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Carrière

Participation aux bénéfices, un outil de motivation ignoré par les entreprises

Les entreprises préfèrent encore les outils classiques comme le 13e mois ou les bonus «à la tête du client».
Les salariés pour leur part restent arc-boutés sur la partie fixe du salaire.
Peut-être faudra-t-il un cadre légal et des mesures fiscales d’encouragement pour que la pratique se développe.

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Les actionnaires des sociétés cotées en Bourse se frottent les mains. Au titre de l’année 2007, ces sociétés ont réalisé un bénéfice total de plus de 27 milliards de DH, soit une hausse de 30% par rapport à 2006. Une bonne partie de cette manne leur sera servie sous forme de dividendes.

Il est également certain que le top management sera récompensé comme il se doit pour service rendu. Mais quid des autres, les simples salariés ? En toute logique, ils auront leur part du gâteau, mais comme l’argent est un sujet qui fâche dans l’entreprise, difficile de trouver au Maroc un responsable qui accepte de parler à visage découvert, surtout quand il s’agit de partage de bénéfices.

C’est que cette pratique ne fait pas partie des habitudes des entreprises. A l’exception de quelques grandes entreprises, notamment certaines filiales de multinationales qui ont hérité des pratiques de leur maison mère, rares sont celles qui ont adopté une telle politique. Toute récompense après une bonne cuvée est laissée à la discrétion du management qui décide du moment, du montant et des modalités de distribution, souvent sans aucun critère prédéfini. Ce qui, au lieu de mobiliser, constitue un ferment de frustration et ouvre la voie à des conflits plus ou moins ouverts.

Bref, les politiques de rémunération sont bâties avec des outils classiques et le «plus» qui s’ajoute au salaire contractuel se limite très souvent au 13e mois ou à une part variable constituée souvent de commission pour certains métiers.

Un immobilisme qui relève du manque d’imagination des patrons et des salariés focalisés sur le salaire fixe
Cet immobilisme relève d’un manque d’imagination, aussi bien des managers que des salariés ou de leurs représentants qui restent focalisés sur la partie irréversible du salaire. Même l’individualisation du salaire a du mal à s’implanter tant le statu quo est accepté par tout le monde.

Pourtant, la participation aux bénéfices de l’entreprise ou l’ouverture du capital aux salariés (l’actionnariat salarié proprement dit), qui permet indirectement à ces derniers de tirer profit de leurs performances, peuvent inciter ces derniers à donner beaucoup plus. Quelques entreprises cotées ont choisi la seconde option non pas pour une présence permanente de leurs collaborateurs au capital, mais pour leur permettre de réaliser une plus-value plantureuse au bout d’un temps déterminé à l’avance. On peut reconnaître à ces entreprises le mérite d’essayer.

On constate que ces pratiques sont courantes dans les pays les plus avancés (Europe, Etats-Unis). Par exemple, en France, la participation aux bénéfices est obligatoire pour les entreprises de plus de 50 salariés. Il s’agit de redistribuer aux salariés une partie du bénéfice, selon une formule fixée par la loi. La somme ainsi calculée est nommée «Réserve spéciale de participation».

La participation fait l’objet d’un accord entre l’entreprise et les salariés ou leurs représentants (délégués syndicaux, élus du personnel ou comité d’entreprise). L’accord fixe notamment les modes de répartition de la réserve entre les salariés. La répartition peut être proportionnelle au salaire, à la durée de présence, ou encore uniforme.

En France, on propose d’intégrer les sommes versées au titre de l’intéressement dans le calcul des retraites
Les sommes ainsi placées sont indisponibles jusqu’au 1er avril de la 5e année. Il y a eu un certain nombre de cas de déblocage avant terme en 1994, 2004 et 2005. Le gouvernement français actuel veut encore y recourir pour faire face à la baisse du pouvoir d’achat.

Quant à l’intéressement, c’est un mode de rémunération collectif et facultatif, qui permet à l’entreprise de faire bénéficier les salariés des performances de l’entreprise. «C’est un outil de motivation des salariés qui permet de les associer à la réussite de leur entreprise à travers des objectifs de rentabilité, d’amélioration de la qualité, de productivité. Il est conditionné à un objectif à atteindre pour l’entreprise (chiffre d’affaires, bénéfice…) et ne peut être assimilé à un salaire. Et donc, son obtention n’est pas automatique, mais liée à la réalisation d’un objectif ou d’une performance convenue», explique Houcine Berbou, consultant senior à LMS ORH.

Toutes les entreprises peuvent mettre en place un accord d’intéressement, quelles que soient leur taille, la nature de leur activité et leur forme juridique. La prime d’intéressement est exonérée de cotisations sociales et d’impôt. Le salarié peut choisir de percevoir immédiatement la somme à laquelle il a droit ou de la placer sur 5 ans. Pour l’entreprise, les sommes versées au titre de l’intéressement sont déductibles de l’assiette de l’impôt sur les bénéfices et exonérées des taxes sur les salaires.

Au regard de la législation du travail, elles ne sont pas considérées comme élément du salaire. Elles n’entrent donc pas en ligne de compte pour l’application du salaire minimum et ne sont pas soumises aux cotisations de sécurité sociale et des régimes de retraite. Pour les salariés également, la prime d’intéressement est exonérée de cotisations sociales et d’impôt sur le revenu si elle est versée dans un plan d’épargne d’entreprise (PEE).

Récemment, le gouvernement français a émis l’idée d’intégrer l’intéressement dans le calcul de la retraire pour améliorer la pension.
Une enquête menée en France auprès d’une soixantaine d’entreprises, tous secteurs confondus, montre que la mise en place de tels outils de rémunération fondés sur des objectifs proches du quotidien des salariés permet d’obtenir des performances supérieures de 20 à 30% à celles des sociétés qui n’ont pas ce type d’accord. Les indicateurs retenus restent souvent financiers (pour 70 à 80% ils portent sur le résultat, le chiffre d’affaires, la marge brute…). Mais les critères qualitatifs, souvent proches du terrain, deviennent importants également (dans 40 à 50% des cas, sur un niveau de productivité, la qualité, le présentéisme…). Quant au climat social, 92% des entreprises estiment qu’il est bonifié par l’intéressement.

Légiférer dans un tel domaine n’est pas utile, c’est aux entreprises de faire des propositions
A l’évidence, le salarié réagit mieux quand il sait que le retour sur investissement (ses efforts en l’occurence) est assuré. Légiférer dans un tel domaine, comme en France, ne servira à rien, sachant que le législateur a déjà du mal à faire respecter scrupuleusement le Code du travail. C’est aux entreprises de faire des propositions. Encore faut-il que les salariés prennent conscience de l’intérêt qu’ils peuvent tirer de pareils systèmes.