Carrière
Une leçon de leadership à 688 mètres sous terre
L’effondrement d’une mine au Chili a été riche en enseignements sur le plan humain. Le leadership et la cohésion d’équipe ont été déterminants même dans une scène dramatique.

Le matin du 5 août 2010, le monde entier avait appris, effaré, l’effondrement d’une mine au Chili, engloutissant 33 mineurs. Les filets de l’actualité nous tenaient en haleine. Plus les jours passaient, plus l’espoir s’amenuisait. 17 jours après l’effondrement, une sonde avait remonté à la surface un message envoyé par les 33 mineurs. Ils étaient tous vivants ! Au volant de ma voiture, j’ai levé les bras en V de la victoire. 17 jours à 688 mètres sous terre. Comment ont-il pu faire ? Une multitude de questions m’avaient assaillie, que j’ai assouvies en systématisant une recherche sur Google. Au fur et à mesure de mes lectures, j’ai découvert que les “33”, comme j’aime les appeler, avaient vécu une extraordinaire expérience de cohésion d’équipe.
Une scène apocalyptique !
Ce lundi matin 5 août, les mineurs s’étaient engagés dans la mine avec le projet d’en sortir. Ils avaient fait cet itinéraire plusieurs fois. Confiants, le goût du café sur les lèvres et la plaisanterie légère. Et puis, patatras! Un grand bruit ! Un épais nuage de poussière! L’effondrement des mines, les “33” connaissent. Mais, on pense, toujours, que cela n’arrive qu’aux autres. A la surface, l’effondrement avait provoqué une effervescence sans pareil. Mais, dans les tréfonds de la mine un silence meurtrier étouffait les mineurs. Ce silence aurait pu les réjouir, dans d’autres circonstances. Mais, au fond de la mine, ce silence signifie qu’ils étaient très loin de la vie. Ils étaient à 688 mètres au fond de la terre. Seul Jules Vernes avait fait mieux dans son Voyage au centre de la terre ! Après le grand bruit et la poussière, nos “33” avaient fait le décompte. Ils étaient tous vivants! Sains et saufs ! Mais ils étaient dans une galerie qui ne menait nulle part.
C’est vrai : ils avaient dit aux leurs que la «mine pleure» (dans leur jargon: il y avait risque d’éboulement). C’est vrai qu’ils avaient demandé la mise en place d’un escalier. C’est vrai qu’ils avaient demandé à sortir 3 heures avant l’éboulement. Mais, on n’est, jamais, assez bien préparé, quand le malheur vient à frapper à notre porte. C’est fait, la mine de San José venait d’avaler “33” de ses mineurs.Ils avaient, tous, accepté d’aller, ce matin, à la mine parce qu’ils étaient dans le besoin. Les mineurs ne faisaient pas mystère de leurs problèmes financiers.
Un maelström émotionnel
En un laps de temps très court, les “33” étaient passés par trois émotions extrêmes. La peur après l’éboulement, la joie après les retrouvailles, la colère. La succession de ces émotions, de surcroît, dans un environnement hautement stressant, est, extrêmement, déstabilisante. Chacun avait réagi à ce cocktail d’émotions selon son “histoire”. Et il y en avait “33” histoires différentes au fond de la galerie. Ces histoires s’étaient entrechoquées, car antagonistes. Il y avait, certainement, celui qui, après le choc, avait besoin de comprendre ce qui venait d’arriver. Il y avait, aussi, celui qui s’était mis à crier haut et fort son refus de cette injustice. Celui qui pensait à un être cher, celui qui priait et l’autre qui pleurait.
Face à l’émotion dans un environnement normal, nous avons, chacun, un “protocole”. Appelons, ainsi, notre façon d’encaisser un choc et l’émotion qu’il génère en nous ainsi que notre façon d’interagir avec l’autre, sujet lui aussi, à la même émotion.
Dans un environnement hautement stressant nous gardons le même protocole, mais, il sera exacerbé par une attitude extrêmement négative. Celui, qui, d’ordinaire, ne parle pas après un choc, va s’enfermer dans un mutisme sidéral. Celui, qui, d’ordinaire, prie, va le faire plus fort et avec plus d’acharnement. Celui qui, d’ordinaire, pleure, va pleurer très fort et s’agripper aux autres. C’est le choc des protocoles. Et c’est le refus du protocole de l’autre qui provoque l’éclatement d’une équipe.
Je pense aussi que l’antagonisme des protocoles a été exacerbé par les différences d’âges des “33”. Le plus jeune avait 19 ans. Le doyen 63 ans.
Dans pareille situation, les personnes piégées sont assaillies par un flot de questions terrifiantes: «Est-ce que je vais mourir ici de faim, de soif ou d’étouffement». «Lorsque leur horizon s’est effondré, le côté oppressant de l’enfermement a dû s’emparer d’eux», commente Christian Navarre, psychiatre et auteur de «Psy des catastrophes : dix années auprès des victimes» (Éditions Imago, 2007). «Le confinement, en soi, n’est pas source de traumatisme, précise-t-il. Mais s’il dure et s’il s’avère qu’on ne peut en sortir, il devient, véritablement, anxiogène et génère des peurs archaïques redoutables, comme la souffrance de ne pouvoir s’échapper».
L’émergence du leader
Une équipe ne peut pas s’autoréguler, toute seule, pour absorber le choc qu’elle vient d’encaisser. Elle a besoin d’une énergie positive mobilisatrice qui a une certaine légitimité pour l’aider à absorber ce choc. C’est à ce moment qu’émerge le leader. Le vrai. Non pas le leader de fait, qui a eu le temps de construire une image et un aura. Mais, celui qui émerge, parce qu’il est, tout simplement, leader. Parce qu’il a la graine. C’est lui qui passe aux commandes pour canaliser les énergies perturbées par le choc vers un objectif fédérateur. Dit ainsi, cela semble facile. Dans les faits, ne peut être leader qui veut.
Que s’est-il passé à 688 m sous terre ? C’est le chef de quart, Luis Urzua, qui a pris les commandes de l’équipe sous terre. Cette prise de commande n’a rien à voir avec son statut de chef de quart, mais est la résultante de qualités intrinsèques de Don Lucho, comme aiment à l’appeler ses co-équipiers et que j’ai choisi de l’appeler, ainsi, dans cet article.
La fibre de leader d’Urzua, sa capacité à organiser les miraculés, leur imposer discipline et en même temps leur instiller du calme ont été soulignées par l’équipe de la NASA venue assister les secouristes chiliens.
Ce que doit faire un leader
Connaître son environnement. Le leader doit avoir une parfaite connaissance de l’environnement de son entreprise. Cette connaissance lui permet d’élaborer la stratégie la mieux adaptée à son entreprise. L’essentiel est de savoir se centrer sur ce qui est…. Essentiel, puisqu’«il n’y a rien de plus inutile que de faire avec efficacité quelque chose qui ne doit pas du tout être fait», déclare Peter Drucker.
Et Don Lucho ? Juste après l’éboulement, Don Lucho avait entrepris l’inspection des lieux. Les “33” avaient découvert qu’ils étaient prisonniers d’un espace de 50 m2 et d’une galerie en colimaçon d’1,5 km.
Partager une vision
Sans le leader, point de vision. On ne devient pas leader pour la gloire, on le devient parce qu’on se sent habité d’une mission; parce que l’on peut voir et, parfois, très loin. Fort de sa vision, le leader trace la voie pour l’atteindre pour cheminer vers le dessein de l’entreprise. En prononçant, en 1963, sa célèbre phrase «I have a Dream», Martin Luther King a créé les conditions de l’égalité des droits civiques, deux années plus tard.
Et Don Lucho ? Les articles ne parlent d’aucune vision de la part de Don Lucho. Mais, ils prouvent que Don Lucho avait bien rassuré ses co-équipiers qu’ils seraient secourus et qu’ils doivent s’organiser dans l’attente des secours.
Apprécier le potentiel de ses collaborateurs
Un leader doit avoir une bonne connaissance du potentiel de ses collaborateurs, ce qui lui permet de réussir la meilleure allocation des ressources.
Et Don Lucho ? Les articles analysés informent que Don Lucho avait affecté à certains co-équipiers des tâches précises. Mario Gomez, le doyen, était leur guide spirituel. Yonni Barrios était le médecin de l’équipe, ses compétences en médecine apprises dans des livres ont été d’un secours inestimable pour ses compagnons. C’est lui qui était chargé d’évaluer chaque jour l’état de santé de chacun. Daniel Herrera Campos était son aide-soignant. Víctor Segovia Rojas était le chroniqueur, il tenait un journal relatant les péripéties de l’équipe. Jorge Henriquez était le prêcheur, il animait les prières. Víctor Zamora Bugueño était le poète et Mario Sepulveda était le clown. La répartition des tâches de Don Lucho a été acceptée par tous et avait, largement, contribué à la mobilisation de l’équipe. Elle a apporté un semblant de normalité à 688 mètres sous terre.
Rendre l’environnement moins oppressif
Un leader ne s’arrête pas au discours. Il doit mettre en place une organisation et être le premier à la respecter.
Et Don Lucho ? Don Lucho avait mis en œuvre deux actions d’une grande importance.
Organiser l’alimentation
C’est une tâche, extrêmement, délicate, car chaque mineur avait, uniquement, sa ration alimentaire de la journée. Ils pensaient, tous, ressortir de la mine, comme ils avaient l’habitude de le faire après le quart. Les informations recueillies établissent que Don Lucho avait rationné l’alimentation à deux bouchées de thon en conserve et d’un demi vert de lait, tous les deux jours. Certes, c’était trop peu pour ces vaillants gaillards! Mais les “33” avaient accepté ce rationnement pour trois raisons:
– parce qu’il est, parfaitement, cohérent avec la vision: “Nous organiser en attendant les secours” ;
– parce qu’il les met en confiance ;
– parce qu’il fait sens pour eux.
Gérer l’espace
Dans l’expérience scientifique “Mars 500”, l’une des inconnues était liée à la promiscuité de six astronautes qui vivraient plus d’un an dans un espace réduit. Les astronautes sont “entraînés” à ce genre d’exercices, ce qui n’est pas le cas des mineurs.
Dans un autre registre moins reluisant pour l’espèce humaine, mais intéressant à observer : les émissions de télé-réalité. Durant ces émissions, des participants finissent par “péter un plomb” à cause, entre autres, de l’exiguïté et de la présence en permanence dans le même endroit.
Au fond de la mine, la galerie où ont été piégés les mineurs ne permettait aucune intimité. Elle était exiguë, chaude et humide. Topographe de formation, Don Lucho a procédé, dès le début, à dessiner et à organiser l’occupation de la galerie. Il l’a découpée en plusieurs “espaces”: espace pour manger, espace pour dormir et espace pour survivre.
Ainsi, apprivoisée, la galerie n’était pas une “tombe” ou une “prison”, mais un espace de vie. De fait, leur rapport avec cet espace avait évolué. Ils y ressentaient moins d’oppression. Il leur était moins hostile.
Communiquer pour rassurer
Pour que l’équipe fonctionne harmonieusement, le leader doit communiquer, régulièrement, sur sa vision et avec conviction, car «on ne croit qu’en ceux qui croient en eux», disait Talleyrand, homme d’Etat français du XVIIIe siècle. Ce qu’a fait Don Lucho: face à une équipe dont les protocoles s’entrechoquaient, Don Lucho a dû déployer une énorme énergie et faire montre d’un grand talent de communicateur, car il devait s’adresser à chacun et le rassurer sans heurter “son protocole”. Le premier défi de Don Lucho a été de calmer les esprits, qui s’étaient surchauffés, pour que l’équipe, qui partait en vrille à cause du choc, puisse regarder dans le même sens, celui que lui montre Don Lucho. «Nous allons nous organiser en attendant les secours».
Veiller au grain
Le leader doit mettre en place une organisation et veiller à son respect. Pour cela, le leader doit faire preuve d’autorité et d’exemplarité. Dans une équipe, l’autorité du leader est rassurante et même motivante. Dans un environnement difficile, de surcroît stressant, le besoin d’autorité est vital.
Et Don Lucho ? L’organisation et la rigueur imposées par Don Lucho avaient sauvé les «33» du chaos. A leur sortie, des mineurs avaient confié que, au début, les mineurs étaient stressés et agressifs.
L’exemplarité est l’autre grande qualité du leader. Don Lucho a été le dernier à quitter la mine. A sa sortie, l’ex-président chilien Sebastian Piñera l’avait, longuement, étreint et «félicité pour avoir rempli son devoir de capitaine, en sortant en dernier». «Vous êtes un exemple pour tous les Chiliens», avait-il déclaré.
Rien ne peut arrêter une équipe miraculeuse
Une équipe, par extenso une entreprise, peut être ballottée par les événements les plus improbables: perte de clients, arrivée de nouveaux concurrents, mise sur le marché de produits révolutionnaires…
Or, l’expérience des “33” nous renvoie un message très fort : un groupe d’hommes et de femmes peut surmonter les difficultés les plus extrêmes, s’il y a une vision incarnée par un leader. Aucune équipe n’est assez préparée pour faire face aux situations de turbulences qui peuvent survenir. Mais elles peuvent créer des miracles.
Une scène apocalyptique !
Ce lundi matin 5 août, les mineurs s’étaient engagés dans la mine avec le projet d’en sortir. Ils avaient fait cet itinéraire plusieurs fois. Confiants, le goût du café sur les lèvres et la plaisanterie légère. Et puis, patatras! Un grand bruit ! Un épais nuage de poussière! L’effondrement des mines, les “33” connaissent. Mais, on pense, toujours, que cela n’arrive qu’aux autres. A la surface, l’effondrement avait provoqué une effervescence sans pareil. Mais, dans les tréfonds de la mine un silence meurtrier étouffait les mineurs. Ce silence aurait pu les réjouir, dans d’autres circonstances. Mais, au fond de la mine, ce silence signifie qu’ils étaient très loin de la vie. Ils étaient à 688 mètres au fond de la terre. Seul Jules Vernes avait fait mieux dans son Voyage au centre de la terre ! Après le grand bruit et la poussière, nos “33” avaient fait le décompte. Ils étaient tous vivants! Sains et saufs ! Mais ils étaient dans une galerie qui ne menait nulle part.
C’est vrai : ils avaient dit aux leurs que la «mine pleure» (dans leur jargon: il y avait risque d’éboulement). C’est vrai qu’ils avaient demandé la mise en place d’un escalier. C’est vrai qu’ils avaient demandé à sortir 3 heures avant l’éboulement. Mais, on n’est, jamais, assez bien préparé, quand le malheur vient à frapper à notre porte. C’est fait, la mine de San José venait d’avaler “33” de ses mineurs.Ils avaient, tous, accepté d’aller, ce matin, à la mine parce qu’ils étaient dans le besoin. Les mineurs ne faisaient pas mystère de leurs problèmes financiers.
Un maelström émotionnel
En un laps de temps très court, les “33” étaient passés par trois émotions extrêmes. La peur après l’éboulement, la joie après les retrouvailles, la colère. La succession de ces émotions, de surcroît, dans un environnement hautement stressant, est, extrêmement, déstabilisante. Chacun avait réagi à ce cocktail d’émotions selon son “histoire”. Et il y en avait “33” histoires différentes au fond de la galerie. Ces histoires s’étaient entrechoquées, car antagonistes. Il y avait, certainement, celui qui, après le choc, avait besoin de comprendre ce qui venait d’arriver. Il y avait, aussi, celui qui s’était mis à crier haut et fort son refus de cette injustice. Celui qui pensait à un être cher, celui qui priait et l’autre qui pleurait.
Face à l’émotion dans un environnement normal, nous avons, chacun, un “protocole”. Appelons, ainsi, notre façon d’encaisser un choc et l’émotion qu’il génère en nous ainsi que notre façon d’interagir avec l’autre, sujet lui aussi, à la même émotion.
Dans un environnement hautement stressant nous gardons le même protocole, mais, il sera exacerbé par une attitude extrêmement négative. Celui, qui, d’ordinaire, ne parle pas après un choc, va s’enfermer dans un mutisme sidéral. Celui, qui, d’ordinaire, prie, va le faire plus fort et avec plus d’acharnement. Celui qui, d’ordinaire, pleure, va pleurer très fort et s’agripper aux autres. C’est le choc des protocoles. Et c’est le refus du protocole de l’autre qui provoque l’éclatement d’une équipe.
Je pense aussi que l’antagonisme des protocoles a été exacerbé par les différences d’âges des “33”. Le plus jeune avait 19 ans. Le doyen 63 ans.
Dans pareille situation, les personnes piégées sont assaillies par un flot de questions terrifiantes: «Est-ce que je vais mourir ici de faim, de soif ou d’étouffement». «Lorsque leur horizon s’est effondré, le côté oppressant de l’enfermement a dû s’emparer d’eux», commente Christian Navarre, psychiatre et auteur de «Psy des catastrophes : dix années auprès des victimes» (Éditions Imago, 2007). «Le confinement, en soi, n’est pas source de traumatisme, précise-t-il. Mais s’il dure et s’il s’avère qu’on ne peut en sortir, il devient, véritablement, anxiogène et génère des peurs archaïques redoutables, comme la souffrance de ne pouvoir s’échapper».
L’émergence du leader
Une équipe ne peut pas s’autoréguler, toute seule, pour absorber le choc qu’elle vient d’encaisser. Elle a besoin d’une énergie positive mobilisatrice qui a une certaine légitimité pour l’aider à absorber ce choc. C’est à ce moment qu’émerge le leader. Le vrai. Non pas le leader de fait, qui a eu le temps de construire une image et un aura. Mais, celui qui émerge, parce qu’il est, tout simplement, leader. Parce qu’il a la graine. C’est lui qui passe aux commandes pour canaliser les énergies perturbées par le choc vers un objectif fédérateur. Dit ainsi, cela semble facile. Dans les faits, ne peut être leader qui veut.
Que s’est-il passé à 688 m sous terre ? C’est le chef de quart, Luis Urzua, qui a pris les commandes de l’équipe sous terre. Cette prise de commande n’a rien à voir avec son statut de chef de quart, mais est la résultante de qualités intrinsèques de Don Lucho, comme aiment à l’appeler ses co-équipiers et que j’ai choisi de l’appeler, ainsi, dans cet article.
La fibre de leader d’Urzua, sa capacité à organiser les miraculés, leur imposer discipline et en même temps leur instiller du calme ont été soulignées par l’équipe de la NASA venue assister les secouristes chiliens.
Ce que doit faire un leader
Connaître son environnement. Le leader doit avoir une parfaite connaissance de l’environnement de son entreprise. Cette connaissance lui permet d’élaborer la stratégie la mieux adaptée à son entreprise. L’essentiel est de savoir se centrer sur ce qui est…. Essentiel, puisqu’«il n’y a rien de plus inutile que de faire avec efficacité quelque chose qui ne doit pas du tout être fait», déclare Peter Drucker.
Et Don Lucho ? Juste après l’éboulement, Don Lucho avait entrepris l’inspection des lieux. Les “33” avaient découvert qu’ils étaient prisonniers d’un espace de 50 m2 et d’une galerie en colimaçon d’1,5 km.
Partager une vision
Sans le leader, point de vision. On ne devient pas leader pour la gloire, on le devient parce qu’on se sent habité d’une mission; parce que l’on peut voir et, parfois, très loin. Fort de sa vision, le leader trace la voie pour l’atteindre pour cheminer vers le dessein de l’entreprise. En prononçant, en 1963, sa célèbre phrase «I have a Dream», Martin Luther King a créé les conditions de l’égalité des droits civiques, deux années plus tard.
Et Don Lucho ? Les articles ne parlent d’aucune vision de la part de Don Lucho. Mais, ils prouvent que Don Lucho avait bien rassuré ses co-équipiers qu’ils seraient secourus et qu’ils doivent s’organiser dans l’attente des secours.
Apprécier le potentiel de ses collaborateurs
Un leader doit avoir une bonne connaissance du potentiel de ses collaborateurs, ce qui lui permet de réussir la meilleure allocation des ressources.
Et Don Lucho ? Les articles analysés informent que Don Lucho avait affecté à certains co-équipiers des tâches précises. Mario Gomez, le doyen, était leur guide spirituel. Yonni Barrios était le médecin de l’équipe, ses compétences en médecine apprises dans des livres ont été d’un secours inestimable pour ses compagnons. C’est lui qui était chargé d’évaluer chaque jour l’état de santé de chacun. Daniel Herrera Campos était son aide-soignant. Víctor Segovia Rojas était le chroniqueur, il tenait un journal relatant les péripéties de l’équipe. Jorge Henriquez était le prêcheur, il animait les prières. Víctor Zamora Bugueño était le poète et Mario Sepulveda était le clown. La répartition des tâches de Don Lucho a été acceptée par tous et avait, largement, contribué à la mobilisation de l’équipe. Elle a apporté un semblant de normalité à 688 mètres sous terre.
Rendre l’environnement moins oppressif
Un leader ne s’arrête pas au discours. Il doit mettre en place une organisation et être le premier à la respecter.
Et Don Lucho ? Don Lucho avait mis en œuvre deux actions d’une grande importance.
Organiser l’alimentation
C’est une tâche, extrêmement, délicate, car chaque mineur avait, uniquement, sa ration alimentaire de la journée. Ils pensaient, tous, ressortir de la mine, comme ils avaient l’habitude de le faire après le quart. Les informations recueillies établissent que Don Lucho avait rationné l’alimentation à deux bouchées de thon en conserve et d’un demi vert de lait, tous les deux jours. Certes, c’était trop peu pour ces vaillants gaillards! Mais les “33” avaient accepté ce rationnement pour trois raisons:
– parce qu’il est, parfaitement, cohérent avec la vision: “Nous organiser en attendant les secours” ;
– parce qu’il les met en confiance ;
– parce qu’il fait sens pour eux.
Gérer l’espace
Dans l’expérience scientifique “Mars 500”, l’une des inconnues était liée à la promiscuité de six astronautes qui vivraient plus d’un an dans un espace réduit. Les astronautes sont “entraînés” à ce genre d’exercices, ce qui n’est pas le cas des mineurs.
Dans un autre registre moins reluisant pour l’espèce humaine, mais intéressant à observer : les émissions de télé-réalité. Durant ces émissions, des participants finissent par “péter un plomb” à cause, entre autres, de l’exiguïté et de la présence en permanence dans le même endroit.
Au fond de la mine, la galerie où ont été piégés les mineurs ne permettait aucune intimité. Elle était exiguë, chaude et humide. Topographe de formation, Don Lucho a procédé, dès le début, à dessiner et à organiser l’occupation de la galerie. Il l’a découpée en plusieurs “espaces”: espace pour manger, espace pour dormir et espace pour survivre.
Ainsi, apprivoisée, la galerie n’était pas une “tombe” ou une “prison”, mais un espace de vie. De fait, leur rapport avec cet espace avait évolué. Ils y ressentaient moins d’oppression. Il leur était moins hostile.
Communiquer pour rassurer
Pour que l’équipe fonctionne harmonieusement, le leader doit communiquer, régulièrement, sur sa vision et avec conviction, car «on ne croit qu’en ceux qui croient en eux», disait Talleyrand, homme d’Etat français du XVIIIe siècle. Ce qu’a fait Don Lucho: face à une équipe dont les protocoles s’entrechoquaient, Don Lucho a dû déployer une énorme énergie et faire montre d’un grand talent de communicateur, car il devait s’adresser à chacun et le rassurer sans heurter “son protocole”. Le premier défi de Don Lucho a été de calmer les esprits, qui s’étaient surchauffés, pour que l’équipe, qui partait en vrille à cause du choc, puisse regarder dans le même sens, celui que lui montre Don Lucho. «Nous allons nous organiser en attendant les secours».
Veiller au grain
Le leader doit mettre en place une organisation et veiller à son respect. Pour cela, le leader doit faire preuve d’autorité et d’exemplarité. Dans une équipe, l’autorité du leader est rassurante et même motivante. Dans un environnement difficile, de surcroît stressant, le besoin d’autorité est vital.
Et Don Lucho ? L’organisation et la rigueur imposées par Don Lucho avaient sauvé les «33» du chaos. A leur sortie, des mineurs avaient confié que, au début, les mineurs étaient stressés et agressifs.
L’exemplarité est l’autre grande qualité du leader. Don Lucho a été le dernier à quitter la mine. A sa sortie, l’ex-président chilien Sebastian Piñera l’avait, longuement, étreint et «félicité pour avoir rempli son devoir de capitaine, en sortant en dernier». «Vous êtes un exemple pour tous les Chiliens», avait-il déclaré.
Rien ne peut arrêter une équipe miraculeuse
Une équipe, par extenso une entreprise, peut être ballottée par les événements les plus improbables: perte de clients, arrivée de nouveaux concurrents, mise sur le marché de produits révolutionnaires…
Or, l’expérience des “33” nous renvoie un message très fort : un groupe d’hommes et de femmes peut surmonter les difficultés les plus extrêmes, s’il y a une vision incarnée par un leader. Aucune équipe n’est assez préparée pour faire face aux situations de turbulences qui peuvent survenir. Mais elles peuvent créer des miracles.
