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Commissions bancaires : ça va chauffer !

Les revenus de commissions progressent à deux chiffres. Les hausses sont expliquées par la nécessité de facturer les services bancaires au juste prix. A moyen terme, les taux des crédits aux entreprises, actuellement autour de 5,5%, devraient baisser de 50 à 60 points de base.

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Les profits des banques issus des commissions facturées à la clientèle grossissent à vue d’œil. Ils progressent à deux chiffres chez la plupart des établissements de la place (en base sociale, reflétant les réalisations du réseau commercial au niveau local) sur le premier semestre 2017, ainsi qu’il ressort des dernières communications financières. Ceci alors que le secteur bancaire avait déjà fait croître ses revenus de commissions l’année dernière de 10%, deux fois plus que les meilleures croissances enregistrées depuis 2012.

Cette montée en puissance est loin d’être fortuite. «Les banques cherchent aujourd’hui à maximiser les revenus de commissions pour compenser le déclin de la marge d’intermédiation», informe sans détour le directeur d’un établissement de la place. Depuis 2014, les établissements, souhaitant préserver leurs parts de marché sur le crédit, ont dû abandonner jusqu’à 90 points de base par an sur les taux appliqués à la clientèle, tous types de financements confondus, selon les calculs de la profession. Pour compenser ce manque à gagner, les banques auraient pu aussi bien jeter leur dévolu sur les activités de marché. Mais celles-ci ont l’inconvénient d’évoluer en dent de scie, les bonnes progressions étant systématiquement suivies de baisses de même ampleur voire plus importantes, relativisent les professionnels. «Les commissions bancaires constituent un levier bien plus maîtrisable. Elles sont d’autant plus intéressantes que l’éventail de services facturés est diversifié», confie un directeur de banque de détail. Cela constitue autant de pistes pour faire payer plus aux clients et les banques n’en négligent aucune. «Les grilles tarifaires sont aujourd’hui passées au peigne fin. Là où il y a possibilité de marger davantage, les tarifs sont augmentés», résume simplement le responsable. Ainsi, sur les deux dernières années, quasiment toutes les banques ont retouché leurs grilles (que les établissements diffusent de manière plus transparente que par le passé) pour augmenter leurs tarifs aux particuliers jusqu’à 30%, notamment en matière de frais sur les moyens de paiement, les packs bancaires… Les entreprises et les professionnels aussi se retrouvent à payer plus cher plusieurs de leurs services usuels. Les établissements ont eu la main particulièrement lourde sur les frais d’étude des dossiers de financements, passés du simple au double pour certaines catégories d’entreprises, qui n’avaient même pas à s’acquitter de ces commissions il y a quelques années.

Les revenus de l’intermédiation continuent de constituer l’essentiel du PNB

La tendance devrait se maintenir. Les établissements bancaires devraient être poussés à mettre le paquet sur les commissions du fait que la marge d’intermédiation n’est pas prête de se redresser au cours des deux ou trois prochaines années. Les taux des crédits aux entreprises, actuellement autour de 5,5% (contre plus de 7% il y a 3 ans) devraient baisser de 50 à 60 points de base à moyen terme, selon les anticipations des professionnels. Ceux-ci relativisent aussi le regain de dynamisme de la distribution de ce type de financements, qui ne serait selon eux pour l’heure que le fait de quelques grandes opérations.

La situation est un peu plus encourageante pour les financements aux particuliers avec des croissances d’encours plus franches : 5% de hausse anticipée pour le crédit acquéreur et 6% pour le crédit à la consommation. On devrait cependant rester loin des taux de financement appliqués il y a quelques années. Au contraire, certains professionnels évoquent un potentiel de baisse supplémentaire du coût de ces crédits de 25 points de base sur les prochains mois.

Ce qui laisse anticiper plus encore des hausses de commissions à l’avenir, c’est que certains professionnels estiment que les augmentations appliquées répondent à une nécessité de facturer les services bancaires au juste prix. L’idée défendue est que pendant longtemps les établissements ont volontairement minimisé les tarifs de leurs prestations en compensant le manque à gagner par les revenus d’intérêt. On semble s’engager à présent durablement sur le chemin inverse. Cependant, en l’état actuel des choses, la marge d’intérêt reste loin derrière les revenus d’intérêt en volume. Les commissions, établies à 6,3 milliards de DH en 2016, pesaient 14% du produit net bancaire du secteur au moment où les intérêts ont rapporté près de 30 milliards de DH (69% du PNB) l’année dernière.

Petites hausses, gros profit

Bien entendu, les établissements ne sont pas complètement libres d’appliquer toutes les hausses de commissions qu’ils souhaitent. Cela d’abord parce qu’ils opèrent sur un marché concurrentiel et que des augmentations excessives peuvent faire fuir la clientèle. C’est pour cela que «toute révision à la hausse est précédée d’un benchmark. Le plus souvent la revalorisation intervient pour s’aligner sur la concurrence», certifie un professionnel. Il faut aussi dire que les banques n’ont pas nécessairement besoin tout le temps de forcer la dose. «De petites augmentations sur des commissions concernant une grande partie de la clientèle induisent des retombées consistantes par un effet de masse», expliquent les opérateurs. La marge de manœuvre des établissements est aussi limitée par des contraintes réglementaires, à savoir que Bank Al- Maghrib fixe un plancher et un plafond pour les tarifs des principales commissions pour les particuliers, comme pour les entreprises. Du reste, il faut garder à l’esprit que les augmentations frontales au niveau des grilles tarifaires sont loin d’être le seul levier dont disposent les banques pour augmenter leurs marges sur commissions. Elles peuvent également parvenir à leurs fins entre autres en élargissant la base de clients, en développant le taux d’équipement de la clientèle… Les nombreux efforts déployés par le secteur pour faciliter à l’extrême les process de commercialisation des produits au moyen des canaux digitaux notamment, ou encore l’intérêt grandissant manifesté pour la clientèle des TPE, s’inscrivent dans cet ordre d’idée.