SUIVEZ-NOUS

Carrière

Pression au travail : Avis de Mohssine Benzakour, Psychosociologue

« La pression est néfaste quand elle devient la règle et non l’exception »

Publié le


Mis à jour le

Mohssine Benzakour 2013 06 11

Comme le stress, la pression est définie comme une excitation interne exercée par l’environnement externe. Bien gérée, elle pousse l’individu à ne pas rester enfermé dans la spirale du stress. Explications avec Mohssine Benzakour, psychosociologue et professeur chercheur.

Quelles sont les principales causes qui mettent l’individu sous pression ?

La pression que nous subissons généralement peut être de deux sortes. L’une interne, qui provient de nous-mêmes, et l’autre externe, qui émane de l’entourage. Tout dépend comment l’individu perçoit son travail, en tant que plaisir ou en tant que fardeau. La représentation du travail est importante. Rien qu’à voir comment on démarre sa journée le matin.
D’autres facteurs peuvent être liés aux rapports humains. Comment on entretient ses rapports avec sa hiérarchie, ses collègues, ses clients…

Y a-t-il d’autres facteurs ?

Il existe des facteurs cachés comme le manque de confiance en soi, le sentiment d’échec dans sa vie professionnelle et personnelle. Dans ces cas, elle constitue un frein au travail. Il faut avant tout l’imposer à soi-même. Pour cela, il faut également qu’il y ait suffisamment de confiance dans les rapports entre les personnes pour pouvoir insuffler le rythme de pression qu’il faut.
Ce syndrome n’est pas seulement le fait d’une surcharge de travail ou d’une course contre la montre. Il est aussi généré par des problèmes de communication au sein de l’entreprise, un style de management défaillant, des conflits latents qui interviennent entre collègues ou des partenaires externes, l’isolement, le désintérêt professionnel, divers facteurs événementiels comme des réunions, la prise de parole, l’environnement dans lequel on évolue (le bruit, le voisinage, le culte de la performance, le manque de politesse, la promiscuité professionnelle, la suspicion…). Il arrive très souvent que les managers gèrent leurs collaborateurs selon l’image qu’ils se font d’eux-mêmes alors qu’un style de management donné ne convient pas à tous les types de personnalité. Par exemple, certains collaborateurs sont sensibles au style directif, d’autres pas et réagiront par conséquent de façon négative en entrant dans la spirale du stress.

On a bien vu des cas d’épuisement professionnel, de dépression et même des cas de suicides, est-ce dû justement à cette tension permanente ?

Je ne le pense pas. La pression n’est qu’une cause parmi tant d’autres. Le cas des suicides peut être causé finalement par un non-attachement à son travail, à son entreprise… Si la pression est quotidienne et continue, bien évidemment elle peut causer des conséquences néfastes sur la santé des personnes.
Tout le monde fait face à des urgences ou à des imprévus par moment. Mais le problème se pose quand cette exception devient la règle. On éprouve également une tension lorsqu’on fait face à une situation qu’on ne maîtrise pas. Là aussi il y a problème quand la situation se répète dans le temps.

Avez-vous le sentiment que les individus sont de plus en plus soumis à des tensions permanentes ?

Ce n’est pas un sentiment mais un constat. Le changement de notre mode de vie rend tout beaucoup plus compliqué. J’ajouterais même que la course à la performance, la recherche de la perfection ou encore la peur de déstabilisation sociale accentuent cette tension. Enfin, une mauvaise gestion du temps contribue à son amplification.

Y a-t-il vraiment des remèdes à cela ?

Tout comme le stress, la pression est un stimulant qui nous pousse à accomplir notre devoir, à avancer dans notre travail, à faire de notre mieux dans ce que nous pratiquons… Subir une pression qui ne provient pas de soi-même est le plus souvent contraignant pour l’individu.
La première règle est de relativiser. Parfois, on se fait une montagne d’un rien dans un élan négatif. D’où le sentiment d’une pression démesurée à gérer. Sur le plan personnel, il faut savoir dédramatiser et faire la différence entre les problèmes graves et les petits tracas du quotidien. En étant optimiste, on diminue ainsi l’emprise du stress sur l’esprit et on est en possession de tous ses moyens pour affronter les missions quotidiennes. Parfois, il est nécessaire de trouver l’issue dans le travail d’équipe. Un avis ou une suggestion externe peut toujours être salutaire.
Il faut rester à l’écoute de son corps et être capable de détecter les premiers signaux. Vont-ils permettre d’être hyperactif ou au contraire déstabiliser le mental ? Dans ce dernier cas, il faut savoir prendre du recul. Après tout, on peut se contenter de dire qu’il faut mieux manger, faire du sport, respecter le sommeil, prendre des vacances… Une bonne hygiène de vie ne peut faire que du bien.
Sur le plan collectif, beaucoup d’entreprises peuvent aujourd’hui appliquer un management moderne en s’appuyant sur la motivation des équipes à travers les incentives, les réunions informelles, les sorties… Il faut savoir dédramatiser des situations compliquées. Cela implique également qu’il faut beaucoup communiquer sur les préoccupations de l’entreprise, les attentes des collaborateurs…

Peut-on dire qu’il existe des métiers plus exposés à la pression ?

C’est une question d’individus et d’organisation d’entreprise. Souvent, là où l’on observe que la liberté d’action et de créativité est limitée.