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Comment l’Office national du transport

Fermeté, responsabilisation et rigueur dans la gestion : les trois cartes de la direction pour redresser la barre.

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Quand, en août 2003, Mohamed Lahbib El Gueddari a été nommé, a sa grande surprise, dit-il, à la tête de l’Office national du transport (ONT), il a trouvé le feu à tous les étages. L’office, à qui la loi 16/99 libéralisant le transport venait d’attribuer une mission d’accompagnement du secteur, après l’avoir dépouillé de son monopole, était livré à une pagaille intégrale : détournement de fret par des responsables sans scrupules, trafic de feuilles de route qui servaient à payer du transport fictif de marchandises, des responsables régionaux qui géraient leurs bureaux comme des fonds de commerce personnels, et même quelques pistonnés qui faisaient la pluie et le beau temps. Cette situation était le fruit d’une connivence entre certains transporteurs et des employés de l’office dont des directeurs, situation qui durait depuis plusieurs années. De plus, l’office avait perdu, bien avant la promulgation de la loi citée, une bonne part de son marché puisque, dès 1997, une libéralisation rampante se mettait en place, permettant au parc de camionneurs de faire du démarchage direct.

Quelque 152 personnes, dont des cadres, ont quitté l’office
Que faire dans ce cas quand on débarque d’un office, en l’occurrence l’ONCF (Office national des chemins de fer), qui venait aussi d’opérer sa restructuration – à laquelle Lahbib El Gueddari a participé activement en tant que directeur financier ? «Il fallait d’abord éteindre le feu», dit cet homme qui, de toute évidence, n’aime pas beaucoup parler, et ce n’est pas une mince affaire quand on a été accueilli par les cris de «Gueddari va-t-en, l’ONT ne t’appartient pas». C’est que les syndicats avaient aussi creusé leur petit trou dans ce fief du laxisme et des passe-droits. Qu’à cela ne tienne ! Le nouveau DG, qui croit en la motivation des ressources humaines, a opté pour l’élimination des canards boiteux et l’implication du personnel compétent, et surtout intègre, qu’il lui a fallu, bien sûr, sortir des placards au même titre que beaucoup de dossiers. Un de ses collaborateurs témoigne : «Il faut reconnaître, qu’à part son assistante, il n’a ramené personne avec lui et a permis aux cadres de l’ONT de pouvoir s’exprimer enfin». Sa ligne de conduite, il la résume ainsi : «Avant d’imposer des règles de jeu aux autres, il faut se les imposer à soi-même, et ma règle c’est la rigueur et la responsabilisation de chacun à son niveau». Il tient à le préciser : «Je ne signe jamais de chèque personnellement». Cette tâche est laissée au directeur concerné. Et des directeurs, il en a viré quelques-uns, sans remous, parce ce qu’il a su, par ailleurs, convaincre le personnel que l’assainissement de l’organisme, il le ferait avec eux et non pas contre eux. Il a su aussi résister aux interventions qui venaient de toute part quand il a fallu déboulonner quelques grosses pointures bien soutenues. Au total, ce sont 152 employés qui ont quitté l’office.
L’office refuse de prendre en charge le volet formation du secteur
Pour le personnel restant, l’accent a été mis sur la titularisation des occasionnels, l’amélioration de leur situation matérielle, notamment par l’instauration d’un système de primes basé sur la productivité, le rachat de 10 années de retraite, l’externalisation de l’assurance maladie, etc.
Ensuite, il lui a fallu clarifier la situation avec les transporteurs eux-mêmes. Fini, donc, le temps où ils avaient recours à l’ONT quand il n’y avait pas de marché direct à assurer. Désormais, ils doivent soit travailler pour le compte de l’ONT, soit pour leur propre compte.
Pour comprendre une telle exigence, il faut savoir qu’avant la libéralisation du secteur, un tiers du fret routier était assuré par le parc des moins de 8 tonnes, un tiers par les entreprises pour leur propre compte et le reste par l’ONT. Durant la période de transition, l’ONT a perdu beaucoup de ses parts de marché au profit de certains transporteurs organisés, de l’ONCF, comme il a été mis hors de course dans une branche comme la messagerie par de nouveaux arrivants sur ce créneau (voir encadré).
Aujourd’hui, l’ONT contrôle tout juste 50 % du fret qui lui appartenait avant la libéralisation, soit 15 % du total. Et l’on voudrait qu’il joue un rôle dans la mise à niveau du secteur, notamment pour ce qui est de la formation, conformément aux dispositions de la loi 16/99. «Il n’en est pas question», réplique son DG. «Je ne vais quand même pas former mes concurrents, c’est illogique, surtout que l’ONT est devenue une entreprise comme les autres», précise-t-il. Une aberration de la loi !.