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Collecte des déchets électroniques : l’informel prend de l’ampleur

Le vide juridique encourage l’anarchie. Seuls deux organismes structurés s’activent dans la collecte et le recyclage. Ils invitent le ministère de l’environnement à  prendre des initiatives pour réguler cette activité.

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dechets electroniques 2014 06 17

Voilà plusieurs années que le constat sur le traitement des déchets d’équipements électriques et électroniques (D3E) est désespérément le même. Du côté du privé comme du public, c’est toujours l’inertie totale, à l’exception de deux initiatives locales notables. Pire encore, l’inertie est en train de virer à la débâcle. «C’est le grand retour en arrière. Il n’y a aucune évolution notable du marché. C’est toujours la grande nébuleuse», résume Philippe Baudet, DG de Valdeme, société spécialisée dans la valorisation des déchets métalliques. Il faut dire qu’aucune mesure de réglementation ne vient contraindre les grands et petits utilisateurs et les constructeurs. La loi 28-00 relative à la gestion des déchets et à leur élimination, entrée en vigueur en 2006, ne fait même pas mention de ces déchets comme une entité à part, mais les inclut dans la catégorie «Déchets dangereux». Si un chapitre de la loi leur est effectivement consacré, aucun décret d’application n’est encore venu en conforter la mise en œuvre si ce n’est le décret de 2008 qui les classe officiellement comme «dangereux».

«Les grands producteurs de déchets électroniques que sont les opérateurs télécoms ou les banques lancent des appels d’offres pour la gestion de leurs D3E pour se donner bonne conscience. Mais, au final, ils ne se préoccupent pas de l’aspect environnemental de la chose et les donnent finalement à l’informel, car ça leur coûte moins cher», indique-t-on. Résultat, l’informel prend le dessus. «Nous avons constaté qu’il y avait de moins en moins de publication d’appels d’offres et donc moins d’opportunités pour nous. Notre activité est en baisse depuis 3-4 ans. Heureusement, certains fournisseurs comme IBM, LG et Philips maintiennent le même niveau de responsabilité environnementale et nous sont fidèles», confie M. Baudet.

L’électronique représenterait 7 à 10% des déchets industriels

Le constat est également amer du côté de l’association Al Jisr qui, depuis 2010, collecte gratuitement des D3E auprès d’une cinquantaine d’entreprises partenaires, offre aux écoles ceux qu’elle a pu remettre en état et confie le reste à Managem. En 3 ans, l’association a collecté 80000 produits, dont seulement 1600 ont pu être réparés dans l’atelier qui accueille 40 jeunes déscolarisés. «Le contexte n’est pas assez mature au Maroc pour demander aux entreprises de payer un tel service. L’absence de réglementation est la principale entrave au développement de la filière. Nous sommes opérationnels mais nous ne pouvons pas remplacer une structure économiquement rentable. Il faut que la réglementation suive», plaide Rokaya Elboudrari, directrice de développement au sein d’Al Jisr. Dans cette volonté de sensibiliser au maximum, Al Jisr a noué, en février dernier, un partenariat avec Inwi qui consiste à récupérer des téléphones portables usagés. Il est difficile de dresser un premier bilan mais parions que Derb Ghallef reste un concurrent sérieux. «Nous essayons de mobiliser le ministère de l’environnement sur cette question. Nous sommes en train de développer une stratégie de plaidoyer et nous espérons organiser un événement pour sensibiliser l’ensemble des Marocains», précise Mme Elboudrari.

Pour le DG de Valdeme, l’une des solutions à mettre en place pour favoriser la création d’une filière serait d’imposer, dans un premier temps, aux entités publiques de ne faire appel qu’à des sociétés structurées qui seraient préalablement agréées par les autorités. Si la quantité de production de déchets électroniques reste difficile à évaluer tant leur gestion est opaque (on parle de 7 à 10% environ des déchets industriels), il n’en demeure pas moins que l’enjeu est réel. Grosso modo, le gisement a été estimé à 1,5 million d’ordinateurs en cours d’utilisation en 2008. Sachant que la durée de vie d’un ordinateur dans une entreprise tourne autour de 5 ans, il est facile d’en conclure que les quantités à traiter sont importantes.