Carrière
Vous traînez une mauvaise image en entreprise, comment s’en défaire
Une image de soi négative peut être le résultat de critiques accumulées qu’un individu a subies. Difficile d’échapper au jugement des autres, mais on doit essayer de ne pas vivre dans le déni.

Peu coopératif, mauvais caractère, peu appliqué, balance, incompétent, difficile à vivre… Dans tout groupe social, l’homme est soumis au jugement de ses prochains. Pour la plupart du temps, ce sont les points négatifs qui sont davantage mis en évidence.
Personne n’y échappe, a fortiori dans l’entreprise où les intérêts personnels sont souvent privilégiés. Parce que, il faut bien le dire, l’altruisme s’efface dans un monde où les performances individuelles sont inscrites en tête de liste des priorités. Ainsi, il arrive, et ce n’est pas rare, qu’une image collée à une personne, soit le résultat d’une rivalité ou tout simplement d’une démarche malveillante : je n’aime pas un collègue, ou je crois qu’il veut prendre ma place, je le dénigre devant les autres qui, à long terme, vont s’approprier mes réflexions et les projeter sur la cible. Ce cas de figure est fréquent dans l’entreprise, et les jugements de l’accusateur ont toutes les chances d’être reprises, si ce dernier est influent au sein d’un groupe. Il arrive même qu’une personne finisse par s’identifier à ces jugements négatifs s’il arrive que tout le monde la mette à l’index. Les psychologues ont, à cet égard, démontré qu’une image négative de soi peut être le résultat de critiques accumulées qu’un individu a subies durant son enfance. Mais cela peut aussi arriver à tout moment de la vie. L’image de soi est définie comme «l’idée que chacun se fait de son identité physique, psychologique et sociale. Elle est liée à la perception que l’on a de son propre corps. Elle est aussi liée à l’estime de soi, la façon dont on se juge».
Mais, en général, dans tout groupe, quand on est jugé négativement, c’est parce qu’on ne correspond pas aux codes communs. Les habitudes vestimentaires, les manières, l’apparence physique, la façon de parler… Tous les aspects matériels et immatériels que l’on peut voir ou sentir chez une personne participent à la construction d’une image.
Les philosophes ont bien admis, et depuis longtemps, le caractère social de l’être humain. Aristote ne disait-il pas que «l’homme qui est dans l’incapacité d’être membre d’une communauté, ou qui n’en éprouve nullement le besoin parce qu’il se suffit à lui-même, ne fait en rien partie de la cité, et par conséquent est une brute ou un dieu». A sa suite, Jean-Jacques Rousseau considère que les autres ne sont pas seulement un milieu naturel pour l’individu, mais lui sont nécessaires pour accéder à la condition humaine. «Le sauvage vit en lui-même, l’homme sociable, toujours hors de lui, ne sait vivre que dans l’opinion des autres, et c’est, pour ainsi dire, de leur seul jugement qu’il tire le sentiment de sa propre existence», disait le penseur genevois francophone. «L’enfer, c’est les autres», de Jean Paul Sartre traduit toute la difficulté d’une personne à se dépêtrer du regard de ses vis-à-vis. Dès lors, l’homme travaille toujours, consciemment ou inconsciemment, à se construire une image qui lui permette de mener une existence sociale confortable. Le problème est que nous vivons en même temps et de manière discontinue dans plusieurs mondes.
L’appréciation des collègues n’est pas identique à celle des amis et cette dernière peut différer de celle des voisins. D’où la difficulté de se mouvoir dans ces différents espaces sans heurter la sensibilité des uns et des autres. C’est pourquoi en parlant de l’image, Hossein Berbou, consultant au cabinet LMS, fait remarquer que «l’individu n’est pas totalement dans la spontanéité, il intègre dans ses actes, attitudes et comportements, les éléments de l’environnement dans lequel il évolue pour produire l’image qu’il souhaite». En somme, pour plaire, on se conforte au regard de l’autre ou au sentiment qu’il porte en nous.
Prendre conscience des reproches justifiés
Peut-on sortir de ce (ou ces) carcan, précisément dans l’entreprise où nous passons le tiers de notre temps ? Tout dépend du caractère. Ceux qui sont sûrs d’eux-mêmes, qui assument leurs responsabilités et qui sont loyaux, peuvent s’imposer, se faire reconnaître par les collègues, même si les défauts sommeillent en tout être humain.
Mais quand tout le monde vous fuit, c’est bien qu’il y a une cause. Par conséquent, faire le dos rond, vivre dans le déni, peut entraîner à terme une cassure irréparable. Se poser des questions et discuter avec des proches constituent déjà un premier pas vers la fabrication d’une image plus consensuelle. Même démarche si les jugements relèvent d’un malentendu ou de comportements inappropriés mais dont on n’est pas conscient.
Quand les reproches sont avérés et, surtout, peuvent être justifiés (le pion du patron, l’opportuniste, le tire au flanc, etc.), l’intéressé n’a pas besoin qu’on l’alerte pour changer de comportement, à moins qu’il soit un pervers. Après tout, la vie en communauté comporte des exigences dont la première est le respect des règles de bienséance. C’est de l’attitude vis-à-vis de ces exigences que commencent les bons ou mauvais jugements.
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