Carrière
Un management participatif renforce la loyauté des employés
Travailler pour une entreprise est un engagement moral qui exige respect et fidélité.
Un management trop directif est source d’actes déloyaux.
Un turn-over élevé est signe d’un faible niveau d’implication.

Des collaborateurs impliqués, qui se donnent à fond, respectent le secret professionnel et s’engagent à long terme sur un projet d’entreprise, c’est ce qu’on appelle la loyauté, qui s’appuie davantage sur une base morale que légale. La loyauté est à la base de relations durables, qu’elles soient marchandes ou affectives. Mais elle ne peut pas être à sens unique.
C’est pourquoi l’entreprise doit aussi faire des efforts pour gagner la considération des salariés. Comment ? «Par l’instauration d’un management participatif, d’un système de rémunération avantageux, d’une politique de communication basée sur l’écoute», explique Ahmed Al Motamassik, sociologue, qui souligne que les entreprises ont encore des efforts à faire en matière de fidélisation.
La Vie éco : Comment définissez-vous la loyauté ?
Ahmed Al Motamassik: Derrière ce terme, il y a plusieurs registres sémantiques qui n’en facilitent pas la compréhension. Néanmoins, on peut dégager trois grandes dimensions. D’abord la dimension légale.
Soulignons à cet égard que le Code du travail n’évoque pas explicitement le thème de la loyauté. Il se limite à quelques aspects concernant la divulgation d’un secret professionnel (secrets de fabrication, base de données ou portefeuille clients…) qui peut causer un préjudice à l’entreprise ou l’abus de confiance par exemple. L’entreprise peut prévoir d’autres clauses restrictives comme celles de non-concurrence et d’exclusivité….
La deuxième dimension est d’ordre moral. Le salarié ne peut pas se comporter de façon répréhensible à l’égard de son employeur (tromperie, indélicatesses…). Sa collaboration suppose un engagement. Certaines entreprises ont des chartes d’éthique sur leur système de valeurs, dont la loyauté peut faire partie.
L’entreprise doit faire un effort de communication sur ses valeurs pour entretenir la loyauté de ses salariés. Pour que ces derniers soient convaincus, il faut que les managers donnent l’exemple. Si l’entreprise n’est pas dans un cadre éthique clair, le message ne passera pas.
Enfin, on peut considérer la loyauté sous l’angle du mode de gestion des ressources humaines et du style de management. En effet, on part toujours du principe que la loyauté est innée chez certains et pas chez d’autres et qu’elle dépend souvent de la personnalité de l’individu et de son milieu social.
Mais n’oublions pas que le corps social de l’entreprise ne peut être loyal que si le style de management le permet. Ainsi, dans une entreprise qui favorise le management participatif, où les individus peuvent exprimer ouvertement leurs idées et émettre des critiques, la loyauté se développera. Inversement, un style directif engendre et multiplie les actes déloyaux.
Comment savoir si les employés sont loyaux ?
Le premier indicateur de loyauté, c’est le turn-over, un facteur tangible et calculable. Un taux de turn-over élevé reflète un faible degré de loyauté du personnel et inversement. L’entreprise considère comme un acte déloyal le fait qu’une personne qu’elle a recrutée, formée et bien rémunérée la quitte. Mais, de l’autre côté, le salarié estime qu’il n’est pas considéré et quitte le navire. Souvent, c’est le sentiment de marginalisation qui entraîne des actes déloyaux comme le dénigrement, le manque d’implication, voire le sabotage.
Le deuxième indicateur est le taux d’accidents ou d’absentéisme. Plus ce taux est élevé, moins il y a d’engagement et d’implication des individus.
L’entreprise a-t-elle des moyens de contrôle ?
Aujourd’hui, l’entreprise a mis en place des outils pour recueillir les doléances des salariés. L’entretien annuel donne la parole aux salariés. Les enquêtes de climat social, les sondages d’opinion, les évaluations annuelles, les réunions informelles sont autant d’outils pour jauger les attentes des salariés. Mais ces outils ont leurs limites. Souvent, les employés n’osent pas critiquer trop ouvertement l’entreprise par peur d’être sanctionnés. Ce qui peut aggraver la déloyauté.
Alors, que faut-il préconiser?
Encore une fois, un style de management participatif est la seule façon de renforcer la fidélité et l’engagement du personnel. Les managers doivent aussi comprendre qu’ils doivent donner l’exemple.
En vue de cultiver la loyauté, il est possible de promouvoir quelques principes:
– une politique de la porte ouverte et des communications suivies sont cruciales pour inciter les employés à rester dans l’entreprise ;
– offrir aux employés un environnement stimulant en leur confiant des projets d’envergure qui favoriseront leur épanouissement professionnel ;
– recueillir l’avis des employés, y compris ceux qui quittent l’entreprise ; dans ce cas, on organise des entrevues de fin d’emploi pour connaître les motifs des départs et voir quelles mesures pourraient encourager les employés à rester. Il faut s’assurer que le processus d’évaluation du rendement n’est pas à sens unique et qu’il permet aux employés de dire ce qu’ils pensent de l’entreprise ;
– penser à offrir des régimes d’intéressement à long terme tels qu’une participation aux bénéfices, et des avantages à court terme pour agrémenter la vie des employés ;
– faire comprendre aux employés l’importance de leur travail pour les rallier à votre projet collectif et accroître leur mobilisation.
La loyauté est-elle constatée dans nos entreprises ?
Ces dernières années, on constate que les entreprises ont un réel problème de fidélisation des compétences. D’où la nécessité pour elles de revoir leur politique RH. Si certaines n’ont pu retenir leurs salariés, c’est parce qu’elles n’ont pas pu suivre les pratiques du marché en terme de rémunération ou n’ont pu trouver d’autres moyens de motivation.
Jusqu’où peut-on être loyal?
On l’est quand les deux parties respectent leurs obligations et devoirs. La loyauté n’est pas à sens unique. Les comportements loyaux doivent être partagés et respectés par tout le monde. La loyauté s’arrête quand le système de management est biaisé.
Quand peut-on parler de préjudice pour l’entreprise ? Et comment le sanctionner ?
Quand il y a atteinte à la bonne ambiance, à l’image, quand il y a divulgation de secrets professionnels, diffamation, nuisance gratuite…, il y a préjudice. Mais il est préférable de former les salariés sur les comportements préjudiciables plutôt que de les sanctionner. Certains salariés n’ont aucunement conscience par exemple de la gravité de divulguer un secret de fabrication. Reste à savoir comment sanctionner quelqu’un s’il agit délibérément.
Je crois que ce n’est pas en licenciant un employé pour en recruter un autre que l’on va obtenir de la loyauté. Encore une fois, c’est à l’entreprise de mettre en place un cadre favorable à son renforcement.
