Affaires
Chèques : 642 000 rejets décidés par les banques en un an
Le taux de rejet des chèques est de 2.36%. L’insuffisance de provision est une des principales causes. Aucune interdiction judiciaire n’est prononcée, seule l’interdiction bancaire est appliquée.

Le chèque a perdu une grande partie de sa crédibilité en raison de la multiplication des cas d’impayés et les usages illégaux devenus la norme dans la pratique. L’autorité de régulation, depuis la fin des années 90, n’a pourtant pas lésiné sur les moyens pour mettre en place un système rigoureux de contrôle, en instaurant le Service central des incidents de paiement (SCIP), plateforme centrale libre d’accès pour toutes les banques de la place, sur laquelle figure en quelque sorte la liste noire de la clientèle qui ne peut bénéficier ni de prêt, ni de nouveaux chéquier avant la régularisation préalable des incidents détectés. Cette plateforme offre un historique depuis 1997, date d’entrée en vigueur du Code de commerce.
Au titre de 2011, le SCIP recense quelque 641 907 rejets de chèques, correspondant à un taux de rejet de 2,36%. Les rejets pour motif «défaut ou insuffisance de provision» occupent une place prépondérante avec 55,2% du total des rejets, suivis des rejets pour «endos irrégulier» qui représentent quant à eux 12,5% du global.
Dans la pratique, et en l’absence d’autorisation de découvert ou en cas d’insuffisance ou de défaut de provision, la banque dispose de la faculté de rejeter le paiement qui, lui, est présenté par le biais du fichier de la compensation. Chose qui se fait de plus en plus récemment, les réseaux des banques reçoivent des instructions fermes de ne plus concéder des découverts non autorisés par ces temps incertains. «Le rejet intervient généralement lorsqu’il s’agit d’un compte non mouvementé, qui ne porte pas d’enjeux pour l’agence de par son ancienneté et la qualité des relations avec son propriétaire, et plus systématiquement dans le cas d’un compte qui a déjà fait l’objet de chèques impayés antérieurement», ajoute un directeur d’agence à Casablanca. Il existe aussi des cas de rejet sur des valeurs dont les clients émetteurs ont mal évalué les dates de valeur des chèques remis censés être crédités sur le compte, et que l’agence bancaire refuse de prendre à l’escompte.
Chez la plupart des établissements bancaires, les remises de chèques faites par la clientèle n’apparaissent nulle part sur le compte concerné. Il appartient au chargé de clientèle de vérifier l’existence ou non de valeur en cours de comptabilisation sur un compte donné. Pour parer à tous ces cas de figure, l’émetteur du chèque doit être constamment au courant des mouvements impactant son compte, en installant une relation humaine avec son chargé de compte, qui se trouve dans l’obligation de l’aviser à la réception d’un chèque au paiement. «Il existe même des clients qui nous approchent avant d’émettre le chèque pour sonder notre aval ou notre refus, et avoir notre engagement, face au paiement d’un montant donné», confie un chargé de compte d’une banque française de la place.
La sanction du tribunal est limitée à 1%, 2% ou 5% du montant du chèque
En terme juridique, le défaut ou l’insuffisance de provision constitue un incident de paiement qui représente une infraction sévèrement réprimée, notamment par une interdiction bancaire de ne plus émettre de chèques pendant 10 ans, sauf régularisation, ainsi que par d’éventuelles sanctions pénales en cas de poursuites judiciaires. «Lesdites sanctions se limitent à une peine d’emprisonnement de 2 ou 3 mois au cas où le chèque fait l’objet de protêt. En pratique, l’emprisonnement est avec sursis, une fois le bénéficiaire du chèque payé», remarque Fadel Boucetta, avocat au barreau de Casablanca.
Et d’ajouter : «Légalement, une fois devant le procureur, l’émetteur du chèque en bois doit s’acquitter d’une amende qui ne peut être inférieure à la valeur du chèque. Cette mesure est rédhibitoire dans la mesure où on voit mal comment on peut demander à une personne qui s’est battu pour s’acquitter du montant du chèque dans 24heures de payer son équivalent au caissier du tribunal en guise d’amende». L’usage veut que la sanction se limite à 1%, 2% ou 5% du montant du chèque, selon le cas.
Aussi, il n’existe pas, dans la pratique, des cas d’interdiction judiciaire relative à l’émission de chèque en bois, seule l’interdiction bancaire existe, qui prend effet à compter de la déclaration de l’incident au SCIP.
Pour lever cette interdiction, l’émetteur doit procéder au règlement du chèque objet de l’incident, et ce, soit directement au bénéficiaire, en récupérant le chèque en question, soit par constitution d’une provision suffisante et disponible auprès de l’établissement bancaire tiré. Il doit également s’acquitter de l’amende fiscale auprès de l’une des perceptions de la Trésorerie générale du Royaume en étant muni de l’injonction de paiement, document fourni par sa banque, et du chèque récupéré. Les taux de l’amende fiscale sont de 5% du montant du chèque impayé lors de la première injonction, 10% à la deuxième injonction et 20% du montant du chèque impayé s’il s’agit de la troisième injonction ou des suivantes. A l’issue du paiement, il lui échoit d’adresser le quitus du règlement à son agence qui, elle, se charge de procéder à la déclaration de régularisation auprès du SCIP.
