Carrière
Travail attractif : Entretien avec Mustapha Sekkat, Consultant et DG du cabinet RH Leadership
Le fait de tomber dans la routine est généralement la cause d’un mauvais choix de carrière, de métier ou d’entreprise. Le salarié doit régulièrement se poser les bonnes questions sur son projet professionnel et le mettre à jour. Il doit réfléchir sérieusement sur ce qui le motive et non attendre systématiquement la reconnaissance d’autrui.
Pour Mustapha Sekkat, consultant et DG du cabinet RH Leadership, le désintérêt au travail n’est pas toujours l’affaire du management. Comme la plupart des aspects humains en milieu professionnel, la responsabilité des salariés n’est pas complètement exclue. Explications.
Travail routinier, désintérêt pour les tâches…, il est souvent difficile d’inverser la tendance lorsque la monotonie s’installe dans notre quotidien. Quels sont généralement les symptômes de cette monotonie ?
La nouvelle «maladie professionnelle» ou «bore out» peut se révéler pire que le «burn out». Elle se manifeste généralement par un désengagement progressif, silencieux, insidieux et un état de léthargie et d’indifférence. On en parle déjà depuis 20 ans. Il peut être provoqué par une perte de sens ou, malheureusement, par la hiérarchie elle-même volontairement ou involontairement.
Cela se manifeste par un désintérêt de tout ce qui sort du strict périmètre de ses prérogatives, le manque de stimulation intellectuelle, les pauses-cafés répétitives, le grignotage et les cigarettes à répétition et l’attente de l’heure de fin de service, la perte quasi totale d’esprit d’initiative et attente de consignes précises de la part de la hiérarchie, l’isolement et le repli sur soi et selon les personnalités, l’agressivité, la déconcentration des collègues et les navigations internet extraprofessionnelle, voire de fréquents effondrements en larmes…
Une étude anglaise a même conclu que le bore out augmenterait le risque d’accident cardiovasculaire.
Est-ce souvent le résultat d’un mauvais management ?
En général, les conditions de travail, l’adéquation profil/poste, la surcharge ou la sous-charge de travail, l’ambiance au travail, l’équilibre dans la répartition de la charge de travail, etc., sont principalement du ressort du management. Mais comme la plupart des aspects humains en milieu professionnel, la responsabilité des salariés n’est pas complètement exclue. Dans beaucoup de cas, malheureusement, les salariés n’ont pas la main ou le choix pour changer leur situation. Ont-ils au moins essayé d’y penser ou s’avouent-ils vaincus d’avance !
Face à ce mal, on dit souvent qu’il faut agir ou partir. Êtes-vous de cet avis ?
Comme je viens de le signaler, le salarié peut ne pas être conscient de toutes les possibilités qu’il détiendrait pour améliorer sa situation. Il doit régulièrement se poser les bonnes questions sur son projet professionnel et mettre à jour ce dernier, ce qui lui permettra d’agir au quotidien avec une maîtrise ne serait- ce que partielle de son destin.
Le fait de tomber dans la routine est causé généralement par un mauvais choix de carrière, de métier ou d’entreprise. Cela se corrige, il n’y a pas de fatalité. J’ai eu l’occasion de traiter certaines situations où le simple fait d’en parler à quelqu’un dans l’organisation ou à un proche ou un spécialiste de ces questions peut ouvrir des horizons et créer un déclic permettant de donner un nouveau souffle à sa carrière.
Partir est une «option» à condition qu’elle soit bien préparée pour ne pas tomber sur le même schème que l’on a quitté. Eviter toute décision sur un coup de tête.
Comment alors peut-on rendre notre travail attractif?
Je me souviens d’une vendeuse de magasin qui s’ennuyait dans son travail, bien que bonne vendeuse, appréciée de sa hiérarchie pour ses bons résultats et du feed-back positif des clients, et, cerise sur le gâteau, la «vente» est sa passion…. Et pourtant elle n’était pas très satisfaite de sa situation. Ce qui lui manquait c’était de «l’ACTION». Dans le cadre d’une de mes missions au sein de son entreprise, elle me fait part de la manière avec laquelle elle souhaite vendre. Elle proposait d’aller vers de grands comptes et les démarcher et créer ainsi beaucoup plus de valeur ajoutée. En gros, elle en avait un peu marre du réceptif. Le hic, c’est que ce n’était pas dans les traditions de son entreprise d’opérer de la sorte. Je lui ai proposé de l’aider à vendre son idée à sa hiérarchie et de déployer ses talents pour obtenir gain de cause. Elle a eu gain de cause et le filon s’est révélé fructueux pour l’entreprise et très motivant pour la salariée parce qu’elle y a trouvé le moyen de révéler ses talents cachés.
Cela ne se passe pas toujours comme dans l’histoire de cette vendeuse. Alors que faut-il faire?
Réfléchir sérieusement sur les véritables raisons de la perception de routine. Est-elle réelle ou plutôt une panne causée par une frustration managériale? Je recommanderais pour le deuxième cas de développer ce que l’on appelle : de la résilience. La capacité de passer outre ces frustrations et explorer les voies possibles pour améliorer l’avenir.
Réfléchir sérieusement sur ce qui m’auto-motive et non attendre systématiquement la reconnaissance d’autrui. Il est recommandé de surveiller et je dis bien surveiller l’estime de soi. Souvent l’état de léthargie vient du fait que nous attendons souvent des signaux positifs de notre hiérarchie sur notre travail pour aller de l’avant. C’est bien quand ces signaux arrivent. S’ils n’arrivent pas-il faut continuer à performer et développer ses compétences…
Tirer profit de ses compétences pour être une force de proposition. La hiérarchie a besoin de bonnes idées pour développer le business ou améliorer les processus en place, à condition qu’elles soient de vraies bonnes idées. Je recommande que la démarche soit bien construite dans le temps comme un véritable projet. Les opportunités d’amélioration ne manquent pas au sein des entreprises ; elles ont juste besoin d’être repérées tout en développant celles qui collent le plus à nos passions… «Balancer» des idées à l’emporte-pièce et s’étonner de ne pas leur trouver preneur est proscrit.
Trouver le moyen de tirer plaisir de son travail. C’est à mon avis le dispositif le plus difficile mais le plus judicieux à mettre en œuvre si l’on veut diminuer le risque de s’ennuyer au travail. Agrandissez, dans son esprit, les côtés plaisants de votre travail ; cela aidera à en supporter les côtés déplaisants. Souvent, à ce stade, on a du mal à voir les côtés plaisants. Avec un petit effort, on en trouve indéniablement.
Des actions du type team-building peut aider à nous faire «aimer» notre travail? Comment ?
Les activités qui te font sortir de la routine quotidienne contribuent à l’amélioration de notre perception de notre travail. Il faut juste s‘assurer que ces activités jouent bien ce rôle et ne deviennent pas elles-mêmes redondantes, voire contraignantes. L’organisation de l’événementiel corporate est en perpétuelle évolution et les commanditaires sont à la recherche permanente d’innovation en termes d’activités ludiques, de shows en tous genres et tout ce qui va créer le «WaW effect» des équipes. C’est tout à fait légitime. Une convention ou un team building ou tout autre événement d’entreprise est en droit d’être vécu comme un moment exceptionnel par les collaborateurs. La question est de savoir jusqu’où pouvons-nous aller dans la sophistication des moyens de distraction en perdant de vue la raison d’être de l’événement.
De ce fait, les défis à relever sont :
– concilier richesse et pertinence du contenu avec le sentiment de vivre un moment exceptionnel de partage, voire de communion, c’est la phase de l’ENERGIE
– une énergie reçue lors de la convention se transforme en état d’esprit et se concrétise en actes relevables et appréciables, voire traçables lors de la convention de l’année qui suit, c’est la phase TRANSFORMATION ;
– la transformation en attitudes et en actes se traduit par des résultats et des réalisations tangibles mettant en valeur des compétences collectives, c’est la phase REALISATION ;
– l’aboutissement est de nature à générer le désir d’aller plus loin, vers de nouveaux défis qui mettront en valeur la maturité grandissante de l’intelligence collective, c’est la phase HORIZONS.
Un événement corporate est généralement programmé par l’entreprise dans le but de faire le plein d’énergie, et ce, quelle que soit la thématique proposée ; cohésion d’équipe, visionning, amorce d’un changement organisationnel majeur, lancement d’une nouvelle stratégie ou d’un méga projet transverse ou tout simplement une rencontre annuelle qui tient lieu d’un acte de communication Interne.
Très souvent nous sommes devant une demande qui a du sens, à priori, sauf que la manière avec laquelle l’agenda est construit compromet ledit «sens». Ce qui réduit le souvenir de l’événement à quelques séquences «phares» peu ou pas connectées à la thématique de départ et surtout une déperdition de l’énergie reçue lors de l’événement.