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«Un bon outil doit répondre à des exigences qualitatives»

Validité, sensibilité et fidélité sont les trois critères importants pour qu’un test psychométrique puisse répondre à des critères fiables. Les tests doivent combiner personnalité et valeurs.

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Jean-Yves Arrivé, Psychologue et coach d’affaires, consultant et expert Pearson TalentLens au Maroc

Les solutions psychométriques de sélection et de recrutement sont-elles fiables ? Une question qui taraude plusieurs responsables de recrutement. De passage à Casablanca, Jean-Yves Arrivé, psychologue et coach d’affaires, consultant et expert Pearson TalentLens au Maroc, renseigne sur l’usage des tests de recrutement.

Peut-on se fier à un test pour recruter un candidat ?
Le test est un outil d’investigation au service d’un recruteur qui a par ailleurs d’autres cordes à son arc. Il va s’appuyer sur les résultats de ce dernier pour évaluer et apprécier les ressorts motivationnels des candidats ainsi que ses traits de personnalité. Mais il aura bien sûr à analyser le CV, identifier les savoirs et les savoir-faire indispensables du candidat pour répondre aux exigences du poste visé. Il aura à conduire un entretien pour approfondir la pertinence de la candidature, valider la véracité des informations fournies. Son but : vérifier l’adéquation entre ses attentes et ce que peut offrir l’entreprise, tant au niveau du salaire que sur les conditions de travail. Le test apporte une valeur ajoutée incontestable mais ne se substitue pas à un processus complet de recrutement.

Tous les tests se valent-ils ?
Effectivement, non, car des tests élaborés selon des règles scientifiques exigent que l’outil réponde à plusieurs critères. Tout d’abord, il doit correspondre à une «population parente» qui «ressemble» bien à la population évaluée (âge, sexe, niveau de formation, pays,…). Si un candidat marocain est comparé aux scores obtenus par un échantillonnage d’Américains, on introduit un biais culturel et donc un risque d’erreur très important. Un bon outil doit également répondre à des exigences qualitatives. Elles sont au nombre de trois :
• La validité permet de vérifier que le test évalue bien ce qu’il est censé évaluer, c’est-à-dire le degré de pertinence des résultats du test par rapport à ce qu’il prédit. Un score élevé ou bas doit être en relation directe avec la performance ou le comportement du candidat sur le critère mesuré. Cela se vérifie de diverses manières, notamment en comparant avec les résultats obtenus avec d’autres outils.
• La sensibilité, c’est le pouvoir discriminant du test; le test doit différencier les personnes les unes par rapport aux autres. Imaginons un test où les 30 candidats obtiennent tous des scores de 1 à 3 sur 10. S’ils sont bien rapportés à un échantillon représentatif, l’outil est mal construit.
• La fidélité concerne les prévisions de la mesure, la confiance que l’on peut avoir dans le score obtenu par la personne. Les études de fidélité permettent de quantifier la marge d’erreur.

Que mesure-t-on avec un outil comme Sosie 2nd Generation par exemple ?
Sosie 2nd Generation étudie le profil des candidats sous deux angles : la personnalité et les valeurs. Les tests de personnalité ont pour objectif, à travers un grand nombre de questions, de dresser un profil psychologique de la personne à partir de ses traits de personnalité. Les questionnaires les plus répandus fournissent un spectre très large de traits: l’extraversion, la stabilité émotionnelle, l’ouverture d’esprit, le dynamisme, l’estime de soi, la sociabilité, etc.
L’interprétation de ces tests est particulièrement délicate et requiert une formation spécifique ainsi qu’une solide expérience de l’entretien. On ne se contente pas de lire les résultats obtenus. Il faut aussi entendre le candidat, lui demander d’expliquer des résultats qui peuvent paraître incohérents par rapport aux informations recueillies lors des entretiens. Par ailleurs, il n’y a pas de mauvais ou de bon profil dans l’absolu. L’importance de la sociabilité dans le profil du candidat peut varier d’un emploi à l’autre !
Les valeurs telles que le conformisme, la liberté d’action, le goût du pouvoir nous permettent d’anticiper ce qui va motiver, c’est-à-dire mettre en mouvement le candidat dans un futur emploi. Là encore, c’est au recruteur de chercher les concordances entre le profil du candidat et le besoin de la fonction.
Combiner personnalité et valeurs est un atout majeur de Sosie 2nd Generation. Cela permet de repérer la dynamique d’une personne, d’identifier la concordance ou les éventuels décalages entre les caractéristiques du poste proposé et les motivations et comportements professionnels de la personne.

Selon vous, quels sont les ingrédients indispensables pour réussir un recrutement ?
Tout d’abord, une excellente préparation. De quel profil et de quelles compétences a-t-on besoin, compte tenu de l’évolution des métiers, de l’environnement de l’entreprise, de sa culture managériale ?
Nombre d’employeurs cherchent un «clone» d’un collaborateur dont ils ont été satisfaits pendant 20 ans. Mais le monde a changé ; les exigences technologiques, la digitalisation, les exigences managériales, comportementales ne sont plus les mêmes.
Il faut donc disposer d’une bonne définition de la fonction: missions, rôles, interlocuteurs pour préparer un référentiel de compétences que l’on va chercher à évaluer, mesurer grâce aux entretiens et aux outils d’évaluation auxquels on va faire appel.
La mission doit être conduite par un recruteur qui connaît a minima l’entreprise et sa culture, le profil du futur manager. Par exemple, si le service est dirigé par un patron peu charismatique, autoritaire et qui ne délègue pas, le recruteur doit être en mesure de proposer un profil qui exige une forte autonomie, de la reconnaissance, et un faible niveau de conformisme !
Ensuite, il faut multiplier les évaluations et les évaluateurs : idéalement, un candidat proposé à l’entreprise doit être rencontré par au moins 3 ou 4 personnes : le dirigeant, le futur manager, la RH, un cadre supérieur dans un autre domaine d’activité. L’intersubjectivité, c’est-à-dire le croisement de regards différents est en revanche un atout majeur.
Il ne faut pas hésiter à faire appel à des outils adaptés, pour mesurer selon les besoins, des savoir-faire : maîtrise d’un logiciel, d’une technicité, d’aptitudes manuelles ou intellectuelles. Mais également des savoir-être, des comportements pour essayer d’imaginer comment le salarié s’intégrera dans l’entreprise et pourra mettre toutes ses compétences au service de l’employeur de manière efficace.

Bon nombre d’entreprises sont marquées par l’absence totale d’un processus des recrutements allant de la définition du besoin jusqu’à l’intégration du candidat. Comment s’y prendre ?
Il faut assurer l’accompagnement de l’intégration et ne pas sous-estimer le besoin du candidat d’être accompagné pour réussir la prise de poste. C’est une grande lacune dans nombre d’entreprises où l’on voit le processus de recrutement s’arrêter dès lors que le candidat est choisi. Grave erreur ! Imaginez un industriel qui investit dans une machine coûteuse et qui ne la teste pas, qui ne la rode pas, qui ne l’entretient pas.
On entend souvent les dirigeants déplorer le coût selon eux élevé d’un recrutement conduit par un professionnel. Mais qui mesure le coût d’un recrutement raté ? Coûts financiers, mais aussi missions non conduites à leur terme, insatisfaction des équipes, … Recruter, c’est un investissement important pour l’entreprise. Elle doit donc veiller à la rentabilité de sa décision en donnant au salarié toutes les chances de réussite.

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