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Transmission d’entreprise : Entretien avec Montassir Benbekhaled, Directeur de Valoris Corporate Finance – Capital Gestion Group

L’attachement du dirigeant à son entreprise constitue le principal frein à la transmission d’entreprises au Maroc. Quand ils ne sont pas de la famille du fondateur, les repreneurs sont le plus souvent des opérateurs du même secteur d’activité ou d’un domaine adjacent à celui de la société cédée.

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Montassir-BenbekhaledVous êtes une banque d’affaires indépendante. Vous intervenez notamment dans le domaine de la transmission d’entreprises. Qu’est-ce qui explique ce retard en matière de développement du processus de transmission ?

On peut citer plusieurs freins. D’abord psychologiques. L’attachement du dirigeant à son entreprise constitue le premier frein dans la transmission d’entreprises au Maroc. Il s’agit pour le dirigeant d’un projet de vie et le transmettre reviendrait presque à disparaître. Par ailleurs, l’attachement et l’affection que peut avoir le fondateur pour sa société vient parfois biaiser le jugement de ce dernier sur sa valorisation.

Le poids de la fiscalité représente également un deuxième frein important. Il s’agit d’un volet très important dans la structuration des opérations de transmission de sociétés au cours duquel il faudra faire des choix pour minimiser l’impact de la fiscalité pour les cédants et pour les acquéreurs (fiscalité sur les transferts d’actifs immobiliers, fiscalité sur les transferts de parts sociales, fiscalité sur les personnes physiques).

Le législateur marocain a tenté de promouvoir la création de holdings en prévoyant certains avantages fiscaux. En effet, la Loi de finances de 2014 a introduit dans le Code général des impôts un article disposant que les personnes physiques ayant procédé, en 2014 et 2015, à l’apport de l’ensemble des titres de capital qu’ils détiennent dans une ou plusieurs sociétés à une société holding résidente soumise à l’impôt sur les sociétés ne sont pas imposables au titre de la plus-value nette réalisée suite au dit apport, sous réserve du respect de certaines conditions.

De même que les difficultés de financement rencontrées par les repreneurs posent problème. Souvent, l’acquéreur ne dispose pas des fonds nécessaires pour effectuer la transaction en fonds propres. Le recours au financement bancaire ou au fonds de capital-investissement sont deux alternatives de financement intéressantes, à condition d’étudier le coût et la rentabilité du projet et de pouvoir convaincre les bailleurs de fonds de l’intérêt et de la faisabilité du projet.

Autre frein, la valorisation de la société. Il existe plusieurs méthodes pour évaluer une entreprise. L’aspect technique de l’évaluation et la multiplicité des méthodes rendent cette étape complexe. Les services d’une banque d’affaires ou d’un évaluateur indépendant sont fortement recommandés.

La pertinence des méthodes utilisées dépend des caractéristiques de l’entreprise (activité, marché, maturité, etc.). Parmi les méthodes de valorisation les plus utilisées il existe des méthodes dites intrinsèques et des méthodes dites analogiques.

Il en résulte que la démarche reste un processus complexe…

Tout à fait ! Un processus long et complexe , nécessitant l’intervention de plusieurs acteurs : banques d’affaires, auditeurs, avocats, fiscalistes…

Les banques d’affaires peuvent intervenir tout au long du processus pour accompagner autant le cédant que l’acquéreur et coordonner les travaux des différents intervenants. La banque d’affaires effectue le diagnostic, l’évaluation, le conseil, la recherche de repreneurs ou de cibles, la mise en relation, l’accompagnement pour l’obtention de financements en dette ou en capital.

Quelles sont les formes de transmission les plus courantes ?

Au Maroc, plus de 80% des transmissions d’entreprises seraient effectuées avec un membre de la famille du cédant. Cette réalité s’explique par la volonté des fondateurs de la société de maintenir cette dernière dans le patrimoine familial.

Il s’agit aussi d’une vente à un industriel ou à investisseur financier. La cession à un industriel permet, souvent, de vendre la totalité des actions de la société sans engagement lointain sur un accompagnement managérial, qui dure généralement de 6 à 18 mois. La cession totale ou partielle à un opérateur industriel repose souvent sur des considérations stratégiques liées au métier de la société (parts de marché, synergies, maîtrise de la chaîne de valeur, etc.) alors qu’une cession à un opérateur financier repose principalement sur des considérations de rentabilité, de création de valeur, de valorisation et de stratégie de sortie. Enfin, il existe également la reprise par un ou quelques salariés dans le cadre d’un management buyout. Cette forme de cession reste encore rare au Maroc.

Quel est généralement le profil des repreneurs ?

Quand ils ne sont pas de la famille du fondateur, les repreneurs sont le plus souvent des opérateurs d’un même secteur d’activité ou d’un secteur d’activité adjacent à celui de la société cédée. Les motivations de ces repreneurs sont d’ordre opérationnel et stratégique (part de marché, synergie, maîtrise de la chaîne de valeur…).