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Affaires

Comment une affaire de chèques falsifiés a soulevé le débat sur la sécurisation de ce moyen de paiement

En décembre dernier, la police judiciaire a démantelé une bande de faussaires qui interceptaient des chèques adressés par voie postale et les falsifiaient
Hormis une circulaire relative à  la normalisation des chèques, il n’existe aucune réglementation fixant les règles de sécurité pour ce moyen de paiement.

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C’est une polémique discrète qui agite le secteur bancaire. Il s’agit de la sécurité des 28 millions de chèques bancaires qui s’échangent chaque année au Maroc. Et c’est un simple fait divers qui se trouve à l’origine de ce débat. En effet, en décembre dernier, les limiers de la police judiciaire ont démantelé une bande de faussaires qui falsifient des chèques bancaires pour les encaisser auprès des agences concernées. Le mode opératoire est simple : avec le concours d’un complice au niveau de Poste Maroc, les faussaires interceptaient des chèques adressés par des particuliers par voie postale à des organismes tels que les opérateurs télécoms ou les assurances pour régler leurs factures. Une fois les chèques en leur possession, ils se servaient d’un produit spécial pour effacer les cases correspondant au montant et au bénéficiaire et les remplaçaient par le montant qui leur convient et le nom d’une personne à laquelle ils ont volé et falsifié la carte d’identité nationale. Une fois ce travail terminé, les faussaires n’avaient qu’à se présenter à l’agence bancaire émettrice du chèque pour l’encaisser. L’enquête est en cours et aucune information ne filtre ni sur les montants détournés ni sur le nombre des victimes. «Il faudra attendre que toutes les victimes fassent des réclamations pour qu’on  connaisse exactement leur nombre. Pour l’heure nous n’avons enregistré qu’une dizaine de réclamations issue de clients de différentes banques», confie une source judiciaire à Rabat. Selon cette dernière, «certaines banques sont plus concernées que d’autres du fait que leurs chèques se prêtent davantage à l’opération de blanchissage de l’écriture sans perdre les motifs qui y sont originellement inscrits» .
Ce fait divers laisse perplexe et les questions se multiplient : est-ce que les chèques sont bien sécurisés ? Qui est responsable de la sécurisation des moyens de paiement ? Du côté des banques, la réponse est simple : c’est Bank Al Mahgrib (BAM), l’autorité de tutelle, qui veille au bon fonctionnement et à la sécurité des moyens de paiement. Pour illustrer leurs propos, les banquiers interrogés par nos soins citent l’article 9 des statuts de BAM suivant lequel «Bank Al-Maghrib doit prendre toutes les mesures visant à faciliter le transfert des fonds et veiller au bon  fonctionnement et à la sécurité des systèmes et moyens de paiement et s’assurer de la pertinence des normes qui leur sont applicables».

884 milliards de DH de transactions par chèque en 2008

Du côté de BAM, en revanche, le problème se pose autrement, car pour pouvoir veiller à la sécurité des moyens de paiement dont les chèques, il faut d’abord fixer des règles de sécurité applicables à tous les chèques de la place. Or, hormis une circulaire adressée aux banques en 2006, concernant la normalisation des chèques, qui en fixe la taille et les dimensions, «il n’existe aucune réglementation écrite fixant les règles de sécurité applicables aux chèques», fait savoir un banquier très au fait de cet épineux sujet. «La sécurité des chèques figurait à l’ordre du jour de deux réunions entre le GPBM et BAM et l’autorité de tutelle s’est clairement déclarée en faveur d’une réglementation qui devait commencer par un contrôle des spécimens déjà existant sur le marché. Mais les banques n’ont, à ce jour, pas donné le feu vert pour le contrôle», poursuit la même source.  
Quoi qu’il en soit, le débat est actuellement ouvert et tout porte à croire que BAM et le GPBM s’activeront pour trouver une solution à ce problème qui guette ce qu’on appelle dans le jargon bancaire la «monnaie scripturale». Rappelons que les opérations de chèques ont enregistré une hausse de 14,1% en 2008 pour atteindre un volume de 883,9 milliards de DH contre 774,7 milliards de DH en 2007. L’année 2008 (les statistiques de 2009 ne sont pas encore disponibles) a même enregistré le maintien de la prédominance des chèques dans l’ensemble des paiements scripturaux. Leur part en valeur s’est, en effet, élevée à 49,24% contre 38,95% pour les virements et 7,94% pour les lettres de change normalisées.