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Combien coûte un enfant de 0 à  18 ans

Le budget annuel par enfant tourne autour des 50 000 DH pour les trois premières années, pour s’établir à  une moyenne de 80 000 DH pour les années du primaire. Au collège et au lycée les dépenses annuelles par enfant dépassent les 100 000 DH. L’enseignement représente plus de 60% des charges, loin devant les activités parascolaires, les loisirs, l’habillement et la santé. Un enfant consomme le quart des revenus d’un ménage moyen.

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cout enfant 2015 02 09

Tous les parents s’en rendent compte: les coûts de l’éducation et de l’entretien des enfants sont de plus en plus élevés. Et ce n’est pas seulement du fait de l’augmentation naturelle des prix. En effet, les nouvelles générations des parents envisagent l’éducation et la scolarisation comme une forme d’investissement qu’ils espèrent payant pour l’avenir pour leurs enfants. «À partir de là, les familles n’hésitent pas à mettre en œuvre toute une palette de stratégies pour les aider à avoir le meilleur parcours scolaire», explique Mohssine Benzakour, sociologue. Cependant, l’investissement parental, notamment en matière d’enseignement, ne vise pas forcément la réussite scolaire. En effet, «placer son enfant dans une école privée marocaine réputée ou dans une mission est avant tout un moyen de paraître», ajoute le sociologue. Selon lui, ce constat est également valable pour les loisirs, l’habillement… Résultat, selon une enquête réalisée par La Vie éco, les ménages de la classe moyenne, dont le revenu varie de 20000 à 60 000 DH, dépensent entre 20% et 50% de leurs ressources financières pour subvenir aux besoins de leurs enfants. En clair, l’effort des parents commence avant la naissance. «Avant l’accouchement, les familles consacrent un budget conséquent à l’équipement du bébé. Cet investissement est encore important quand il s’agit du premier enfant. Il est estimé en moyenne à 20 000 DH», confirme une responsable de magasin d’équipement pour bébés. Le kit de naissance comprend la chambre et ses accessoires qui démarre à 8000 DH, la poussette et son maxi cosy dont le prix varie de 3 000 DH à 12 000DH pour une marque de renom, la table à manger, la transat, les outils d’éveil, les biberons…
L’entretien quotidien n’est pas de tout repos. De la naissance jusqu’à l’âge de trois ans, les parents dégagent au minimum un budget annuel de 50000 DH, ou un peu plus de 4 000 DH par mois. Ce montant est réparti entre cinq postes principaux. Le premier concerne l’alimentation qui coûte au minimum 300 DH par mois. Un enfant consomme, selon son mode d’alimentation et son âge, entre 3 et 5 paquets de lait en poudre dont le prix de vente public atteint 65 DH/le paquet. A partir de l’âge d’un an, le bébé boit en moyenne un litre de lait normal et cela, sans oublier les céréales, les yaourts et autres.

Côté hygiène, on estime qu’un bébé utilise jusqu’à 6000 couches durant le premier âge. Par conséquent, pour se permettre des couches jetables de bonne qualité dont les prix varient de 110 à 160 DH le paquet, les parents réservent à ce besoin un budget moyen mensuel de 500 DH. Les dépenses de santé ne sont pas en reste. Dans cette tranche d’âge, elles sont estimées à une moyenne de 700 DH le mois. Selon les témoignages recueillis, le tarif de la visite chez les pédiatres est fixé à 250 DH. Si l’on ajoute le prix des vaccins et des médicaments, on se retrouve avec cette moyenne. Côté habillement, un couple de la classe moyenne dépense au minimum 2 000 DH par semestre pour garnir la garde robe de leur enfant. Vient ensuite le coût de la garderie qui représente plus de 60% du budget mensuel.

Les crèches sont hors de prix

Le travail des mères, l’indisponibilité des grands-parents ainsi que la rareté et la cherté des nurses font le bonheur des crèches. De plus en plus de jeunes couples y ont recours pour pouvoir vaquer à leurs activités professionnelles ou tout simplement par souci de voir leur progéniture acquérir quelques connaissances de base avant l’entame du cycle primaire. Cette forte demande fait que le coût des crèches augmente régulièrement. Selon les données collectées, les frais d’inscription annuels varient de 4000 DH à 6 000 DH. Le tarif mensuel quant à lui peut aller jusqu’à 2 500 DH. Et «lors des vacances scolaires, le coût de la garderie dans ces mêmes établissements frôle les 1000DH la semaine payé comptant et à l’avance», déclare Kenza, maman d’un enfant de 18 mois. Pour obliger les parents à accepter leurs conditions financières, outre les arguments de qualité de service, «les crèches utilisent la carte de la liste d’attente, et du nombre de places limité. A ce stade, les parents espèrent seulement que leur enfant soit admis et laissent de côté les considérations financières», commente un professionnel du secteur. Ce constat est également valable pour les écoles primaires qui imposent à des enfants de 3 ans de passer un test d’entrée.

Le parascolaire dope le CA des écoles et épuise les parents

Une fois à l’école maternelle et primaire, les charges montent en flèche. Entre 3 et 11 ans, un couple débourse au minimum 80 000 DH par an, soit près de 6 700 DH par mois. Près de 70% de ce budget est réservé à l’enseignement. Dans les détails, les frais d’inscription annuels dans une école primaire (réputée) tourne autour de 8 000 DH. Les parents qui ont fait le choix d’inscrire leur enfant dans une mission française paient un droit d’entrée de 25 000 DH. Il est à noter que cette somme est valable pour toute la période de scolarité. Soit du primaire jusqu’au lycée. Reste que la quasi-majorité des écoles privées marocaines ne fournit pas aux parents la liste des fournitures. «Ils nous imposent de verser un forfait et se chargent eux-mêmes de l’achat des livres, cahiers et stylos… sous prétexte d’uniformiser les fournitures des élèves», déclare un parent. Cependant, cette uniformisation coûte en moyenne 5 000 DH par an. Quant aux frais de scolarité, ils reviennent en moyenne à 3 000 DH par mois sur 10 mois, soit de septembre à juin.
Sur un autre registre, les horaires de travail de certains couples, les empêchent de récupérer leur enfant entre midi et deux. Dans ce sens, ils se trouvent obligés de payer les frais mensuels de la cantine de l’école. «Le prix de cette prestation est estimé en moyenne à 1 200 DH le mois, repas compris, et à 500 DH, sans repas», confirme un responsable dans une école primaire. Pour gonfler leur chiffre d’affaires, les écoles, à l’unanimité, organisent au moins une fois par an un voyage au Maroc pour une durée de 4 à 5 jours, facturé de 2 200 à 2500 DH. A cela s’ajoute une activité par mois contre 500 DH de frais de participation. «Il peut s’agir de la visite d’une ville proche telle que Oualidia ou d’une sortie au Zoo de Rabat…», explique le professionnel. Outre le prix de la prestation versée à l’école, ce type d’activités engendre des frais supplémentaires, notamment ceux relatifs à l’habillement. «Les enfants refusent de porter la même tenue à chaque sortie et insistent pour qu’elle soit adéquate avec le thème retenu. Du coup, il faut compter toujours une somme supplémentaire de 800 à 1 000 DH», déclare un parent d’élève. Il est à noter qu’à cet âge, le poste habillement engloutit, d’après les témoignages des parents, un montant minimum de 3000DH par semestre.
Les dépenses de loisirs pèsent également sur les finances des ménages. Actuellement, les parents sont conscients que les activités sportives et où artistiques sont indispensables dans la construction de la personnalité de l’enfant; ils contribuent même à sa réussite scolaire. «L’engouement des parents pour ces activités a donné lieu à la naissance de plusieurs centres sportifs dédiés aux enfants. Mais là encore, les prix restent élevés», déclare un coach dans un centre de loisir. Pour deux heures d’entraînement de football par semaine, un centre sportif bien connu a fixé un prix annuel de 10970 DH, hors prix d’équipements. Du côté du quartier Palmier, un centre pour enfants créé il y a trois ans propose une multitude d’activités (natation, mini-foot, basket-ball…). Pour deux heures d’activité par semaine sur 11 mois, il faut débourser 1 000 DH d’assurance et un forfait de 9000 DH.  

Le budget annuel dépasse les 100 000 DH  à l’adolescence

Les choses sérieuses commencent à l’âge de l’adolescence. En effet, pour les années du collège, les parents dépensent chaque année près de 100 000 DH par an, soit 8500 DH le mois. Les deux tiers de ce budget vont aux frais de scolarité. A ce stade, les parents paient près de 15000 DH pour les frais d’inscription et de fourniture. «Le PC portable est également considéré comme un outil d’étude à cette tranche d’âge», confirme un parent d’élève. De plus, chaque mois les parents versent à l’école 3200DH en moyenne et beaucoup plus au lycée.
A noter que pour la tranche des 11-18 ans, les frais de scolarité restent certes très importants, mais il y a surtout des charges annexes qui gonflent ce budget. Il s’agit principalement des cours particuliers. Bien qu’ils aient choisi ces établissements pour leur qualité d’enseignement, la majorité des parents sondés dans le cadre de cette enquête confirment que leur enfant suit des cours supplémentaires. Un budget mensuel de 2000 DH est réservé uniquement à ces cours. «Un étudiant au collège et ou au lycée consomme au minimum deux séances par mois en maths ou en physique pour un prix allant de 300 à 500DH/pour deux heures», explique un professionnel. Il est à rappeler que les honoraires pour les cours particuliers ont connu une augmentation sans précédent. Certains professeurs facturent jusqu’à 700 DH la séance. Selon Abderrahmane Lahlou, professionnel du secteur, cette flambée est due à la dernière décision du département du ministère de l’éducation nationale d’interdire formellement l’organisation par les instituteurs de cours de soutien payant au profit de leurs élèves. En plus de ces deux matières, la grande majorité des élèves s’inscrivent dans des centres pour enseignement de langues (anglais, espagnol).

Des charges annexes toujours élevées

Le calvaire des parents n’est pas près de finir. En effet, les établissements organisent au profit de leurs étudiants des voyages à l’étranger. Un séjour d’une semaine varie de 10 000 à 15 000 DH en fonction des écoles et des destinations. Aussi, pour que l’adolescent intègre une équipe de football ou de basket-ball et participe aux championnats des écoles à l’échelle nationale, les parents doivent payer un abonnement annuel qui va de 2 000 DH à 3500 DH en fonction des écoles. Ces frais de participation ne dépassent cependant pas 200 DH à la mission française.
Enfin, à cet âge l’apparence constitue un moyen de distinction pour l’élève. Pour cela, ils commencent de plus en plus à s’intéresser au monde de la mode, ce qui fait que le budget habillement et équipement grimpe jusqu’à 5 000 DH minimum par semestre. Il en est de même pour le poste santé dont le budget peut dépasser les 10000 DH par an. La raison est que les adolescents veulent tous une peau et une dentition parfaites. A ce niveau, il est important de noter que le coût des soins dentaires peut monter à 7 000 DH par an. Pour les soins du visage (les filles essentiellement), la visite du dermatologue revient à 250 DH. A cela s’ajoutent les séances de nettoyage pour un montant de 500 DH et les produits de traitement qui absorbent jusqu’à 3000 DH/an. Rappelons que le système de mutuelle au Maroc ne rembourse pas ce type de traitement.
En fin de compte, avoir un enfant demande un vrai investissement. Cependant, il faut le reconnaître, c’est le coût de l’enseignement qui pèse le plus : il représente au minimum 20% du revenu pour un seul enfant. Ce n’est pas donné à tous.