Affaires
Compensation : on va frôler les 70 milliards de DH à la fin de l’année !
L’estimation est de 68 milliards de DH et elle tient compte de la charge de l’année et des 16 milliards d’arriérés de 2011. Le Trésor a décaissé 42.5 milliards de DH au titre de la compensation à fin septembre. L’enveloppe globale budgétée n’est que de 46.5 milliards, ce qui signifie que les arriérés de 2012 sur 2013 seront de l’ordre de 21 milliards.
Cette année encore, les charges de compensation vont certainement atteindre un nouveau sommet. C’est la raison pour laquelle le gouvernement déclare vouloir à tout prix réformer le système. Le ministre des affaires économiques et générales, Najib Boulif, a d’ailleurs rencontré les différents acteurs concernés directement ou indirectement par le sujet : départements ministériels, opérateurs économiques (comme le Groupement des pétroliers du Maroc) ou encore les associations de consommateurs. L’idée est de parvenir à une réforme consensuelle…
En attendant, le montant de la compensation à fin septembre 2012 s’établit à 42,54 milliards de DH, soit 91% de l’enveloppe prévue à cet effet dans la Loi de finances, selon les dernières statistiques sur les finances publiques publiées par la Trésorerie générale du Royaume (TGR). Ce montant est en hausse de 53% par rapport à celui enregistré en 2011 à la même période.
Mais ces 42,54 milliards arrêtés par la TGR représentent non pas les charges mais les décaissements au titre de la compensation, dont 33,6 milliards au profit des distributeurs de produits pétroliers et de gaz butane. Les charges, elles, sont de 35 milliards en cette première semaine d’octobre, rien que (mais c’est le plus important) pour les produits pétroliers (carburants et fioul) et le gaz butane. En y ajoutant les arriérés de 2011, qui sont de 16 milliards de DH et qui sont budgétés dans la Loi de finances 2012, on atteint les 51 milliards de DH.
A ces 51 milliards de DH, il faut également ajouter les 8 milliards de DH au titre de la subvention du sucre et de la farine, dont 3,8 milliards pour le sucre à fin septembre. Autrement dit, les charges globales à ce jour se montent à 59 milliards de DH, dont, encore une fois, 42,54 milliards déjà payés. L’enveloppe budgétaire prévue étant de 46,5 milliards, il reste donc quelque 4 milliards pour que celle-ci soit épuisée.
Sachant que les charges mensuelles de compensation sont de l’ordre de 3 à 3,5 milliards (suivant les volumes vendus et les cours à l’international), il faut compter sur une charge additionnelle de quelque 9 milliards de DH pour les trois derniers mois de l’exercice ; ce qui porterait le total des charges à…68 milliards de DH, soit l’équivalent d’environ 8% du PIB estimé pour 2012, dont 46,5 milliards qui auront été payés. Dans cette hypothèse, et sauf à trouver de nouvelles ressources, les arriérés (en comptant ceux hérités de 2011) qui seront…légués au prochain exercice seraient de 21 milliards de DH.
L’Etat ne veut pas démanteler le système, il cherche à le rendre moins onéreux
La situation est très difficile est c’est presque de la tautologie que de le dire. On s’y perd déjà rien qu’en essayant de faire la part entre ce qui est dû et ce qui est décaissé, entre les charges de l’exercice et les arriérés hérités du passé. Pour les gestionnaires du dossier et, plus généralement, pour les pouvoirs publics, la tâche est éminemment ardue, en particulier dans cette conjoncture où chaque sou a son importance. Elle l’est aussi pour les opérateurs qui, les premiers, supportent le poids de la compensation. Avec les retards de paiement que l’on sait, certains sont contraints de contracter des prêts pour continuer à «tourner», générant des frais financiers estimés par les professionnels du secteur pétrolier à 800 millions de DH par an !
La réforme urge donc, le tout est de savoir comment la conduire, et c’est là le nœud du problème. Un début de réforme a été initié avec notamment le programme «Tayssir» (aide directe aux familles démunies qui acceptent de scolariser leurs enfants). La création dans la Loi de finances 2012 du Fonds de cohésion sociale est également un jalon dans cette réforme. La question de son financement pourrait cependant se poser, puisque la contribution des entreprises n’est prévue que pour un an. Sera-t-elle reconduite en 2013 ? Le financement du fonds par les dotations budgétaires et le prélèvement de 1,6% du prix de vente (hors TVA) des tabacs suffiront-ils ?
Ce gouvernement, encore une fois, déclare être décidé à faire aboutir la réforme, mais pour l’instant, il ne dévoile pas grand-chose en termes de mesures concrètes. Il est en revanche clair, comme ses prédécesseurs, sur l’orientation générale de la réforme, l’objectif à atteindre, c’est-à-dire le ciblage des populations bénéficiaires de la subvention et la maîtrise de l’enveloppe de compensation.
En fait, en restant assez général, le gouvernement semble vouloir indiquer qu’en tout état de cause, il ne sera pas question de démanteler le système, comme certains sont tentés de le croire, mais simplement de le rendre moins onéreux. Car, si la logique budgétaire impose cette réforme, l’Exécutif ne perd pas de vue pour autant l’économie politique de cette réforme. Et c’est sans doute le plus important. Ne pas fragiliser davantage la classe moyenne, la renforcer même, est aussi un objectif à la fois économique et politique.