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Carrière

Transmission d’entreprise : Entretien avec Zakaria Fahim, DG du cabinet BDO, spécialiste de la transmission d’entreprise

Le Maroc dispose d’un fort marché potentiel d’entreprises transmissibles, mais ce vivier demeure mal exploité. Les mauvaises transmissions sont à l’origine de plusieurs faillites.

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Zakaria-FahimFreins psychologiques, manque d’incitations fiscales, la transmission d’entreprise reste mal appréhendée. Les mauvaises transmissions sont à l’origine d’un nombre appréciable de défaillances d’entreprises. Comment les réussir ? Comment gérer la relation cédant/repreneur ? Les réponses de Zakaria Fahim, DG du cabinet BDO, spécialiste de la transmission d’entreprise.

Quels sont les principaux freins liés à la transmission d’entreprise ?

Je tiens à souligner que les PME marocaines, de façon générale, connaissent un déficit en matière de transmission parce que l’identification du bon repreneur reste difficilement opérable. Il y a toujours le côté psychologique qui joue parce que le cédant cherche toujours un clone pour pouvoir lui transmettre son entreprise.

C’est un sujet tabou car beaucoup de patrons se disent ne pas être concernés par l’affaire. On parle là de PME et TPE où la raison sociale de l’entreprise se confond avec celle de son propriétaire, où la gestion est paternaliste et où les successions sont souvent difficiles. La principale cause est que la sphère familiale prend le dessus sur la sphère professionnelle, surtout si on a affaire à une entreprise familiale.

Vous avez cité les freins psychologiques; il existe aussi d’autres freins…

Les freins d’ordre juridique et fiscal comptent également. La plupart des chefs d’entreprise ne préparent pas ou préparent mal  leur succession. Parfois, les raisons psychologiques les incitent même à retarder la transmission au-delà de l’échéance normale.

Les conséquences du manque de préparation des dirigeants, conjuguées à une juridiction complexe et au poids de la fiscalité, sont loin d’être négligeables sur le plan économique. Les mauvaises transmissions sont à l’origine d’un nombre important de défaillances d’entreprises. De nombreuses affaires disparaissent chaque année faute d’avoir trouvé un successeur. Pourtant, ces entreprises ne peuvent jouer avec la vie de leur personnel.

Vous avez notamment lancé un baromètre de la transmission d’entreprises, il y a quelques années. Où en est la situation ?

Le premier baromètre de la transmission d’entreprises a été réalisé par l’Agence nationale pour la promotion de la petite et moyenne entreprise (ANPME), en collaboration avec les cabinets BDO et C&O marketing, avec l’appui du ministère de l’économie et des finances, et la contribution d’Inforisk. Son but a été de dresser un état des lieux de la transmission au Maroc et d’apporter des réflexions sur la manière de pérenniser le cycle de vie de l’entreprise en lui assurant une transition réussie. Ce baromètre a été construit à travers l’analyse des  dirigeants et des experts.

C’est vrai qu’au départ ce processus de transmission d’entreprises était peu connu et mal appréhendé au Maroc. Pour ainsi dire, une bonne partie des dépôts de bilan ont pour origine une succession mal réglée, mettant en cause des centaines d’entreprises et des milliers d’emplois.

La transmission est mal appréhendée au point que les dirigeants préfèrent transmettre leurs activités à des proches, en construisant un montage associant une donation-partage et l’instauration d’une holding familiale, même si ces derniers n’ont pas toujours les capacités nécessaires et suffisantes pour les diriger, ce qui peut remettre en cause la pérennité de l’entreprise. Tout comme ils se trouvent parfois confrontés à la vente forcée.

Il faut dire que le Maroc dispose d’un fort marché potentiel d’entreprises transmissibles, mais ce vivier demeure mal exploité, d’où la nécessité de revoir les rouages de fonctionnement du processus de transmission d’entreprises. J’ajouterai également qu’il existe des entreprises à vocation sociale dans certaines régions. Il faut que l’Etat pense à la manière de protéger ces fleurons de l’économie nationale.

Aujourd’hui, des mécanismes d’appui existent. On peut citer le nouveau dispositif dédié à la transmission d’entreprise de la Caisse centrale de garantie (CCG). La garantie couvre les programmes portant sur la transmission de la majorité du capital ou sur le rachat par un des actionnaires ou associés majoritaires d’une minorité du capital ou sur la reprise de fonds de commerce. Les entités cibles concernées par la transmission sont les entreprises, personnes physiques ou morales, de droit marocain. De même que nous avons lancé, en partenariat avec plusieurs entreprises, le portail Transmission Maroc qui est une plate-forme d’annonces de cession et acquisition d’entreprises. Une troisième édition du baromètre dont les résultats seront connus durant le deuxième trimestre 2016 sera lancée. Ces résultats nous permettront notamment de militer davantage pour un renforcement des dispositifs d’appui aux PME/TPE.

Quels sont les principaux objectifs de ce portail ?

Les domaines d’intervention concernent principalement trois volets : les parcours des cédants ou repreneurs, des processus d’évaluation des entreprises ainsi qu’une place de marché des opportunités d’affaires.

L’aspect humain dans ce genre de transactions est important. Comment gérer la relation entre le cédant et le repreneur ?

Tout à fait ! Je pense que la première des choses est de s’entourer des bonnes compétences. En cas de reprise familiale, le cédant doit pouvoir accepter de lâcher prise pour que son repreneur puisse monter en compétences. Il ne faut pas hésiter à recruter de bons directeurs généraux, de bons cadres dirigeants (directeur commercial, DAF…) quand il le faut car il y va de la pérennisation de l’entreprise. Au sein du cabinet BDO, on s’est positionné comme le spécialiste de la transmission d’entreprise depuis quelques années. On propose une assistance ainsi qu’un accompagnement personnalisé pour tout dirigeant qui veut transmettre son entreprise. Et donc, il faut savoir coacher aussi bien celui qui part que celui qui vient.

On suppose que la transition doit se faire dans la durée ?

C’est un processus délicat et nous pensons qu’il faut entre trois et cinq ans pour qu’une transmission se passe dans de bonnes conditions. Les auto-évaluations proposées dans le portail permettent aux dirigeants de se poser les bonnes questions avant d’enclencher le processus de transmission. Il ne faut pas hésiter non plus à conforter ses positions auprès des associations professionnelles, des experts…