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Catastrophes naturelles : pourquoi l’Etat ne couvre pas ses infrastructures

L’Etat n’a pas encore décidé d’activer la mise en place du dispositif légal ouvrant la voie à  ce type de couverture. La France, l’Angleterre, les Etats-Unis et des pays du Moyen-Orient assurent leurs infrastructures. Seuls quelques établissements et entreprises publics couvrent les infrastructures qu’ils gèrent.

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Catastrophes naturelles 2014 12 19

Les récentes intempéries qui se sont abattues sur le Sud du pays ont remis à la surface les dispositifs de couverture contre les catastrophes naturelles. Mais si pour les personnes et les entreprises, un projet de loi (34-08) est dans le circuit depuis quelques années, qu’en est-il des infrastructures de l’Etat qui ont subi une dégradation majeure ou ont été carrément détruites ? Pour se prémunir contre ces risques majeurs, n’est-il pas plus opportun de souscrire une assurance qui indemnise les pouvoirs publics en vue de reconstruire les ouvrages sinistrés? Existe-t-il des couvertures des compagnies d’assurance qui répondent à ce besoin ? Sinon pour quelles raisons ? Et à quel coût les infrastructures d’un pays peuvent-elles être à l’abri des soubresauts de la nature ?

Déjà, il faut savoir que plusieurs pays, à l’instar de la France, de l’Angleterre et des Etats-Unis ainsi que des pays du Moyen-orient, assurent leurs infrastructures contre les risques de catastrophes naturelles à travers une police d’assurance connue sous le nom de Civil Engineering Completed Risks (CECR). D’après des responsables de compagnies d’assurance, cette police est conçue pour couvrir les structures achevées de génie civil contre toute perte et dommage physique imprévu et soudain causés notamment par la foudre, le tremblement de terre, les volcans, la tempête, les inondations, l’action des vagues ou de l’eau, les glissements de terrain, les avalanches et autres. «Ce type de couverture est souvent acheté pour les routes, les rails, les ponts, les jetées, et les barrages pour des durées de 100 à 150 ans», précise un expert. Au Maroc, ce marché n’existe pas encore, selon plusieurs assureurs et spécialistes. La raison est double. D’abord, l’Etat n’a pas encore décidé d’activer la mise en place du dispositif légal ouvrant la voie à ce type de couverture. Pour le moment, il préfère se limiter à la constitution d’un fonds public d’indemnisation contre les catastrophes naturelles, à caractère plutôt social, doté actuellement de 2,5 milliards de DH provenant des excédents du fonds de solidarité des assureurs, pour rembourser les parties sinistrées. «Le fait de souscrire une assurance risques catastrophiques relève de la souveraineté de l’Etat marocain. Une telle couverture ouvrira systématiquement un marché de réassurance», affirme un responsable d’une compagnie de la place. Deuxième raison : les assureurs ne développent pas des produits dédiés en raison de la technicité de l’offre et de l’ampleur des capitaux à couvrir.

400 zones à risque recensées dans le pays

De plus, un responsable technique d’une autre compagnie affirme que vu qu’il n’y a pas de séries statistiques et de cartographie des risques, les primes à payer se basent sur une tarification dite par exposition liée exclusivement aux garanties et aux capitaux couverts. De ce fait, elles vont être souvent rédhibitoire pour l’Etat souscripteur. Avis que notre interlocuteur partage en estimant que les prix de ces couvertures sont relativement élevés. Néanmoins, souligne-t-il, la garantie permet aux Etats de se mettre entièrement à l’abri.

«Depuis 2010, le Maroc connaît une aggravation de la fréquence des sinistres naturels, ce qui rend particulièrement conseillé aux pouvoirs publics de recourir à ces couvertures», explique de sa part Ainane Abboudi, responsable stratégie de souscription chez Zurich Assurances Maroc. Avec pas moins de 400 zones à risque recensées sur tout le territoire, la probabilité de survenance des catastrophes est visiblement élevée.

Les grandes infrastructures financées à crédit sont systématiquement assurées

En règle générale, lorsqu’il s’agit d’événements qui ne sont pas entièrement dévastateur (inondation, grêle, tempête ou affaissement de terrain…), les réassureurs indemnisent les infrastructures sinistrées à hauteur de 20 à 30% des capitaux garantis. Mais même en retenant des niveaux d’indemnisation aussi bas, les assureurs et réassureurs trinquent. A en juger par les montants payés rien que sur les six premiers mois de 2014. Selon le leader mondial de la réassurance Swiss Re, les assureurs ont déboursé environ 19 milliards de dollars au titre de l’indemnisation des catastrophes naturelles à la fois pour les Etats et pour les citoyens. La facture de 2013 était aussi très salée. Pas moins de 44 milliards de dollars avaient été déboursés.

L’Etat marocain, au niveau central, n’a pas encore opté pour ce type de couverture. Par contre, les entreprises publiques et les offices, notamment ceux qui gèrent de grandes infrastructures, contractent des assurances contre les catastrophes naturelles sur le marché international. C’est le cas notamment de Tanger Med special authority (TMSA) qui acquitte 8 MDH par an pour couvrir son port éponyme contre les risques naturels. Ce niveau de prime correspond au minimum possible vu que le choix d’un assureur passe par un appel d’offres privilégiant le moins-disant. «Le port de Tanger Med est aujourd’hui assuré à hauteur de 3 milliards de DH en cas de catastrophe naturelle», informe Réda Bahamou, directeur financier de TMSA.

Toutefois, d’autres infrastructures sont non assurables pour des considérations purement techniques, à l’instar des autoroutes. «A la différence d’un port, une autoroute n’est pas localisée dans un espace précis et s’étend sur des centaines de kilomètres», nuance une source chez Autouroutes du Maroc (ADM).
En dehors des ports et des autoroutes, les autres infrastructures, notamment lorsqu’elles sont financées à crédit par de grands bailleurs de fonds, sont automatiquement assurées contre les catastrophes naturelles auprès de réassureurs de premier ordre, vu que ces derniers exigent que les offices ou établissements concernés leur fassent des délégations d’assurance sur toute la période du crédit.