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Les salaires des dirigeants : Entretien avec Essaid Bellal, DG du cabinet Diorh

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Essaid-Bellal-DG-du-cabinet-DiorhUne trentaine de postes de dirigeants passés à la loupe. L’enquête Diorh sur la rémunération des dirigeants révèle un marché assez contrasté en matière de pratiques salariales. Analyse avec Essaid Bellal, DG du cabinet Diorh.

L’enquête sur les salaires des dirigeants en est à sa deuxième édition, quel est l’objectif final ?

L’objectif de cette enquête est de mesurer dans un premier temps le niveau des rémunérations des dirigeants de la place et dans un deuxième temps de suivre l’évolution de ces rémunérations.

Au niveau international, la communication sur les salaires des dirigeants est chose courante car les exigences concernant leurs rémunérations se sont accrues. Pour notre part, nous menons chaque année, et ce, depuis près de 17 ans, une enquête globale des rémunérations et nous avons constaté que les salaires des dirigeants ont pris de l’importance depuis quelques années. Il faut souligner également que la rémunération des dirigeants est souvent un mécanisme complexe qui tient compte de plusieurs critères (jetons de présence, stocks-options, avantages en nature, un salaire rémunérant une fonction technique, une rémunération spécifique pour des missions ponctuelles…). De ce fait, nous estimons que la rémunération des dirigeants mérite un focus à part.

Les salaires des dirigeants restent un sujet tabou, comment arrivez-vous à avoir plus de détails sur la question ?

Il est vrai que dans le cadre de nos enquêtes de rémunération, les entreprises restent très peu ouvertes sur le sujet. C’est avant tout une question de confiance. Le problème ne se pose pas pour les entreprises cotées en bourse, que ce soit au Maroc ou à l’international.

Ceci dit, nous arrivons à avoir plus d’informations quand il s’agit de mission de recrutement de directeurs généraux. Dans ce cas, les entreprises nous communiquent plus de détails sur la rémunération de leur ancien manager pour qu’on puisse établir les bases de négociation avec de potentiels candidats.

Comment analysez-vous les rémunérations des DG sur la place ?

Je dirais que le marché est assez contrasté du fait qu’on peut relever plusieurs niveaux de rémunération en fonction du profil du manager, la taille de l’entreprise, son secteur, son contexte, des défis à relever… Les rémunérations peuvent être plus ou moins importantes selon ces facteurs.

Pour cette deuxième édition, nous avons sondé 33 entreprises dont 25% sont des structures nationales. Ces entreprises exercent principalement dans les secteurs des biens de consommation, industrie pharmaceutique, biens durables, services ainsi que celui des technologies.

Le poste de DG a été analysé d’abord de manière globale (tous périmètres du poste et toutes tailles d’entreprise confondus) et il en ressort que la moyenne globale du poste pour la composante rémunération totale est aux alentours de 3 MDH. Un zoom a été effectué ensuite par poids du poste (périmètre géré, niveau de latitude et taille de l’entreprise). Nous avons pu ainsi dégager quatre niveaux de rémunération. Le premier niveau des salaires tourne autour de 5,7 MDH annuel brut. Il s’agit là des salaires pratiqués dans les grandes structures où le périmètre du dirigeant est très large. Les écarts de salaires peuvent être de 134% entre le 1er et le 3e quartile.

Le deuxième niveau de salaire se situe autour de 3 MDH. Il s’agit généralement de structures de taille moyenne où le périmètre du dirigeant est assez large. L’écart entre le 1er et le 3e quartile est de 117%.

Dans le troisième niveau, le salaire moyen tourne autour de 2,5 MDH avec comme caractéristique le périmètre limité du dirigeant.

Enfin, dans le quatrième et dernier niveau, la rémunération moyenne tourne autour de 1,6 MDH, avec un périmètre du dirigeant très limité. L’écart entre le 1er et le 3e quartile est de 128%.

Par rapport au profil des dirigeants, généralement ce sont des diplômés de grandes écoles avec une expérience probante dans différents domaines. Seul bémol dans l’enquête, les femmes sont peu représentées dans le panel.

Comment évoluent actuellement les rémunérations de tels profils ?

La tendance est à la stagnation des salaires, voire parfois à la baisse. Vu la rareté des opportunités, je pense que les salaires sont plus réalistes actuellement, contrairement à quelques années auparavant où les salaires avaient fortement progressé pour l’ensemble des fonctions, pas uniquement les DG.

Par exemple, pour les prévisions d’augmentation, les salaires des dirigeants sont généralement revus à la baisse de 0,5 à 1 point par rapport au taux prévisionnel.

Ceci dit, certains salaires de dirigeants sont équivalents à ceux observés dans certains pays d’Europe comme l’Espagne.

Généralement, comment est constitué le salaire ?

Pour le dirigeant d’une entreprise soumise à l’impôt sur les sociétés, plusieurs types de rémunération sont possibles, les deux principaux étant la rémunération du travail sous forme de salaire et la rémunération du capital sous forme de dividendes. A ces deux formes de rémunération peuvent venir s’ajouter d’autres éléments tels que des avantages en nature (cas le plus classique, la voiture). Il est également possible d’optimiser cette rémunération par des dispositifs d’épargne salariale ou en faisant financer par l’entreprise une partie de sa retraite. Ceci dit, depuis quelques années, la part variable prend du poids dans les émoluments des dirigeants et peut dans des cas dépasser les 50% du fixe.

Plus l’entreprise est dans une approche développement, plus le salaire du DG sera important. Ainsi, les bonus constituent l’élément essentiel de la rémunération d’un DG.

Des primes peuvent être attribuées en cas de réalisation d’objectifs précis et quantifiables : hausse du chiffre d’affaires, meilleure rentabilité, restructuration… Ce bonus peut être supérieur au salaire de base et permet de rémunérer le dirigeant au plus juste de ses qualités et de son travail.

D’autres composantes peuvent également figurer dans la rémunération comme les stocks-options, l’indemnité de rupture de contrat, l’assurance-vie, l’assurance internationale…

Quel regard portez-vous sur la politique de rémunération des dirigeants de manière générale ?

Je dirais que malheureusement, ces politiques restent archaïques. Par exemple, à l’international, la rémunération différée est une pratique courante (intéressement, stock-options, crédit temps, plan épargne…) qui permet d’attirer les meilleurs profils. Cela présente également des avantages sur le plan fiscal.Chose qu’on retrouve rarement dans nos entreprises.

b.h.