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Commerce de gros : l’atonie se prolonge !

En 2016, les ventes ont baissé de 10% dans le non-food et 5% dans le food. Les ménages ont sérieusement revu l’ordre des priorités de leurs dépenses. Les opérateurs préfèrent sécuriser leur chiffre d’affaires.

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Commerce de gros

Encéphalogramme plat pour le commerce de gros sur les quatre premiers mois de 2017 ! Prolongeant la situation observée en 2016 où le secteur a vu ses ventes baisser de 10% dans le non-food et 5% dans le food, «l’activité reste marquée par une atonie générale», rapporte Moncef Belkhayat, président de l’Association des distributeurs de produits de grande consommation Tijara 2020 qui regroupe les gros opérateurs du marché. «Que ce soit dans les produits alimentaires ou non-alimentaires, nous avons passé quatre mois plats», ajoute-t-il en précisant que les ventes du gros ont stagné à 20 milliards de DH à fin avril.

Comme lui, d’autres gros distributeurs de produits de grande consommation, des grossistes, des semi-grossistes, confortés par l’enquête du HCP sur le commerce de gros de mars 2017, confirment que le marché est en berne, bien loin de son dynamisme d’il y a quelques années. Brahim Belhoucine, DG de Nestradis, importateur de Nestlé et un des gros distributeurs, confirme la stagnation d’un point de vue général. Néanmoins, il nuance en notant qu’il existe des opérateurs qui ont enregistré des baisses notables de leur chiffre d’affaires en ce début d’année. «Le non-food est plus touché que le food. Ce segment passe toujours par des trous d’air en cette période de pré-Ramadan», explique le DG de Nestradis qui fait plus de 80% de son chiffre avec les grossistes et semi-grossistes. Un opérateur ajoute que le tassement des affaires se poursuit même en ce mois de mai, sachant que «cette période doit connaître en principe un dynamisme particulier précédant le Ramadan, notamment chez les vendeurs de l’alimentaire», précise-t-il.

Un autre distributeur de produits d’entretien estime, lui, que son activité a chuté de 20% au minimum. «La baisse de la rotation chez nos clients grossistes est visible. Clairement, les volumes actuels que nous faisons avec eux ne sont pas ceux des années passées», note-t-il.

L’enquête du HCP réalisée en mars relève que 58% des grossistes affichent une stagnation de leur activité sur le premier trimestre, et 12% annoncent une baisse. Confortant les propos des distributeurs, les segments qui résistent selon le HCP sont «le commerce de gros des produits alimentaires et de boissons», «le commerce de gros de biens domestiques», et «autres commerces de gros spécialisés». De plus, 74% des grossistes ont estimé que les commandes à passer sont d’un niveau normal.

Les gros distributeurs s’adaptent

Sur le terrain, les grossistes et semi-grossistes de Derb Omar rapportent une baisse d’activité depuis bientôt 3 ans. Pas de changement dans la configuration, le petit équipement de la maison, l’ameublement et l’électroménager sont plus touchés. Les produits alimentaires et les consommables de maison résistent tant bien que mal ! Chez ces grossistes, on cite trois principaux maux: pouvoir d’achat en berne, hausse des prix et manque de liquidités sur le marché.

Selon M. Belhoucine, les ménages ont sérieusement revu l’ordre des priorités de leurs postes de dépenses. Ils se détournent aujourd’hui de l’accessoire. Ceci a été senti par les multinationales qui proposent de plus en plus les formules sachets à un dirham et 50 centimes, le thé à 100 g, l’huile en 1/2 litre…, pour une clientèle qui fait ses achats au jour le jour. Il ajoute que la hausse des prix de vente, qui fait suite au renchérissement des matières premières et des coûts logistiques des multinationales, a également donné un coup de frein aux affaires. «Nous avons relevé des hausses de prix sur pas mal de produits», fait savoir M. Belkhayat, PDG de Dislog. Pourtant, selon le HCP, la tendance observée au niveau des prix de vente aurait affiché, selon 85% des grossistes, une stabilité au niveau de toutes les activité du commerce de gros. Selon M. Belkhayat, la dévaluation des monnaies de l’Egypte et du Nigeria a touché les prix pratiqués pour toute la région et le Maroc par conséquent.

En plus de ces facteurs, les grossistes du circuit traditionnel continuent de perdre du terrain face au circuit moderne. A fin avril, les GMS (grandes et moyennes surfaces) sont montées à 22% du commerce contre 78% pour le circuit traditionnel (ravitaillé par les grossistes et les semi-grossites). Sentant ce revirement, les gros distributeurs s’adaptent. «Nous essayons de plus en plus de rattraper la baisse chez les grossistes avec le reste du circuit traditionnel en vendant directement au semi-grossiste et au détaillant», confie un distributeur, membre de la Chambre de commerce de Casablanca. C’est dire que de plus en plus de grands distributeurs ne passent plus par les intermédiaires. Ils approvisionnent directement les détaillants à travers une flotte de camions. En agissant de la sorte, ils répartissent également le risque sur un réseau de détaillants au lieu de dépendre d’un seul gros distributeur. Et en même temps, la visibilité de leurs produits est assurée chez les détaillants. De plus, ces derniers reçoivent un produit frais, non stocké pendant de longues durées chez les intermédiaires.

Les crédits de trésorerie pour le commerce et articles domestiques en léger recul

Quoi qu’il en soit, à en croire M. Belkhayat, la crise de liquidité est le principal obstacle qui empêche le marché de progresser. Pour lui, les difficultés que connaissent les grossistes poussent les opérateurs à plus de prudence quant à leurs engagements pris et le niveau du crédit fournisseurs accordé. Par conséquent, «la hausse du risque chez nos clients grossistes et semi-grossistes qui font face à de sérieux problèmes de trésorerie nous oblige à faire moins de chiffre», explique le DG de Dislog. Le distributeur membre de la Chambre de commerce confirme que les opérateurs du marché préfèrent aujourd’hui sécuriser un chiffre réduit et sain au lieu de faire des records de ventes avec des grossistes risqués.

Dans ce contexte, les banques serrent la vis et se montrent, elles aussi, plus prudentes. Ceci est d’autant plus visible en raison de la montée des impayés de plusieurs grossistes. Signe de cette prudence : les crédits de trésorerie à destination du «commerce et articles domestiques» ont marqué un léger recul de 2,5%, à 34 milliards de DH à fin mars.