Carrière
Paix sociale en entreprise : Avis de Omar Benaini, Consultant chez LMS ORH
Il faut traiter les partenaires sociaux en responsables et non comme des ennemis de la productivité. Acheter la paix par des avantages financiers ne fait que différer les problèmes.

Très peu de dirigeants et salariés sont formés au dialogue social. Alors qu’il suffit parfois de peu pour résoudre un problème. Pour Omar Benaini, consultant associé de LMS ORH, le dirigeant doit se dire qu’un travail de proximité est un véritable investissement. Et quand les employés sont motivés, l’entreprise devient à leurs yeux un bien précieux. Explications.
Quel regard portez-vous sur les relations sociales en entreprise ?
Au Maroc, le sujet du dialogue social est toujours d’actualité. Certaines entreprises sont allées loin dans les relations sociales. On le voit notamment dans les entreprises structurées, grandes entreprises et multinationales. Ces structures appliquent correctement le droit du travail et vont plus loin en mettant en place une réelle politique de responsabilité sociale (RSE) dans laquelle elles intègrent les préoccupations sociales des salariés, généralement en partenariat avec les partenaires sociaux, sur une base du volontariat.
D’autres entreprises, en revanche,?prennent?moins d’initiatives,?c’est-à-dire qu’elles se limitent strictement au code du travail alors que d’autres ne s’en soucient guère.
Ceci dit, une confusion persiste souvent en entreprise. La notion de dialogue social ne veut pas dire absence de conflit. Un conflit est tout à fait naturel dans une entreprise.
En termes simples, le conflit peut être défini comme la perception d’un affrontement d’intérêts menant à un comportement compétitif. Dans une organisation, le mot conflit s’applique en général à un blocage des mécanismes normaux de prise de décision de sorte qu’un individu ou un groupe éprouve des difficultés à opérer le choix d’une action.
Que font généralement les entreprises pour maintenir la paix sociale, y a-t-il de bonnes pratiques en la matière ?
Il existe deux façons de voir les choses : soit par la loi, soit à travers les conventions collectives. A mon avis, il vaut mieux passer par la deuxième voie qui prévoit des droits plus favorables que le code du travail. Certains sont allés plus loin en mettant un cadre qui régit les entreprises d’un même secteur comme le font les banques à travers le Groupement?professionnel?des banques du Maroc (GPBM), l’association des cimentiers ou des pétroliers.
Au lieu de négocier tout le temps, elles le font une fois tous les deux, voire trois ans. C’est une occasion pour débattre de tous les sujets : rémunération,?sécurité, conditions de travail, hygiène… Donc, la convention collective sert de référentiel.
Parmi les pratiques observées, la formation tient une place importante. Des entreprises vont jusqu’à former les responsables, aussi bien managers opérationnels que représentants du personnel et délégués syndicaux, sur les négociations sociales. J’ai vu mieux ! D’autres entreprises forment également leurs responsables sur la conduite de réunion afin de mieux formaliser les doléances et les attentes des uns et des autres. Les managers sont également sensibilisés sur la législation du travail.
Autre chapitre important, la communication. Pour bien vivre ses relations avec ses délégués, un chef d’entreprise ou un manager doit aussi privilégier la franchise et la clarté. Il doit construire avec les délégués une relation ouverte où il n’y a pas de place aux préjugés. Ils ne sont pas forcément des ennemis de l’entreprise et de la productivité. Le plus raisonnable, c’est de les traiter en responsables. La régularité dans les rencontres et la transparence sont des éléments importants car si la relation n’est pas claire, de grosses incompréhensions peuvent survenir.
Toutefois, s’il y a conflit, il faut rapidement convenir d’un plan de crise dans un délai de trois jours et multiplier les réunions en proposant des solutions. Dépassé ce délai, le conflit peut dégénérer et mettre en péril l’activité.
Je pense aussi qu’il faut lever un certain nombre d’obstacles pour pouvoir bien vivre cette relation. Aujourd’hui, très peu de dirigeants et salariés sont formés au dialogue social alors que parfois il suffit de peu pour résoudre un problème.
Un manager doit se dire qu’un travail de proximité est un véritable investissement et non une perte de temps. Et quand les employés sont motivés, l’entreprise devient à leurs yeux un bien précieux.
Pour vous dire, certaines entreprises vont jusqu’à emmener leurs délégués lors d’une prospection commerciale pour garantir la transaction.
Vous ne citez pas l’aspect pécuniaire qui reste important dans le maintien de la paix sociale ?
Il est certes important mais vous trouverez dans le monde entier qu’il n’y a pas de liens entre la paix sociale et la générosité des entreprises. Parfois, c’est dans les grandes entreprises où on observe le plus de grèves. C’est pour dire qu’on part du principe que si les entreprises respectent leurs engagements, le problème ne se pose pas. Comme je l’ai précisé précédemment, la paix sociale est graduelle.
Quand l’entreprise prospère, elle fait partager sa prospérité en accordant des augmentations, des avantages en nature, des primes, des fonds de solidarité pour les salariés démunis, système d’intéressement… Les entreprises socialement responsables vont jusqu’à faire partager les enjeux environnementaux avec leurs salariés. Ceci dit, nous rencontrons quelques dérives. On a bien souvent vu des entreprises conduire des opérations de nettoyage de plages, de distribution de cartables alors qu’elles ne respectent pas les droits élémentaires des salariés.
Quelles sont les erreurs à éviter ?
Parfois, certaines entreprises «achètent» la paix sociale. Ce qui est très dangereux. La complaisance illicite finit toujours par avoir des répercussions négatives. D’autre part, l’entreprise doit accepter toutes les doléances même celles irréalisables.
Autre erreur observée, certains représentants du personnel profitent des moments de faiblesse du top management pour imposer certaines décisions ou faire de la cogestion. Dans le cas inverse, certains dirigeants créent également la concurrence syndicale pour l’affaiblir.
Les mots-clés sont pour moi respect du code du travail, respect d’autrui et respect de ses engagements. Ces critères, conjugués à la rigueur, vous donnent de la crédibilité et vous permettent de bâtir de bonnes relations sociales.
