Carrière
Négocier, ça s’apprend et surtout ça se prépare
L’essentiel passe par la préparation : c’est d’abord connaître son interlocuteur, faire preuve d’empathie, identifier des points d’appui et choisir les arguments les mieux adaptés.
Bà¢tir une stratégie de conquête, créer un climat favorable à l’échange et surtout adapter son discours à son interlocuteur sont les atouts essentiels pour réussir.

Convaincre un interlocuteur, c’est tout un art. Pour Mohammed Bennouna, directeur du cabinet F2V, la négociation est un processus que l’on doit engager avec la volonté de parvenir à un résultat. Il est recommandé de l’envisager comme un acte positif dans les relations avec autrui. Explications.
La Vie éco : L’art de la négociation peut-il s’apprendre ?
Mohammed Bennouna : La négociation est un processus qui intervient partout et pour tout. Elle est indissociable de notre vie personnelle et professionnelle. Encore faut-il en connaître les mécanismes pour pouvoir développer ses capacités en la matière et apprendre à définir les priorités. La négociation doit être engagée avec la volonté de parvenir à un résultat. Il est recommandé de l’envisager comme un acte positif dans les relations avec autrui. Un seul exemple : les entreprises prospères sont souvent celles qui disposent d’une force commerciale maîtrisant l’art de négocier. Car, s’il est facile de vendre sur un coup d’éclat, pour réussir sur le long terme, seule la force de conviction de vendeurs maîtrisant les techniques de négociation employées par les acheteurs est un gage de succès. Et si les commerciaux maîtrisent les techniques de vente, c’est moins vrai des méthodes de négociation.
Donc, l’art de la négociation et de l’argumentation s’apprend et doit se préparer attentivement et activement, tout en créant sa propre approche de négociation.
L’essentiel passe par la préparation : c’est d’abord connaître son interlocuteur, faire preuve d’empathie, identifier des points d’appui et choisir les arguments les mieux adaptés.
La négociation ne se fait pas uniquement dans un but commercial. Il faut également être en mesure d’argumenter face à un collaborateur, à un supérieur hiérarchique…
Effectivement ! Obtenir une augmentation, par exemple, négocier un avantage ou une charge de travail peut parfois s’avérer ardu. Et la négociation, pour qu’elle ait une chance d’aboutir, doit être minutieusement préparée.
Premier conseil : identifiez le bon moment pour faire votre démarche et sachez détecter les opportunités. Dans le cas d’une augmentation de salaire, par exemple, la demande pourra être formulée lorsqu’un changement stratégique intervient, lors d’une mutation des circuits de distribution avec intégration d’une nouvelle équipe ou élargissement de l’équipe en place. Le surplus de travail et de responsabilités qui incombent à la personne représente alors une bonne occasion de demander la valorisation de son salaire. Le cadre peut également profiter de résultats particulièrement remarquables. Celui qui a généré une plus-value sur ses objectifs dispose d’un argument imparable.
Eventuellement, la demande peut être abordée à l’occasion de l’entretien annuel d’évaluation que vous avez avec votre supérieur hiérarchique. Ou intervenir lors d’un rendez-vous particulier. Mais, en aucun cas, cette discussion ne doit avoir lieu de façon impromptue, autour de la machine à café ou lors d’un déjeuner informel. Vous devez laisser à votre interlocuteur le temps de préparer sa réponse, et donc le prévenir à l’avance que vous souhaitez vous entretenir avec lui au sujet de votre rémunération.
De votre côté, vous devez bâtir votre dossier et le muscler en y joignant un bilan positif de votre activité. Chiffre d’affaires additionnel par rapport aux objectifs réalisés, marge générée, percée sur un nouveau marché… Réunissez les preuves de vos succès. Attention, ces éléments doivent marquer un résultat exceptionnel. Car, aux yeux de votre hiérarchie, le simple fait de réaliser vos objectifs n’est pas suffisant pour justifier une augmentation.
Avant d’entamer la négociation, vous devez connaître le point de rupture, le seuil au-delà duquel votre supérieur ne pourra pas s’engager. Pour cela, collectez des données précises sur l’état des finances de la société, sur ses projets à moyen et long termes, bref sur tous les indicateurs qui vont vous permettre de cerner la marge de manœuvre salariale dont dispose la direction.
Y a-t-il un style à adopter dans le fond et dans la forme ?
Effectivement ! Toute négociation repose sur une stratégie. Comme je l’ai souligné précédemment, une phase d’observation et d’écoute est indispensable au succès d’un face-à-face. Il est en effet possible d’identifier en quelques instants, à travers certains gestes, une posture ou une intonation de voix, les principaux traits de comportement de son interlocuteur. Un besoin de relationnel fort, une volonté d’agir rapidement ou une distance passive… Autant de caractéristiques qui peuvent être facilement perçues dès le premier contact et qui orienteront de façon décisive votre stratégie.
Par exemple dans le cadre commercial, maîtriser son offre technique, mais aussi celle de ses concurrents lors de la négociation s’avère nécessaire pour le fond.
Pour la forme, ne jamais aborder la négociation sans avoir défini une stratégie claire : objectifs, argumentation…
De façon générale, quels que soient le contexte et l’interlocuteur, il est important de ne pas s’attarder quand on constate des points de résistance, même s’ils sont cruciaux. Il est préférable d’y revenir plus tard, tout en laissant la parole à l’autre. Par exemple, en initiant une réflexion susceptible de bousculer ses certitudes ou en posant une question qui l’amènera lui-même à réévaluer par la suite ses positions.
Quelles sont les limites d’une négociation?
Par exemple, dans le cadre de mes activités, je remarque que la plupart des ingénieurs d’affaires que je forme considèrent que la préparation est superflue car ils fondent la négociation sur leur seul bagout, le côté artistique de leur métier ! Selon eux, une négociation se résume à un argumentaire commercial maîtrisé et à une part d’improvisation. Je leur démontre assez facilement qu’ils ont tort.
Bien connaître son offre commerciale et les besoins de son client est certes le minimum requis pour tout vendeur. Mais pour faire face à des professionnels des achats, il faut aller au-delà, et disposer d’autant d’atouts qu’eux. Par exemple, connaître les prix pratiqués par la concurrence ou déterminer leurs priorités, entre autres chercher à savoir si l’acheteur est intéressé par une remise ou par un service supplémentaire.
Les formations à la négociation apportent-elles vraiment un plus ?
Sous réserve qu’il existe une volonté et une capacité d’apprendre chez le collaborateur, les formations redonnent tout son sens à la négociation et à l’art de l’argumentation. Elle enseigne notamment comment bâtir une stratégie adaptée à chaque contexte.
Quelles sont les règles de la négociation, essentiellement pour un commercial ?
Pour le commercial, il convient dans un premier temps de préparer sérieusement son entrevue. Il n’y a pas de pire erreur que d’arriver en rendez-vous avec un argumentaire passe-partout, adapté à tout type d’interlocuteur, et que l’acheteur va démonter au bout de quelques questions ciblées. Je suppose que, lorsqu’on reçoit un commercial, on aime constater qu’il s’est renseigné sur notre société, sur les valeurs auxquelles elle est attachée (par exemple le développement durable) et qu’il en tiendra compte dans son offre.
Quelles sont les difficultés les plus courantes que rencontrent les commerciaux lors d’une négociation??
Le commercial est pris dans une course contre la montre.
La pression pour réaliser son chiffre est telle qu’il ne prend pas le temps de mener sa négociation dans les règles.
Equipes sous tension, mental entamé par le stress, accumulation de rendez-vous, clients insuffisamment préparés…, et voilà comment certains commerciaux se retrouvent davantage préoccupés par la remise qu’ils vont devoir concéder à leur client que par l’évaluation réelle de ses besoins. Résultat : le rabais sur l’offre commerciale est appliqué sans contrepartie, donc au détriment des intérêts de l’entreprise.
