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Comment agir sur le déficit quand la croissance ralentit ?

Le FMI a revu à  la baisse son estimation de croissance pour 2014, se rapprochant de celle du HCP publiée en juin dernier. Malgré tout, le ministère des finances maintient sa prévision d’un déficit budgétaire à  4,9% du PIB. La marge de manÅ“uvre est pourtant ténue même si le poids des charges de compensation s’est allégé.

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croissance economique 2014 12 01

La Trésorerie générale du Royaume (TGR) vient de publier son bulletin statistique des finances publiques, au terme duquel le solde budgétaire, à fin octobre, est déficitaire de 43,9 milliards de DH. Il s’agit là, en réalité, d’un déficit comptable, car il représente le solde entre les encaissements (des recettes) et les décaissements (des dépenses). Le solde budgétaire, en revanche, s’intéresse aux droits constatés, indépendamment du fait que les fonds soient décaissés ou pas, encaissés ou pas. Moyennant quoi, on ne sait pas encore quel est le montant exact du déficit budgétaire à cette date. Peut-être serait-il plus élevé que les 43,9 milliards avancés, puisque, en matière de dépenses de compensation, par exemple, la TGR ne comptabilise que ce qu’elle a dépensé, alors que le retraitement qui est fait par la suite par le ministère des finances tient compte aussi des sommes dues aux distributeurs et non encore décaissées. Pour les statistiques du mois de septembre par exemple, les dépenses de compensation publiées par la TGR étaient de 24,87 milliards de DH. On découvrira dans les chiffres de la Direction du Trésor et des finances extérieures (DTFE), repris par Bank Al-Maghrib, que ces dépenses étaient en fait de 26,7 milliards de DH. Conséquence : le déficit budgétaire, à fin septembre, n’était pas de 34,7 milliards (TGR) mais de 38,6 milliards (Trésor). Tout ceci pour dire que les statistiques du ministère des finances, fournies par ses différentes directions, gagneraient peut-être à être harmonisées.
Cela étant précisé, la question qui se pose maintenant est de savoir si, au terme de l’exercice 2014, l’objectif du gouvernement de ramener le déficit budgétaire à 4,9% du PIB sera réalisé ou non. Cette interrogation trouve son fondement dans le fait que le niveau de croissance économique prévu a été revu à la baisse. Après 4,2%, le ministère des finances table désormais sur une hausse du PIB de 3,5%. Le Fonds monétaire international (FMI), lui, mise sur un taux de croissance de 3% en 2014, après avoir prédit 4% puis 3,5%. Du coup, l’on se rapproche progressivement de l’estimation du Haut Commissariat au Plan (HCP) publiée en juin dernier (2,5%) et confortant la prévision qu’il avait établie tout à fait au début de l’année (2,4%).

Peut-être est-ce là d’ailleurs la raison pour laquelle le FMI – dont une équipe a séjourné au Maroc du 5 au 17 novembre courant, au titre de l’articleIV– s’est bien gardé de donner une estimation chiffrée sur le niveau du déficit en 2014, se contentant de noter que «le déficit budgétaire se contracte depuis son pic de 2012, grâce en particulier aux mesures prises par le gouvernement». Ce qui est évidemment incontestable.

La croissance ne devrait pas dépasser 2,4% en 2014

En bonne logique, et sauf accroissement exceptionnel des recettes ou diminution drastique des dépenses, les variables qui sont adossées au PIB devraient changer lorsque celui-ci subit une variation (à la hausse ou à la baisse). En l’occurrence, alors que l’on admet que l’augmentation du PIB sera moindre que ce qui a été prévu, le déficit budgétaire, lui, est maintenu à son niveau initial. Dans le projet du Budget citoyen 2015 qu’il a publié il y a quelques jours (le 20 novembre), le ministère des finances maintient en effet pour 2014 sa prévision de déficit à 4,9% du PIB, soit en valeur 46,56 milliards de DH.

Or, pour que ce niveau de déficit se réalise, il faudrait une croissance supérieure à 5% et même à 6% et un déflateur du PIB de l’ordre de 2%.
Quelle est la situation à deux mois de clôture de l’exercice? Après l’exceptionnel rendement de la campagne précédente (97 millions de quintaux de céréales), la production agricole cette année a diminué, tirant vers le bas le niveau global de la croissance économique ; sachant que l’agriculture pèse quelque 14% à 15% du PIB. Les activités hors agriculture, elles, bien qu’en amélioration par rapport à 2013, pâtissent des difficultés qui affectent pratiquement l’ensemble des économies de la zone euro.

D’après les chiffres des comptes nationaux publiés par le HCP au titre des premier et des deuxième trimestres, le PIB a crû respectivement de 1,7% et 2,3%. Cela fait une croissance de 2% sur la première moitié de l’année. Pour les troisième et quatrième trimestres, le HCP, dans son point de conjoncture publié au mois d’octobre, estime à 2,6% et à 2,8% respectivement la progression du PIB. Moyennant ces évolutions, la croissance pour l’ensemble de l’année 2013 s’établirait à 2,4%.

Il se trouve que cette croissance en termes réels, assez maigrichonne il faut le dire, ne sera pas…gonflée en quelque sorte par l’inflation. Celle-ci, mesurée par l’indice des prix à la consommation, est, à ce jour, exceptionnellement faible: +0,3% sur les dix premiers mois de l’année. Certes, pour le calcul du PIB courant, on tient compte non pas de la variation des prix à la consommation, mais d’un indicateur plus large, qui mesure les prix de tous les biens et services produits: c’est ce que les comptables nationaux appellent “le prix implicite du PIB”. Malgré tout, cela ne changerait pas grand-chose : selon l’estimation du HCP, le prix implicite du PIB en 2014 serait de 1,1%. Ce faisant, la croissance nominale ne devrait pas dépasser 3,5% en 2014. Sur cette base, et en considérant comme acquis que le déficit en valeur sera de 46,56 milliards de DH comme les Finances le prévoient, en pourcentage du PIB, ce déficit budgétaire sera de 5,15% et non pas de 4,9%. Et si, comme le recommande le FMI, les recettes non récurrentes, comme celles provenant des privatisations (2 milliards cette année) sont neutralisées, mises de côté, le déficit budgétaire sera alors de 5,4%. Bien évidemment, ce ne serait pas un drame de réaliser un déficit de 5,2% ou de 5,4% du PIB. Ce serait même une performance si l’on se rappelait qu’en 2012, le solde budgétaire était négatif de 7% du PIB, avant d’être ramené, brusquement, à 5,5% en 2013. Et s’il fallait encore le comprimer à moins de 5% cette année, peut-être faudrait-il alors parler d’un atterrissage forcé qui, comme tel, n’est pas toujours sans conséquences sur l’activité. Car, on le sait, en règle générale ce sont les dépenses d’investissement qui servent de variable d’ajustement lorsqu’il est question d’agir impérativement sur le niveau du déficit budgétaire. Le propos ne vise pas spécifiquement le Maroc, même si en 2013 le gouvernement, pour des raisons qu’il a longuement expliquées, avait procédé à une coupe de 15 milliards de DH dans les dépenses d’investissement. Ce n’est pas le cas cette année, et ce ne sera probablement pas le cas pour ce qui reste de l’exercice. C’est la raison pour laquelle l’action sur le solde budgétaire, via la dépense (en dehors de ce qui est fait dans le cadre de la réforme de la compensation), ne paraît pas envisageable. Quant aux recettes, elles accusent à peine un léger frémissement, plombées par la stagnation des impôts indirects et la forte baisse des recettes non fiscales (voir encadré) n S.A.