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Cessation temporaire d’activité : un régime fiscal spécifique est instauré

Les entreprises peuvent déposer auprès de la Direction générale des impôts une déclaration de cessation temporaire d’activité. Elles bénéficient de l’exonération de paiement de la cotisation minimale et s’allègent des obligations de déclaration en matière de TVA. A fin mars, 140 000 entreprises, toujours en vie au sens de la loi, sur 400 000 en activité, n’avaient fait aucune déclaration auprès du fisc.

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Fraude fiscale

Parmi les multiples dispositions fiscales de la Loi de finances 2018, une fera certainement date vu l’étendue de la population qu’elle cible et sa portée structurante. Il s’agit de l’institution, pour la première fois, d’un régime fiscal propre à la mise en sommeil des entreprises. A compter du 1er janvier 2018, les entreprises peuvent déposer auprès de la DGI une déclaration de cessation temporaire d’activité. Cet état est à souscrire dans le mois qui suit la date de clôture du dernier exercice d’activité, pour une période de deux ans, renouvelable pour un seul exercice. Deux avantages majeurs en découlent: bénéficier de l’exonération de paiement de la cotisation minimale (article 144-I-C-3°) et s’alléger des obligations de déclaration en matière de TVA grâce à la possibilité de dépôt d’une seule déclaration annuelle de cet impôt avant la fin du mois de janvier de chaque année (article 150-bis). Jusqu’ici, à l’exception de la déclaration de chômage pour la taxe professionnelle, il n’y avait aucune disposition fiscale spécifique pour traiter les arrêts temporaires d’activité.

Le commerce, les services, le BTP et les sociétés immobilières sont les plus concernés

D’après des documents de l’Exécutif, le but du régime est de lutter contre le défaut de déclaration et de paiement des différents impôts et taxes, et alléger la pression fiscale sur les entreprises en difficulté, qui se trouvent souvent obligées de se mettre en veilleuse à défaut de la liquidation. Clairement, le fisc veut mettre de l’ordre dans les mises en sommeil devenues banalisées dans le milieu des affaires. Le nouveau cadre législatif donnera l’occasion à un large pan du tissu économique, en porte-à-faux avec la loi, d’opérer en toute légalité.

En effet, à fin mars 2017, environ 140 000 entreprises, toujours en vie au sens de la loi, sur un total de 400 000 sociétés en activité, n’avaient fait aucune déclaration auprès de l’Administration fiscale et n’ont enregistré aucun évènement juridique sur les cinq dernières années. En 2016, seules 260 000 sociétés avaient effectué leur déclaration d’IS, selon la DGI.

En limitant la période de non-déclaration à 3 ans, les chiffres arrêtés au 12 décembre et communiqués par Inforisk à La Vie éco font état de 91 685 entités en veilleuse, soit 18% du total des entreprises actives sur la base de données du spécialiste du renseignement commercial. En 2016, on en était à 89888 (19%) contre 89 883 en 2015 (20%) et 90 715 en 2014 (22%). Le commerce, les services, le BTP et les sociétés immobilières sont les secteurs les plus touchés par ce phénomène.

Sur la population d’entreprises qui ne déclarent pas, il existe des entreprises en réelle difficulté qui préfèrent se mettre en sommeil en attendant une conjoncture plus clémente. A en croire des sources à la DGI, ce sont, en premier lieu, ces entités qui sont visées par le régime et qui y vont trouver leurs comptes. «En perdant de l’argent, elles ne peuvent plus continuer à payer l’impôt, ce qui fait qu’une partie disparaît (expliquant la mortalité en nette hausse sur les dernières années) et l’autre ne déclare plus», explique-t-on.

Les experts comptables ajoutent en substance que le législateur a dû tenir compte d’un contexte difficile des affaires, en témoignent les statistiques de mortalité des entreprises qui ont atteint des niveaux sans précédent.

L’objectif est de soulager les entreprises ayant de sérieuses difficultés afin de ne pas faire de la fiscalité une source de pression supplémentaire sur les opérateurs en difficulté. Selon un expert, l’exonération du paiement de la cotisation minimale est un avantage de taille, sachant qu’à compter de 2015 le droit à son imputation a été supprimé. Le contribuable ne peut plus aspirer à la récupération quand il redevient bénéficiaire. La cotisation étant devenue définitivement acquise au Trésor.

Un manque à gagner de 200 MDH pour le Trésor

A part les entreprises en difficulté, il existe des entreprises ayant réalisé quelques opérations commerciales et qui, par la suite, n’ont plus trouvé de raison d’exister. Etant donné que la procédure de dissolution est longue et plus complexe que celle de la création, les dirigeants de ces entités préfèrent disparaître des radars du fisc.

Le nouveau cadre présentera une sorte de «répit fiscal» de deux ans renouvelables pour ces opérateurs qui ne déclarent plus mais qui veulent rebondir par la suite ; la neutralité fiscale aidera dans ce sens. Chose qui n’était pas possible auparavant. «Ces opérateurs qui choisissaient la voie de la facilité, quitte à se mettre en porte à faux avec la loi, n’auront en principe plus de raison à ça», relèvent les experts.

A la DGI, on avance que le deuxième apport qui a sous-tendu la mise en place du régime est l’assainissement du marché. L’institution du régime va permettre de régulariser une population qui était hors la loi. Bien que l’impact sur les recettes ne soit pas immédiat, sachant que les mises en sommeil créent pour l’Etat un manque à gagner estimé à plus de 200 MDH.

Reste à savoir si les opérateurs vont oser recourir à la déclaration de cessation temporaire. Dans les couloirs, l’on confie que son dépôt entraînera systématiquement une procédure accélérée de contrôle fiscal. Nos sources estiment que de toutes les manières, l’étau se resserre de plus en plus sur les contribuables peu transparents. Les entreprises qui ne font pas leur déclaration fiscale auront de plus en plus de mal à se soustraire à leurs obligations vis-à-vis de l’Administration, eu égard à l’augmentation considérable des moyens techniques de la DGI, au recoupement d’informations en interne et entre les différents organismes publics, à la généralisation de la télé-déclaration et de l’ICE, ainsi que l’obligation de se doter de logiciels comptables connectés à un serveur central de la DGI.

Quoi qu’il en soit, le régime est très bien accueilli. «Pour consolider ses apports, il faudra s’atteler à faire aboutir la réforme de Livre V du code du commerce sur les difficultés d’entreprises qui, lui, apportera des solutions de fond», recommandent les spécialistes.