Affaires
Compensation en 2012 : 53 milliards de DH ?
Le gouvernement prévoit 32 milliards de DH seulement, hors arriérés, pour le soutien des prix en 2012. Le baril de pétrole est à plus de 120 dollars, soit 10 dollars de plus que le cours moyen de 2011, année qui s’est soldée par 52 milliards de DH de compensation.
Le gouvernement d’Abdelilah Benkirane arrive à un moment particulièrement difficile sur le plan économique. Non seulement il hérite d’un exercice qui a enregistré le plus lourd déficit budgétaire depuis une dizaine d’années (6,1% du PIB et même 7% sans les privatisations), lui laissant par conséquent une très faible marge de manœuvre, mais en plus la crise internationale n’a pas fini de déployer ses effets sur l’économie marocaine. On connaît déjà le niveau abyssal du déficit de la balance commerciale (-185,4 milliards de DH) et bientôt seront connus les chiffres du compte courant et, plus globalement, de la balance des paiements pour 2011. Une certitude déjà : le déficit du compte courant sera très élevé : les estimations le situent à plus de 50 milliards de DH, mais ça peut aller au delà. Et le niveau en baisse (-12,4%) des réserves de change renseigne assez sur le solde de la balance des paiements dans sa totalité : celui-ci sera également déficitaire. La pression sur les liquidités bancaires en est d’ailleurs l’illustration.
Outre ces difficultés liées aux finances extérieures, dont le traitement exige du temps puisque mettant en cause la compétitivité des exportations principalement ainsi que le niveau de la demande étrangère grippée par la crise des dettes souveraines, le nouvel Exécutif doit affronter au même instant la difficile question des subventions, particulièrement des produits pétroliers. C’est quand même, il faut le rappeler, en raison de l’extraordinaire accroissement des charges de compensation que le déficit budgétaire a été ce que l’on sait. Et cela est dû à l’envolée des matières premières en général, et énergétiques en particulier. Et le Maroc sur ce point n’a pas trop le choix : ou il fait jouer «la vérité» des prix, et c’est peu recommandable par les temps qui courent, ou il met la main à la poche, comme il le fait depuis longtemps, pour soulager les consommateurs, et le résultat apparaît sous forme de déficits budgétaires.
Pour l’exercice 2012, on risque d’assister, sauf changement important sur ce registre, à la répétition de qui ce qui s’est passé en 2011 (une charge de compensation de 52 milliards de DH pour un cours moyen du baril de 110 dollars). A observer l’évolution des marchés des matières premières, les cours du pétrole restent à des niveaux élevés. En particulier le Brent de la Mer du Nord, référence des achats marocains de pétrole. Il caracole depuis le début de l’année à plus de 110 dollars le baril, et affichait le 6 mars un cours de 123 dollars, soit le niveau le plus élevé depuis début mai 2011. Sur les six derniers mois, le baril de Brent a augmenté de 9%.
Accalmie momentanée sur les marchés des produits agricoles
Certains analystes, sur la base de l’observation de la scène géostratégique notamment, n’hésitent pas à prédire des niveaux de prix stratosphériques (200 dollars le baril, voire plus).Ce ne sont là que des spéculations, fondées, entre autres, sur l’hypothèse de la fermeture du détroit d’Ormuz, l’attaque de l’Iran, etc. Cela ressemble, il est vrai, à de la fiction, puisque même l’Agence internationale de l’énergie n’a pas encore prédit un baril atteignant le niveau de juillet 2008, soit 148 dollars.
Plus généralement, le cours moyen retenu ici et là se situe autour de 120 dollars pour 2012, et ceci en raison de la forte demande des pays émergents (Chine et Inde notamment), d’un côté, de faiblesse des capacités de production de l’autre côté, et, enfin, de la décision de l’Iran d’arrêter ses livraisons à l’Europe, en «représailles» à la décision de celle-ci, prise dès janvier de cette année, de boycotter le pétrole iranien. L’Arabie Saoudite a promis de compenser le pétrole iranien, mais le marché ne paraît pas rassuré pour autant. Du coup, le prix du pétrole pourrait, s’il reste encore élevé et surtout dans le contexte de la crise avec l’Iran, redevenir le sujet de préoccupation en lieu et place de la… Grèce et ses dettes.
Logiquement, en période de récession comme celle prévue pour la zone euro en 2012 par le FMI (-0,5%), la demande de pétrole est censée baisser. Il se trouve que la croissance chez les pays émergents demeure encore forte (5,4%) même si elle est en léger recul par rapport à 2011.
S’agissant des produits agricoles, c’est plutôt l’accalmie en ce moment sur les marchés. Le sucre aussi bien que le blé ont accusé des replis par rapport à 2011, même si le sucre reste encore à un niveau relativement élevé, et même si depuis le début de l’année en cours des variations à la hausse sont enregistrées.
En réalité, pour le gouvernement, le problème est moins celui du blé ou du sucre, dont les enveloppes de compensation réunies ne dépassent pas 7 milliards de DH lorsque les prix flambent, que celui des produits pétroliers. Dans le premier cas, le Maroc ne fait qu’assurer en quelque sorte «la soudure» entre la production nationale et les besoins de la population ; dans le second cas, la dépendance extérieure est quasi totale.
Alors que faire ? Les gouvernements précédents, on s’en souvient, avaient tous affiché leur volonté et même échafaudé des scénarios pour réformer le système de subvention. Aucun n’y est parvenu. Celui-ci réussira-t-il là où tous ont échoué ? Dans tous les cas, si rien n’est fait, et à condition que le cours du pétrole reste à son niveau actuel, 2012 pourrait enregistrer un nouveau record en termes de charges de compensation : 53 milliards de DH, c’est un minimum auquel il faudra s’attendre, de l’avis de nombre de professionnels.
Mais à en croire des membres de l’actuel gouvernement, dont celui du ministère du budget, Driss El Azami, toutes les pistes de réforme sont actuellement à l’examen, aucune décision n’est encore prise, mais la réforme aura bien lieu. Quand ? Très probablement cette année. Le ministre n’est pas formel sur le calendrier, il assure seulement que des discussions sont en cours avec les partenaires du gouvernement.