Carrière
Les petites structures ont le plus de mal à préparer les congés
Il est important de prévoir un système rotatif pour permettre aux salariés de profiter de leur congé durant les périodes qui les intéressent. Il est aussi recommandé de consulter tous les salariés afin de les sensibiliser sur le calendrier.

La planification des départs en congé, c’est d’abord une question d’organisation. Pour Omar Benaini, consultant associé au sein du cabinet LMS ORH, il faut prendre en considération la notion de continuité de service, la taille de l’entreprise en termes d’effectif et la conciliation entre les intérêts des salariés et les contraintes de l’entreprise. Le problème ne peut être mieux résolu que grâce à la bonne volonté de toutes les parties prenantes, employeur et employés. Détails.
Continuité de l’activité, sous-effectif, besoin du personnel en congé… Comment concilier toutes ces contraintes ?
Il faut tout d’abord contextualiser la notion de gestion de congé. Fondamentalement, la difficulté de gestion de congé est d’abord liée à la notion de management des congés et non pas à la notion de logistique, contrairement à ce que les gens peuvent penser. Le problème ne peut être mieux résolu que grâce à la bonne volonté de toutes les parties prenantes, employeur et employés.
A mon avis, il faut prendre en compte trois dimensions.
La première étant la notion de continuité de service. On sait par exemple que dans les banques, assurances et autres administrations publiques, il y a une activité à préserver. D’où une gestion des congés plus complexe pour assurer cette continuité.
La deuxième dimension concerne la taille de l’entreprise en termes d’effectif. S’agit-il d’un effectif réduit ou plutôt plus large ? Le problème est plus important dans les structures d’expertise avec un effectif réduit. A ce titre, certains départements comme le juridique, le contrôle de gestion… peuvent être paralysés si les principaux intervenants sont amenés à sortir en congé.
La troisième notion concerne enfin la conciliation entre les desiderata des salariés et les contraintes de l’entreprise, c’est-à-dire comment assurer une continuité de l’activité tout en permettant aux salariés de profiter de leur congé.
Très souvent, les cadres cumulent trop de jours de congé. Peut-on dire que cela est tout à fait normal ?
Je constate effectivement qu’il existe des cumuls de congé surtout pour les cadres et hauts cadres. Certains peuvent aller jusqu’à trois ans et plus de reliquats.
A mon avis, deux raisons peuvent expliquer cette tendance. D’abord, beaucoup de managers n’aiment pas déléguer afin de ne pas perdre leur leadership ou carrément leur poste au sein de l’entreprise.
Deuxième raison, très souvent les entreprises font de l’abus de pouvoir pour retenir leurs cadres.
La période traditionnelle des départs en congé coïncide encore une fois cette année avec le Ramadan. Quelle est la bonne formule pour organiser le travail ?
Ramadan ou pas, je pense qu’il existe des règles universelles à respecter. Généralement, la période estivale coïncide avec une baisse d’activité généralisée et même ceux qui préfèrent ne pas prendre de congé ont du mal à maintenir la cadence parce que aussi bien les partenaires internes qu’externes sont majoritairement absents. Pour ceux qui partent en congé, il faut bien évidemment baliser le terrain. C’est une étape importante. Si les consignes ne sont pas clairement données (ce qui arrive parfois), le remplaçant reste dépendant de son délégataire.
Il est préférable de préparer les congés en avril. Il est aussi recommandé de consulter tous les salariés afin de les sensibiliser sur les plannings. Ceci étant, il ne serait pas déplacé de dire une réalité à prendre en compte : il est déconseillé d’imposer les congés.
Il faut noter aussi que Ramadan sera encore présent durant les 6 ans à venir pendant l’été, la meilleure solution est de mettre en place un système rotatif pour que ceux qui prennent leur congé pendant Ramadan cette année peuvent le prendre en dehors du mois sacré l’année suivante.
Autre règle, habituer les salariés à fractionner leur congé pendant toute l’année et ne pas le consommer en bloc durant l’été.
Certaines entreprises organisent également des forums de discussion sur intranet pour permettre à leurs salariés de trouver des arrangements entre eux afin de permuter les dates de départ.
En résumé, quelles sont les erreurs à ne pas commettre, car il faudrait bien que tout le monde profite de son congé sans pour autant que l’entreprise en pâtit?
Je dirais que nous avons un problème socioculturel qui consiste à ce que les salariés, de manière générale, attendent l’été pour partir en congé. Et c’est généralement à cause des contraintes familiales. Parce qu’un cousin, un frère ou un ami se marie en juin ou en juillet, que certains salariés sont obligés d’organiser leur congé en fonction de ces événements. Pour le salarié marocain, la période de congé en été est un moment de rencontre familiale.
Autre pratique, les entreprises profitent des moments de départ de leurs salariés pour entamer des audits en interne. On l’a beaucoup vu dans les banques et les administrations. C’est pourquoi beaucoup de cadres redoutent ces départs parce qu’ils se sentent dans une situation de flicage.
Dans certaines structures, la prise de décision est quasi ment bloquée du fait que les responsables sont en congé. C’est de l’anti-management par principe. Aucune décision et aucune signature ne peut se faire sans la présence d’un supérieur.
De même que j’ai vu dans certaines structures ce qu’on appelle la délégation horizontale, c’est-à-dire un directeur financier qui délègue ses pouvoirs au DRH au lieu de son comptable. J’ai vu également des situations absurdes où des directeurs de production chargés de remplacer des directeurs financiers. C’est encore une fois une question de leadership et de pouvoir.
Enfin, parfois on assiste à des doublons, c’est-à-dire que dans le département financier d’une entreprise, par exemple, on se retrouve avec plusieurs auditeurs et pas de contrôleurs de gestion ou bien quatre comptables et pas de trésorier.
Justement, que peut-on tirer d’une délégation de pouvoir en termes de management ?
Confier une fonction par intérim à une personne lui permet notamment de profiter d’une nouvelle expérience et de se bonifier. C’est une forme de gestion des compétences. De même, pour un chef de service ou de département, le fait de s’occuper momentanément d’autres fonctions permet d’avoir une vision plus large sur la gestion de l’entreprise.
En dehors des aménagements du temps de travail, quelles solutions au niveau de l’organisation quotidienne ?
Des solutions il y en a certainement. Et elles peuvent être nombreuses. Il y a la délégation, la polyvalence et ce qu’on appelle le recul managérial.
Pour le premier point, j’ai déjà expliqué précédemment les solutions qui peuvent être mises en place. J’ajouterais même qu’on peut considérer la délégation comme une sorte de gestion de la relève, c’est-à-dire profiter des départs des supérieurs hiérarchiques pour initier les hauts potentiels à la prise de responsabilité.
La polyvalence consiste à ce qu’on profite des effectifs réduits pour permettre à d’autres salariés de toucher d’autres domaines d’activité. Par exemple, on peut inciter un guichetier dans une banque à travailler dans la vente de produits bancaires.
Enfin, le recul managérial consiste à profiter de cette période de relâchement pour bien préparer la rentrée. Certains managers et cadres profitent de cette période peu stressante pour effectuer un travail de fond, revoir leur stratégie et planifier des actions futures. Parce qu’on n’a pas eu le temps d’écouter les collaborateurs pendant l’année, on peut saisir l’occasion d’être plus proche d’eux, faire de l’ordre dans son bureau, améliorer l’ergonomie de travail… c’est un excellent exercice de prospection.
