Affaires
Collectivités locales : 26,6 milliards de DH d’excédents cumulés à fin novembre 2012 !
Casablanca s’illustre par un excédent de plus de 3 milliards de DH, suivie de Rabat et la région d’Agadir. Sur des ressources de 53,6 milliards de DH, les investissements n’atteignent que 10,4 milliards.
Le paradoxe persiste. Le citoyen emprunte des voies détériorées, récupère ses documents administratifs dans des locaux sales et délaissés, utilise un parc de transport en commun vieux de plusieurs décennies et se trouve, dorénavant, habitué à voir les amas d’ordures jalonner son quartier. Pourtant, les collectivités locales continuent d’accumuler les excédents financiers. Selon les derniers chiffres de la TGR, dont La Vie éco a pu avoir l’exclusivité, le solde global des opérations financières des collectivités locales et leurs groupements, arrêté à fin novembre 2012, s’est établi à plus de 26,6 milliards de DH, en hausse de 3% par rapport à 2011 et de… 38% par rapport à l’excédent de 2009 qui culminait déjà à 19,3 milliards de DH de ressources oisives dans les caisses des collectivités.
A y voir de plus près, les budgets principaux de fonctionnement mis à la disposition des communes urbaines, rurales, provinces et préfectures ont atteint 22 milliards de DH à fin novembre 2012, dépassant ainsi l’objectif arrêté en début d’année. Ces ressources sont principalement constituées de TVA, taxes locales et taxes sur les services communaux. En plus de ce montant, les collectivités ont été aussi dotées de budgets annexes et de comptes spéciaux. Mieux encore, pour financer leurs investissements, elles pouvaient aussi puiser dans les excédents cumulés des exercices antérieurs qui se montent à 21,8 milliards de DH, en plus d’une rallonge du financement externe d’environ 4,8 milliards de DH.
Avec toute cette manne, les collectivités se sont limitées, comme c’était le cas lors des exercices passés, à financer principalement les charges de fonctionnement pour 16,6 milliards de DH, dominées à 54% par les salaires des élus et des agents, alors que l’effort d’investissement, dont les bienfaits touchent le quotidien du citoyen, s’est limité à 10,4 milliards de DH avec une baisse notable de la rubrique des travaux neufs et grosses réparations, témoignant d’une décélération remarquable par rapport à celui entrepris en 2011. De surcroît, le taux de réalisation des projets intégrés et des travaux neufs dépasse à peine 25%.
Au final, sur des disponibilités d’environ 53,6 milliards de DH, les collectivités n’ont dépensé que 27 milliards. Elles se sont même offert le luxe de faire appel au financement externe.
Elles manquent de compétences pour gérer leurs projets
Ce constat peut en surprendre plus d’un si l’on s’arrête au niveau des procédures de ces collectivités. En effet, à la différence des administrations et organismes centraux, la procédure pour engager une dépense dans les communes et provinces est de loin moins contraignante. Du fait de leur autonomie financière, elles disposent de ressources mobilisables avant le début d’année, et il leur suffit de programmer, selon le calendrier des rentrées prévisionnelles, les projets à financer pour que le Trésor débloque les fonds correspondants.
S’agissant des communes qui cumulent le plus d’excédent, leur configuration n’aura pas trop changé durant ces trois dernières années. Sur la base d’une répartition datant d’il y a deux ans, Casablanca pointe paradoxalement en peloton de tête. Alors qu’elle manifeste des besoins colossaux en termes d’infrastructures en tout genre, l’excédent s’élève à plus de 3 milliards de DH. «Scandaleux pour une ville aux contours urbains mouvants et dont la population ne cesse d’évoluer», dénonce un membre du conseil de la ville. Rabat-Salé emboîte le pas à la capitale économique. Son excédent flirte avec 2 milliards de DH, accentué essentiellement par des dépenses dérisoires des communes rurales de la région. Sur l’échelle des excédents figure, ensuite, Souss-Massa-Drâa et Meknès-Tafilalet dont les soldes flirtent avec des montants respectivement de l’ordre de 1,9 et 1,5 milliard de DH.
C’est dire que la perception, longtemps adoptée, de collectivités pauvres, en mal de financement, livrées à elles-mêmes ne tient plus. De l’avis des spécialistes des finances publiques, les collectivités locales ont dépassé les soucis liés au manque de ressources. Elles se trouvent depuis un certain temps confrontées à des problèmes majeurs au niveau du respect rigoureux des procédures, la capacité à gérer des projets structurants pour leur environnement et la maîtrise d’ouvrages surtout en termes de délais et de qualité des prestations.
Le salut viendra de la part de nouvelles compétences en planification qui tranchent avec les vieux réflexes et, surtout, d’une politique d’investissement volontariste mettant l’intérêt général au cœur de toute démarche.