPNT en sera la cause», précise la compagnie. Une proposition de statut, inspirée de la version d’Air France, a d’ailleurs été soumise à l’association, dont la réponse est toujours attendue. Pour les pilotes, la formule proposée par la compagnie ne concerne que les sanctions. «Le reste du projet est incomplet et nous avons engagé un expert pour préparer un projet de statut qui sera prêt à mi-juin», confient les responsables de l’AMPNT.
L’AMPNT exige l’accès au contrat d’assurance
Le statut est en effet le point nodal du conflit. Ses dispositions et ses annexes sont en principe les seules références en cas de conflit. Même la question de la réserve ( le pilote concerné est à la disposition de la compagnie pendant une durée de 24 heures ; il peut rester chez lui, mais est tenu de répondre présent à l’appel de la compagnie dans un délai d’une heure) doit faire l’objet d’un accord joint au statut. Début 2003, l’association avait communiqué à la direction un projet réglementant la réserve en la ramenant à 12 heures et en insistant sur les périodes de repos en cas de mise en service.
Sur ce point, la compagnie nie avoir reçu le dit projet et se dit prête à réglementer la réserve. Mieux, selon M. Bakkali, «Royal Air Maroc a demandé à l’AMPNT, fin avril, de désigner les personnes qui devaient suivre ce dossier avec la direction et aucune réponse n’a été reçue en retour». Faux, rétorquent les pilotes : «L’association a répondu le jour même de la réception du courrier en désignant deux personnes et nous attendons juin, la date fixée par la direction,
pour avoir une mouture sur la
réserve».
Par ailleurs, un autre volet du malaise est alimenté par les sanctions en cas d’incident. Les pilotes ont l’impression que la compagnie a développé un réflexe répressif au détriment d’une approche pédagogique. «Dans les autres compagnies, le processus de sanction et de plaidoirie est défini avec précision et a obtenu l’aval de tous. La RAM n’en dispose pas. Le traitement des incidents et des accidents est effectué à la tête du client et selon des us et coutumes dont seule la compagnie détient le secret. De même, ce réflexe se reflète au niveau des reclassements au sol. Il s’agit du cas où le pilote est déclaré indisposé à honorer son contrat pour des raisons de santé. La perte de la licence de pilotage est automatique et la compagnie se doit, en principe, de le reclasser au sol. Or, une seule personne sur sept a été reclassée», explique l’association. Mais, selon M. Bekkali, «le reclassement au sol est une chose courante au sein de la compagnie. Seuls quelques cas litigieux, pour lesquels les concernés ont attaqué la compagnie en justice, ont mené au licenciement». Pour l’association, ces personnes ont été réintégrées comme contractuelles et non comme des agents de la RAM. Et comme un malheur ne vient jamais seul, le jour où elles devaient percevoir la prime d’assurance, elles se sont rendu compte que les salaires déclarés à l’assureur ne correspondent pas au réel perçu. Raison pour laquelle l’AMPNT exige l’accès au contrat d’assurance. Une revendication qui figure dans toutes les négociations